Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

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Lectio divina pour le 12ème Dimanche Ordinaire
Jr.20, 10-13 Rm.5, 12-15 Mt.10, 26-33

Bien chers amis, je voudrais renouer avec la tradition des pasteurs de la première Église enseignant leurs fidèles, le jour du Seigneur, par des catéchèses baptismales. Le sacrement de Baptême, sacrement de l’initiation ouvrant à la vie chrétienne, est tellement riche qu’en le regardant avec notre simple foi de baptisé nous contemplons toute la vie chrétienne. C’est cet appel qui retentit dans notre cœur depuis le Cœur de Dieu, avec notre naissance et la consécration par l’eau et l’Esprit, qui donnera le sens profond, substantiel, spirituel de notre humanité personnelle jusqu’à notre pâque définitive.

C’est d’ailleurs pour cela, à cause de cette richesse du sacrement de Baptême, que le nouveau rituel élaboré par le dernier Concile est extrêmement riche et multiplie, pour notre enseignement, les rites secondaires ou accompagnateurs. Anciennement le Baptême était la triple immersion dans l’eau avec l’invocation de l’Esprit par les paroles. La réforme liturgique a voulu mettre en avant la richesse du contenu baptismal, d’où la multiplication des rites comme la signation, le vêtement blanc, la lumière, l’exorcisme avec l’huile ou avec l’imposition des mains, l’onction du Saint Chrême.

Je voudrais exposer quelques-uns de ces rites pour nous aider à réfléchir sur cet acte baptismal qui inaugure la vie du croyant, cette vie que nous devons développer tout au long du Temps Ordinaire.

« Le Seigneur est avec nous. »

Le premier aspect, l’aspect essentiel, nous est dévoilé par Jérémie dans la première lecture, lorsque le prophète dit : « Le Seigneur est avec nous. » Je crois que nous pourrions, par cette phrase, définir tout simplement ce qu’est le Baptême.

Ce premier fruit du Baptême, la présence de Dieu, le premier au sens de l’importance, est explicité par un rite secondaire qui suit l’immersion et qui s’appelle l’onction avec le Saint Chrême.

Pourquoi ? Parce que le Saint Chrême, qui est l’huile parfumée consacrée par l’évêque au Jeudi Saint, est le signe de la présence de l’Esprit, l’Esprit qui sent bon la Sainteté, l’Esprit qui sent bon l’odeur du Christ disent les mystiques.

Effectivement, nous savons bien que le Baptême n’est pas seulement une purification par l’eau à la manière de celle opérée par Saint Jean-Baptiste. D’ailleurs le Précurseur le dit : « Viendra celui qui vous baptisera dans l’Esprit. »

Donc l’imposition du Saint Chrême sur le front du baptisé nous rappelle que nous sommes une créature nouvelle, identifiés, au sens le plus fort du mot, au Christ. Saint Paul reviendra sans cesse dans ses épîtres sur cette conformation au Christ. Donc le baptisé est identifié au Christ.

Pourquoi ? Pour qu’il soit fils et qu’étant fils il puisse vivre sa relation filiale et personnelle au Père, « celui dont toute paternité tire son nom. » C’est-à-dire pour, qu’en tant que fils, il puisse, comme le Christ et en Lui, connaître et aimer celui que les philosophes appellent Dieu et que nous, chrétiens, appelons, depuis Jésus : notre Père qui es aux cieux.

« Nous viendrons chez lui… »

Autrement dit le premier fruit du Baptême est, pour l’homme, de voir avec la foi, d’aimer, de vivre la présence mystérieuse et amoureuse de Dieu dans son âme. C’est comprendre, à la manière de Saint Augustin, que Dieu n’est pas en dehors de moi mais qu’Il est en moi dans une relation profonde, personnelle, intime, substantielle, créatrice, rédemptrice, sanctifiante.

« Le Seigneur est avec moi », non pas comme un chef d’armée qui va me permettre de pourfendre des ennemis. Il est en moi d’abord comme l’Epoux, comme l’Ami, comme le grand frère…

Il est en moi Seigneur, Dieu-Père, comme créateur et source de vie. Il est en moi Seigneur, Dieu-Fils, comme rédempteur et image de ce que je dois être, c’est-à-dire fils. Il est en moi Seigneur, Dieu-Esprit, en tant que force vivante et sanctifiante pour me permettre de vivre cette conformation, cette configuration au Fils reçu dans le Baptême.

« Le Seigneur est avec nous », le Seigneur est avec moi : seule la grâce de la foi accompagnée des vertus conséquentes que sont l’espérance et la charité, peut permettre à l’homme de dire : le Seigneur est avec moi. « Celui qui n’a pas l’Esprit de Jésus ne peut pas dire que le Christ est Sauveur » dira Saint Paul.

« L’amour de Dieu a été diffusé en nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné. »

Le deuxième aspect du Baptême, qui est concomitant au premier, est celui de la délivrance du mal.

Si l’Esprit-Saint est insufflé dans l’âme de chacun d’entre nous c’est pour nous permettre de vivre, de ‘réaliser’ -au sens où les Anglais emploient ce mot realize- c’est-à-dire de mettre en application cette filiation ; c’est dire que dans le même temps, par la même présence de l’Esprit-Saint, Celui-ci va nous aider à sortir de notre cœur, à exorciser tout ce qui, en nous, nous empêche de vivre en esprit et en vérité cet amour filial.

D’où le rite complémentaire de l’exorcisme qui se fait avec l’onction de l’huile pour nous rappeler que l’Esprit-Saint, s’Il nous est donné pour nous configurer au Christ et pour nous faire vivre en fils de notre Père, nous est donné également, dans un sens plus purgatif, plus ascétique, pour la délivrance de nos égoïsmes, de nos manques de confiance, de nos attachements, de tout ce que, finalement, Jérémie personnifie en parlant des « méchants. » Car bien entendu le méchant ce n’est pas mon voisin, ce n’est pas celui qui m’ennuie, ce n’est pas l’ennemi. Le méchant c’est, en moi, ce qui est de moi-même et qui lutte contre cette vocation à l’amour filial.

« Le Seigneur délivre le pauvre. »

D’où la phrase de Jérémie : « Le Seigneur délivre le pauvre. » Le pauvre c’est moi. Le pauvre est celui qui a du mal à vivre parfaitement cette filiation à l’image de Jésus parce qu’il est marqué par le péché originel. Oui, si le Baptême nous lave de la faute originelle nous restons marqués dans notre structure personnelle et dans la structure du monde -qui est « une structure de péché » disait S. Jean Paul II- par cet égoïsme, par cette présence du Malin en nous et autour de nous.

Donc l’Esprit-Saint va nous aider, par la force de Jésus, comme nous le voyons pratiquer dans l’Évangile plusieurs fois (« Sors de cet homme ! ») à exorciser de notre cœur, de notre âme et de notre esprit tout ce qui va contre cet amour « en esprit et en vérité que recherche le Père » comme le disait Jésus à la Samaritaine.

« Ce que vous entendez dans votre cœur proclamez-le sur les toits. »

Et enfin le troisième but du Baptême, le troisième fruit du Baptême, c’est la multitude.

Vous remarquerez comme Saint Paul parle, dans la deuxième lecture, de ce Christ qui comble la multitude par Sa richesse ! Et pourtant, le Baptême ne s’adresse qu’à un enfant ou qu’un adulte… Alors, où est-elle cette multitude ?

Eh bien cette multitude, elle est potentiellement en ce baptisé parce que, par le Baptême qui le fait fils et le délivre du mal, il est appelé simultanément à transmettre la grâce qu’il vient de recevoir dans le Baptême et qu’il recevra à chaque moment de sa vie de fils, de sa vie de chrétien.

D’abord la grâce de la Parole, la Parole qu’il a entendue, qu’il a comprise depuis cet ephata que nous avons souligné tout à l’heure. Le baptisé, même dans sa petitesse d’enfant, est appelé à comprendre, à ‘prendre-avec-lui’, à entendre, à garder la Parole pour ensuite la proclamer. Jésus le dit dans l’Évangile : « Ce que vous entendez dans votre cœur, proclamez-le sur les toits. »

« Une lumière n’est pas faite pour être mise sous le boisseau. »

Donc chacun d’entre nous, en tant que baptisé, est appelé à proclamer la Parole. C’est la première grâce à transmettre. La deuxième c’est la grâce de la lumière que le baptisé reçoit des mains de son parrain ou de sa marraine à qui le prêtre transmet le cierge allumé au cierge pascal représentant la Lumière du Christ.

Souvenez-vous de ce que dit Jésus dans l’Évangile : « Une lumière n’est pas faite pour être mise sous le boisseau. » Si nous sommes baptisés, c’est pour que nous brillions auprès de notre prochain, pour l’éclairer et le réchauffer.

Au fond et en un mot, la grâce, dans sa totalité, que chaque baptisé est appelé à transmettre c’est la grâce de la charité, cette vertu qui nous fait vivre en pureté de cœur.

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie… »

La pureté de cœur qu’est-ce que c’est ? Je suis pur de cœur, j’ai un cœur pur lorsque mon cœur agit c’est-à-dire aime comme le Cœur de Dieu, donc lorsque j’aime mon prochain comme Jésus l’aime, l’a aimé sur la Croix et continue à l’aimer au Ciel.

Cette pureté de cœur, elle va être signifiée par le vêtement blanc dont nous revêtons le baptisé, depuis les origines de l’Eglise. Vêtement qui signifie la configuration au Christ, parfait sacrement du Cœur du Père : « Tous ceux que tu m’as donnés, je n’en ai perdu aucun… », « Je suis venu pour faire ta volonté… », « Tu me les as donnés et je te les redonne, les hommes. »

Eh bien, comme le Christ a été envoyé par le Père pour être sacrement de Son Cœur, le Christ envoie chaque chrétien pour être le sacrement de ce Sacré-Cœur qu’est le Cœur de Jésus.

Donc la grâce dans sa plénitude, la grâce baptismale que nous sommes appelés à transmettre, et c’est le troisième fruit du baptême représenté par la lumière et le vêtement blanc, c’est cette grâce de la charité.

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! »

Réfléchissons donc à ceci, avec vous qui êtes baptisés. Sacrements de Dieu, nous sommes appelés à transmettre Sa Vie, Sa Lumière, Son Amour. C’est à cela que nous devons être attachés. Et c’est sur cette transmission, visible ou pas, que sera évaluée notre sainteté baptismale.

Nous sommes responsables, en Christ, du Salut de notre prochain, quel qu’il soit. Comme le disait déjà la Loi, rappelée par le Christ, nous sommes appelés à aimer notre prochain comme nous-mêmes. Voilà le sens profond de ce commandement. Il ne s’agit pas de vivre dans le monde des bisounours ; mais bien de transmettre cette Vie que nous avons reçue gratuitement : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! »

N’est-ce pas merveilleux cette transmission de la foi et de la vie dans l’Église ? C’est pourquoi l’Eglise ne peut jamais disparaître : car elle est vivifiée par Dieu et Le transmet au monde…

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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