Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« TU AS DU PRIX À MES YEUX ET JE T’AIME ! »

Lectio divina pour le 11ème Dimanche Ordinaire – Année B
Ez. 17, 22-24 2 Co. 5, 6-10 Mc. 4, 26-34

Soyons attentifs au sens de la Collecte qui ouvre la Liturgie de ce 11ème Dimanche Ordinaire et qui est si profondément théologique puisqu’avec elle nous demandons à Dieu de nous donner la grâce de répondre à Son Amour. En effet, cela nous rappelle que notre vie est une réponse à une vocation, un appel, une interpellation divine, un désir de Dieu qui s’est exprimé activement dès le sein maternel comme dit la Parole.

« Moi et mon Créateur… »

Ma vie est une réponse à un plan (que Paul appellera le mystère de Dieu), un plan de bonté parce qu’il vient de Celui qui seul est Bon et parce qu’il a pour seule raison de me rendre bon !

Contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire dans le monde, notre vie n’est pas le jeu du hasard. Elle n’est pas un tourbillon d’heurs et de malheurs qui s’enchevêtrent au fil de nos années. Mais, contrairement à ce que l’on essaie aussi de nous faire croire, notre vie n’est pas non plus déterminée. Ce n’est ni le jeu du hasard, ni le jeu de la détermination. C’est le jeu de l’Amour, donc un jeu qui est complètement libre.

Ma vie est la construction entre deux êtres : « Myself and my Creator » s’écriait le futur Cardinal John Henry Newman. Elle est initiée par une relation amoureuse que Dieu lance en me créant par Amour et à laquelle Il tente de me faire adhérer par ce même Amour créateur et accompagnateur !

Voilà comment le chrétien doit définir sa vie : comme une réalité en mouvement qui se construit et aboutit à un épanouissement en plénitude.

« Notre ambition est de plaire au Seigneur. »

Cela nous explique pourquoi Paul écrit, dans la deuxième Lecture de la Liturgie :  « Notre ambition, c’est de plaire à Dieu. » Comme la fiancée choisie pour être demandée en mariage par son fiancé et qui n’a d’autre désir que de lui plaire…

D’ailleurs Dieu n’hésitera pas à reprendre le langage de l’amour et de la sponsalité pour expliquer la relation d’amour qu’Il veut construire avec chacun de nous. Isaïe nous rappelle qu’Israël n’est plus la « Délaissée », mais au contraire, « L’Epousée », et que la joie de Dieu, c’est la joie de l’époux qui voit son épouse si belle parce que c’est lui qui l’a choisie ! Elle n’est pas belle en elle-même, elle est belle parce qu’Il l’a choisie, et parce qu’Il l’a parée, Il l’a revêtue, dit le prophète, des vêtements de salut, du diadème, de la toge blanche et lumineuse…

« Notre vie est un don de Dieu qui nous fait être libre. »

Nous pénétrons ainsi dans un autre mystère, regardant toujours notre relation à Dieu, qui est le mystère de l’interaction de la grâce et de la liberté.

Ce mystère n’est pas à considérer seulement au niveau des disputes théologiques, à savoir si l’homme est libre, si Dieu le respecte… Il ne doit être considéré justement que dans cet environnement de l’Amour.

Le prophète Isaïe écrira, dans ces merveilleux chapitres 60, 61, 62, que le Seigneur est Celui qui fait germer la graine, qui deviendra plante puis fleur. Si la beauté est bien celle de la fleur, la fleur est l’accomplissement d’une création. Pour l’homme, il en va de même. Depuis la création de chacun de nous, il y a en nous cette présence de Dieu qui agit et embellit. Notre venue à la vie est ce Don divin qui nous fait être libre.

« Tu as du prix à mes yeux et je t’aime ! »

C’est pour cela que la Collecte emploie le mot de « fragile » pour décrire l’homme. Nous pouvons considérer bien sûr cette fragilité du côté négatif : la fragilité due au péché. Mais essayons de le voir d’abord du côté positif. Ce qui est fragile est en général ce qui est précieux, beau et donc rare… Le Seigneur dira : « Tu es unique Israël, tu as du prix à mes yeux et je t’aime ! »

Voilà ce que rappelle d’abord le mot de fragilité : cette rareté, cette préciosité, cette beauté qui est due à la présence divine dans la pâte humaine qu’est ce vase d’argile dont parlait Paul, présence puissante et embellissante qui peut faire de l’homme une ressemblance de Dieu.

Mais c’est vrai aussi, et cela va de pair, que ce qui est beau et précieux, est aussi ce qui est abîmable, c’est à dire capable de se détériorer, de se briser même…

C’est pour cela que Dieu va essayer d’intervenir, cependant non pas de manière déterminante car Il respecte toujours la liberté propre à la relation amoureuse qu’Il veut nous proposer. Car pourrait-il y avoir un amour forcé ? Il va essayer d’intervenir pour protéger cette fragilité positive de l’homme, ce joyau précieux qui est sorti de Ses mains, l’homme produit de Sa manufacture…

« Il produira des branches, portera du fruit et deviendra un cèdre magnifique. »

Ainsi Ezéchiel prédit et prophétise la grande action protectrice de Dieu à travers Son fils Jésus comparé à l’arbre qui est, de tout temps, le symbole de la force, le symbole aussi de la fécondité, le symbole de Dieu.

Le cèdre planté est pour les sémites, l’arbre par excellence, celui qui est beau, celui qui s’étend, celui qui est fort, celui qui est bien enraciné, celui qui est l’image de la Terre Promise. Le Christ sera le rejeton, le rameau de Jessé qui va être planté sur le sommet de Sion, lieu symbolisant à la fois Son Règne mais aussi l’instrument de ce Règne : le Golgotha ! Ce rameau va grandir jusqu’à devenir suffisamment important pour protéger ce qui est fragile, les oiseaux que nous sommes…

« L’aîné d’une multitude de frères… »

La fécondité de cet arbre qui produit des branches et des fruits est due, comme nous le rappelle le psaume 1er, à l’adhésion totale de la créature à la Volonté de Dieu : « Celui qui adhère à la loi de Dieu, qui ne suit pas la loi des impies est comme l’arbre qui est au bord de la rivière et qui produit en toutes saisons des fruits merveilleux. » Et Jésus n’est-Il pas Celui qui, par excellence, a adhéré à la Volonté de Son Père ?

Jésus reprendra cette image symbolique de l’arbre (ou de la graine de moutarde) qui devient important et protecteur. Il va la reprendre en parlant du Royaume. Cela veut dire que si Jésus est l’arbre, le Royaume, en lui-même et dans sa totalité, -c’est à dire en chacun de nous- est aussi arbre protecteur.

Jésus n’est là que pour être l’Aîné d’une multitude de frères et nous sommes donc tous appelés à Lui ressembler et à devenir nous-mêmes des arbres pouvant protéger toute la fragilité du monde.

« Nous portons un trésor comme dans des vases d’argile… »

Il faut laisser faire Dieu. En effet, joints à la parabole de la semence, ces deux textes du Royaume sont là pour nous expliquer de manière pressante qu’il faut respecter le temps de Dieu comme le paysan respecte le temps de la nature. Nous sommes toujours impatients, même dans la sainteté !

Laissons le temps à Dieu comme les hommes laissent le temps au temps. Nous comprenons bien qu’un cèdre ne grandit pas en deux jours, et que nous-mêmes, du baptême jusqu’à notre lit de mort, pour passer de l’état de rameau à l’état de cèdre, ou de l’état de graine à l’état d’arbre à moutarde, il faut du temps…

Il faut être patient et, comme nous le suggère la parabole en parlant de cette semence qui va donner le blé, laisser agir par la loi de dépouillement que nous devons accepter, la divine Puissance, (c’est la première propriété de Dieu), mystérieuse, (elle travaille sous terre cette graine qui va produire l’épi), et vivifiante (puisqu’elle donne le blé). C’est cette Puissance mystérieuse et vivifiante qui va faire de nous, pauvres êtres fragiles, des vases contenant et manifestant cette action aimante, vivifiante et donc rédemptrice de Dieu.

« Qu’ils soient un comme nous. »

Voilà ce que peuvent nous suggérer les textes de ce 11ème Dimanche Ordinaire. Demandons dans cette Eucharistie, lorsque nous nous offrirons en union au sacrifice du Christ, de bien nous laisser pénétrer par cette anthropologie théologique (ou cette théologie de l’homme), que Dieu nous a révélée par Sa Parole.

Comprenons bien que cette vision de la relation de l’homme à Dieu n’est jamais une vision d’antagonisme, encore moins de combat, mais qu’elle est toujours une vision, non seulement d’unité mais d’union dans l’Amour infini que Dieu nous donne pour que nous Le lui rendions à travers l’offrande de notre personne.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall