Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« MES YEUX SONT TOUJOURS TOURNES VERS LE SEIGNEUR ! »

Lectio divina pour le 3ème Dimanche de Carême Année C
Ex. 3, 1…15 1Cor. 10, 1…12 Lc. 13, 1-9

 « Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur… » L’introït du 3ème dimanche de Carême, tiré du psaume 24, reprend, étonnamment, la thématique du 1er dimanche de l’Avent. Bien entendu notre étonnement se dissipe vite tant il est vrai que la cantilène grégorienne décrit la posture fondamentale du chrétien. Aussi est-il naturel que l’Église nous la rappelle en ce temps où chaque baptisé essaie de mieux correspondre aux exigences de son engagement à la suite du Christ, comme l’Église nous la proposait en ouverture de notre année liturgique.

« Prends pitié, Seigneur Jésus, du pécheur que je suis ! »

Ici cependant, le regard de l’homme vers Dieu est teinté d’une confiance filiale envers le secours qu’il espère de son Père : « Regarde-moi Seigneur et prends pitié de moi. » A la base de cette attitude, la reconnaissance de sa pauvreté : « …car je suis pauvre et isolé. » En bref, le chant d’entrée met en note la célèbre prière à Jésus qui faisait le miel de la spiritualité hésychaste des Pères du désert : « Prends pitié, Seigneur Jésus, du pécheur que je suis ! » Avec cette lancinante répétition que nous devons faire nôtre, nous entrons vraiment dans le désert du Carême, conscients d’être pécheurs et en demande de la miséricorde de Dieu.

« Tu es la source de toute bonté, Seigneur et toute miséricorde vient de toi. »

La collecte reprend l’expression de cette espérance filiale en l’intervention miséricordieuse d’un Dieu qui ne désire pas la mort du pécheur, mais qu’Il se convertisse et qu’il vive. Comme on le voit, la prière qui colore notre liturgie insiste, avec une expression fort belle, sur la raison à laquelle s’adosse la confiance de l’homme : Dieu est « bonitatis auctor », appellation ancienne qui reprend la formule paulinienne faisant de Dieu « le Père des miséricorde et la source de toute consolation. »

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant »

Il est très important de se positionner dans cette compréhension du mystère de Dieu pour éviter de faire du Carême une épreuve mortifère exigée par un Dieu vengeur. Encore une fois, le seul désir de Dieu, c’est la gloire de l’homme, c’est à dire son accomplissement parfait en communiant à la propre vie de Dieu : « l’homme vivant » comme disait S. Irénée.

A cette lumière, les trois instruments que l’Église privilégie pour le Carême, qui s’inscrivent dans la profonde tradition hébraïque, prennent une saveur particulière : « la bonne prière accompagnée du jeûne et de l’aumône vaut mieux que d’amasser des monceaux d’or ! » (Tobie, 12, 8).

Dieu est pauvre en tous les pauvres…

Le jeûne, la prière et le partage sont des signes par lesquels l’homme exprime, au Seigneur, dont il a reçu la vie, la conscience qu’il ne répond pas parfaitement au projet de Dieu sur lui. Ces trois instruments de pénitence ont un certain aspect sacramentel, une certaine efficace.

Non en eux-mêmes, car rien n’est possible à l’homme et sans Dieu nous ne pouvons rien faire. Mais en tant que ces actes posés dans la grâce aident l’homme à se décentrer de lui-même pour se tourner vers son Créateur et vers ses frères en humanité.

Chacun de nous comprend aisément combien le jeûne associé à l’aumône aide à s’oublier et à tourner son regard vers ceux qui ont faim et soif, qui sont nus et malades. La prière, elle, en nous faisant remonter vers Dieu à chaque instant, nous permet d’entrer dans cette justice dont Benoît XVI a aimé parler durant son pontificat. Elle me fait voir de combien je suis débiteur du Seigneur et donc de combien je suis débiteur envers mon frère.

Car, et les trois instruments du Carême concourent à cette compréhension, c’est Dieu qui est pauvre en tous les pauvres et pour le chrétien il n’y a point d’autre pauvre que ce Dieu qu’il adore.

« Avec patience, relève nous avec amour ! »

« Avec patience, relève nous avec amour ». Cette finale de la collecte exprime la foi ferme du peuple de Dieu en la bienveillance de son Père céleste, foi qui s’enracine dans les expériences fontales du peuple hébreu.

Telle est une des leçons du texte de l’Exode. Moins qu’une révélation scientifique de l’Etre de Dieu, dont les théologiens feront leur miel plus tard en spéculant sur les qualités de l’Être premier, la révélation du Nom de Dieu, Yahvé, exprime avant tout l’amour maternel dont le Seigneur entoure Son peuple. Comme une mère attentive à ses enfants, Il écoute ses cris et voit sa misère.

Oui, Il connaît ses souffrances ! L’air de rien, cette péricope nous assure que Dieu n’est pas ce lointain horloger qui n’a que faire des rats peuplant les cales des navires, comme l’affirmait Voltaire. Notre Dieu est un Dieu proche, qui suit Son peuple à chaque instant, où qu’il soit et quoi qu’il fasse. Tel est le sens de la réponse de Yahvé : « Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Je Suis. »

Le Carême est un appel pour chacun à contempler de manière plus approfondie, plus personnelle, cette révélation de l’Amour que le Dieu du Buisson ardent fait à Moïse en attendant que Jean, à l’autre bout du Livre Saint, nous le révèle explicitement : « Dieu est amour. »

« Dieu est amour. »

La faute de nos pères dans la foi dont parle Paul, c’est cette inconnaissance de l’Amour de Yahvé qui amena certains Hébreux, durant l’Exode, à douter de cette présence amoureuse, à récriminer jusqu’à finir par préférer le confort de l’esclavage en Égypte à la liberté de l’Alliance.

Ce péché est récurrent. C’est celui de nos premiers parents au Paradis. C’est celui des Juifs au temps de Jésus, auxquels Celui-ci envoie un message de conversion.

« Père pardonne-moi car j’ai péché ! »

Se convertir, finalement, c’est accepter l’alliance proposée par le Seigneur au Buisson ardent et accomplie parfaitement en Jésus. C’est accepter de voir l’Amour de Dieu qui se donne sans jamais se reprendre ! C’est accepter de se voir débiteur de cet Amour à cause de l’égoïsme foncier de notre vieil homme.

C’est accepter enfin de se mettre en posture de pécheur venant demander le par-don du Père, c’est à dire un don au-delà et sans cesse renouvelable qui nous permette de répondre toujours mieux à Son Amour en établissant notre vie dans la confiance filiale. C’est accepter de dépendre de notre Père pour entrer dans la liberté que donne et qui donne la vraie Vie.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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