Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« CECI EST MON CORPS LIVRE POUR VOTRE NOURRITURE ! »

Gal.14, 18-20 1Cor11, 23-26 Lc9, 11-17

Nous célébrons le sacrement du Corps et du Sang de Jésus, jour particulier réservé dans notre Année liturgique pour adorer ce qui nous nourrit tout au long de nos dimanches. Et si cette fête du Corps et du Sang de Jésus est appelée Fête-Dieu, c’est tout simplement parce que célébrer l’Eucharistie ce n’est finalement rien d’autre que célébrer le noyau de la vie trinitaire, telle que Jésus nous la révèle et qui est une vie d’Amour infini.

« Tu as du prix à mes yeux et je t’aime »

Contrairement à ce que l’on dit quelquefois, Dieu manifeste déjà dans l’Ancien Testament Son Amour pour l’homme qu’Il chérit, qu’Il entoure, qu’Il protège comme la vigne. C’est aussi l’homme qu’Il guérit de ses blessures (souvenons-nous de Naaman et du prophète Élisée).

C’est encore l’homme que Dieu, toujours par l’intermédiaire d’un prophète ou d’un juge, va nourrir (souvenons-nous de la veuve de Sarepta et du prophète Élie). Le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas un Dieu terrible, même si c’est un Dieu jaloux. D’ailleurs, s’Il est dit jaloux, c’est parce qu’Il est tout Amour.

« Comme un homme porte son fils, je t’ai éduqué… »

Parce qu’Il est tout Amour et qu’Il n’est pas seulement Dieu, mais qu’Il est Père, point ne Lui suffit de confier à quelqu’un, à un prophète, à un intermédiaire le soin de nous élever, de panser nos blessures, de nous fortifier. S’Il le fait, s’Il l’a fait pendant des années, durant la longue pérégrination du peuple élu jusqu’à la naissance de Jésus, s’Il l’a fait, c’est pour nous apprivoiser afin que nous soyons capables un jour de recevoir de Lui-même, les soins et les aliments.

Dieu ne pouvait pas se contenter de nous mettre en nourrice ! Comme un véritable Père présent et attentif à son enfant, Dieu veut Lui-même panser nos blessures ; Dieu veut nous nourrir Lui-même…

« Vous croyez parce que vous avez vu des signes. »

Mais de quel pain s’agit-il ? Et de quelle blessure ?

Est-ce ce pain dont nous parle l’Evangile et qui rassasie les foules ? N’y a-t-il pas au cœur de l’homme une faim plus importante, plus profonde ? La faim du bonheur, la faim du vrai, la faim de la paix, de la justice, de l’équité ?

Et de quelles maladies s’agit-il ? Ces maladies dont parle l’Évangile que Jésus guérit : maladies des infirmes, des paralysés, des aveugles, des possédés ?

Ou ces maladies sont-elles le signe d’autres maux eux-aussi plus profonds, plus intérieurs, plus cachés, plus difficiles à déraciner ? Jésus d’ailleurs nous le dit dans l’Evangile : ces miracles sont des signes. Ces miracles de guérison, ces miracles de rassasiement, ceux-là même que nous écoutons dans l’Évangile tout au long de l’Année liturgique, sont des signes qui nous appellent à regarder autre chose. Car par définition le signe nous renvoie à une autre réalité.

« A qui irions-nous, Seigneur ? »

Quelle est cette réalité si ce n’est justement cette misère de l’homme qui a perdu la clé du paradis, qui a perdu la clé de son équilibre, la clé de son humanité sociale, la clé de la justice, la clé de son unité intérieure, la clé du gouvernement de ses passions ?

« A qui irions-nous, Seigneur ? » L’humanité, représentée par ces foules qui se rassemblent autour de Jésus, est en quête d’une guérison intérieure, d’un rassasiement intérieur dont les misères physiques et la faim, ou la soif comme pour la Samaritaine, ne sont que des signes. Et c’est cela que Dieu veut guérir. « Celui qui viendra puiser de l’eau au puits aura encore soif et devra encore venir, mais moi, l’eau que je te donnerai te rassasiera à jamais en vie éternelle. »

C’est pourquoi Jésus se définira comme la Voie et la Vie : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie ! »

« Prenez et mangez-en tous, ceci est mon corps… »

Mais si Dieu, qui ne se contente pas d’être un thaumaturge, veut guérir l’intérieur, Il ne va pas devoir se contenter d’être Celui par qui l’homme est nourri, l’homme est guéri. Il va devoir être Celui qui, à l’intérieur de l’homme, nourrit et panse. Dieu n’est pas seulement Celui par qui l’homme est guéri et fortifié, mais Dieu est Celui qui fortifie, qui guérit. Jésus n’est pas seulement le médecin, Il est aussi celui qui est médecine.

La première lecture nous laisse entrevoir, des centaines d’années avant le Christ avec cette rencontre improbable d’Abraham et de Melchisédech, qu’il va y avoir quelque chose de mystérieux. Melchisédech, le grand prêtre sans généalogie, dont on ne sait d’où il vient ni où il va, représente le Christ prêtre : il est l’image de Jésus qui va offrir à Dieu. Abraham, avec sa pauvre dîme (son dixième), représente, lui, Jésus en tant qu’il sera la victime. Jésus est en effet l’offrant (le prêtre) et l’offrande (la victime).

« Nous sommes transfigurés à son image… »

Oui, pour guérir l’intérieur de l’homme, pour que Son amour paternel puisse s’exprimer, puisse être réel, puisse être utile, puisse nous transformer, puisse nous trans-former, c’est-à-dire nous changer de forme (au sens le plus profond du mot), au-delà du vieil homme et au-delà de nos péchés, voilà que Dieu en Jésus-Christ va devenir le pain qui rassasie, l’onguent qui panse la blessure.

Ce pain qui rassasie, « c’est mon corps », et cet onguent qui panse les plaies comme celles du blessé dans l’évangile du Bon Samaritain, « c’est mon sang » ! « Parce que mon corps est une véritable nourriture, et mon sang est le vrai breuvage », et « celui qui les prend demeure en moi comme moi je demeure en lui, et je le ressusciterai au dernier jour. »

Voilà le mystère de l’Eucharistie.

Dieu, qui était jusqu’à présent le compagnon de route de l’homme, Celui qui le prend par la main, Dieu se fait maintenant homme dans l’homme : nourriture, onguent, pacification, fortification… « Ceci est mon corps livré pour votre nourriture », pour votre rassasiement, pour retrouver le chemin de la Vérité, le chemin de la Vie… « Ceci est mon sang versé » sur vos blessures, pour les panser comme de l’huile de vie, comme du baume.

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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