Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« QU’IL PRENNE SA CROIX ET ME SUIVE… »

Lectio divina pour le Dimanche des Rameaux
Is.50, 4-7 Phil.2,6-11 Mc.14, 1-15,47

La solennité des Rameaux est là pour nous interpeller dans un sens bien précis, pour nous guider à bien entrer dans la Semaine Sainte qui va réunir toute l’Eglise, les baptisés, les pécheurs et les saints autour de la Croix de Jésus. Car c’est bien là le centre.

« Pour montrer au genre humain quel abaissement il doit vivre. »

Jésus, le Fils de Dieu qui S’est fait homme, S’est fait notre frère pour nous instruire. Il est venu pour nous apprendre, plus particulièrement, la manière dont nous devons nous abaisser. C’est ce que nous avons prié dans la Collecte : Tu t’es fait homme, tu es mort sur la croix « pour montrer au genre humain quel abaissement il doit vivre. »

Essayons donc de Le regarder puisqu’Il est venu nous instruire, Lui qui est la Parole, le Verbe fait chair. Essayons de regarder cette Parole, de La regarder vivre comme Lui-même a regardé Son Père, -Il le dit dans la première Lecture-, comme Il a été à l’écoute du Père, comme Il s’est laissé instruire, Lui le Fils tout tourné vers Son Père, pour à Son tour nous transmettre cette vérité de Dieu, cette vérité du Père…

Nous la transmettre en nous enseignant, nous la transmettre en agissant. Car l’acte de Jésus rejoint Sa Parole comme l’acte du Père rejoint la Parole du Père, parce que la Parole est vérité, parce qu’elle est pleine, parce qu’elle est dense. « Que cela soit… » dit le Père au début du monde « et cela fut ! »

« Si le grain de blé ne meurt pas il reste seul »

Jésus nous enseigne cette vérité entendue près du Père en vivant tout particulièrement ces derniers jours de Sa vie, y compris cette journée des Rameaux un peu difficile à comprendre. En effet Jésus, jusqu’à présent, avait fui lorsqu’on voulait le faire roi ; et voici qu’aujourd’hui Il accepte humblement de monter l’ânon royal et d’entrer dans la ville de David, acclamé par les Hosanna, cris de joie eschatologique du peuple hébreu.

Le cœur et l’explication de cette journée, là où en est tout le sens ce n’est pas la royauté, c’est la Croix.

Souvenons-nous de ce que nous rapporte saint Jean au chapitre XII quand il décrit cette entrée de Jésus à Jérusalem : « Si le grain de blé ne meurt pas il reste seul » ; et Jésus se tourne vers Son Père : « Voici que je suis venu pour cette heure je ne vais pas la fuir maintenant… Que dire?! »

Cette heure, c’est l’heure de la Croix. C’est vraiment la Croix qui est au centre de la journée. C’est pour cela que notre liturgie de l’Eglise nous oriente vers la Croix. Regardons au-dessus de l’autel dans le sanctuaire, là où tous nos regards doivent converger, là où va se situer le sacrifice : la procession des Rameaux nous y a amenés, la lecture de la Passion nous en a raconté le récit, la lecture de Paul nous a déjà laissé entrevoir les conséquences de cette Croix, l’exaltation de Jésus…

« Je lui donnerai un cœur nouveau qui sera mon cœur… »

C’est donc cette Croix qu’il faut apprendre à lire et c’est pour cela qu’elle est voilée d’ailleurs : pour stimuler notre entrée en elle, notre lecture profonde. Pas seulement la croix de bois, la croix de l’histoire, mais ce que signifie profondément cette Croix de Jésus qui est au centre de Sa vie et au centre des ces derniers jours de Sa vie jusqu’à être au centre de Sa mort.

Cette Croix il faut la voir dans toute la richesse de sa symbolique.

Il faut la voir comme les bras ouverts pour rassembler le peuple d’Israël, pour rassembler le monde, pour rassembler l’humanité.

Et il faut la voir comme le cœur ouvert, ce Cœur qui va être transpercé dans quelque temps, pour embrasser cette humanité rassemblée, pour lui communiquer Son souffle, Son Esprit, Sa Vie.

En cela la Croix, dans sa dimension de l’horizontalité, accomplit les prophètes comme nous l’avons vu dans nos dimanches de Carême, les Prophètes qui sont (avec la Loi) le moyen que Dieu emploie pour nous parler, pour Se dire, pour nous donner la Vie. La Croix, c’est l’accomplissement des prophéties et en particulier des prophéties d’Ezéchiel : « Je rassemblerai mon troupeau et il n’aura plus qu’un seul pasteur… Je lui donnerai un esprit nouveau, je lui donnerai un cœur nouveau qui sera mon cœur, un cœur de chair… »

« Je ne suis pas venu abolir mais accomplir la Loi… »

Puis il nous faut voir aussi la Croix dans sa dimension de la verticalité : le lien droit, juste, éternel qui met en relation le monde de Dieu et le monde de l’homme, Lumière qui descend du Ciel et Voie qui de la terre se dirige vers les Cieux. C’est l’accomplissement de la Loi : Moïse. Souvenez-vous de la Transfiguration : Elie représentant les Prophètes et Moïse la Loi, cet autre instrument par lequel Dieu nous communique Sa Vie -les Dix Paroles de Vie, les Commandements.

Voilà que la Croix dans cette dimension de verticalité, représente l’accomplissement de la Loi de Moïse, le don que Dieu fait aux hommes de Son Amour, le mode d’emploi pour que l’homme rejoigne son Père.

« Ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha… »

Enfin il faut voir aussi la Croix dans le symbole de son lieu : le Golgotha. Le Golgotha, la décharge municipale, le tas d’ordures, exprime l’humilité.

C’est là que le Fils de Dieu a établi Sa Croix : dans cette humilité qui représente l’accomplissement de l’oubli de soi, du sacrifice, du don de soi. Nous avons déjà parlé du sacrifice en soulignant qu’il était la manifestation de la conversion de l’homme vers son Dieu, du retour de l’homme vers Dieu. Il est la réponse de l’homme à la Loi de Dieu par le don de soi, la consécration de sa personne, de son intelligence, de son esprit, de son corps…

Voilà que Jésus dans cette humilité parfaite achève, accomplit les sacrifices anciens. Il le fait jusqu’à l’effacement total de soi, jusqu’à mourir en dehors de Sa ville, en dehors de Jérusalem, en dehors de Sa terre, comme un bandit, comme un voleur, comme un brigand, comme un païen…

La Croix c’est la route chrétienne parce que c’est la route du Christ.

Voilà comment il faut lire la Croix, cette Croix dont sainte Thérèse disait qu’elle est la route chrétienne.

Ce n’est pas la croix de bois qui risquerait de nous amener à un dolorisme de mauvais aloi : il ne s’agit pas de se crucifier, il ne s’agit pas de pleurer des fausses larmes, il ne s’agit pas de prendre une tête de carême ! Il s’agit de faire sienne la richesse intérieure de la Croix ! La Croix c’est la route chrétienne parce que c’est la route du Christ.

C’est pour cela qu’en entrant en Semaine Sainte, l’Eglise avec Jésus nous propose d’entrer dans cette voie, de faire nôtre cette Croix avec toute sa richesse.

Souvenons-nous de ce que dit Jésus : « Celui qui veut être mon disciple qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

Laisser Jésus entrer dans notre âme avec Sa Croix !

Comment pouvons-nous prendre notre croix, chers frères ?

Je vous propose un moyen simple : il faut laisser Jésus entrer dans notre âme avec Sa Croix !

Et comment laisser entrer Jésus dans notre âme ? Il faut d’abord Le laisser voir, regarder et aimer cette âme qui est la nôtre. Chacun de nous avons une âme qui nous a été donnée par Dieu, qui a été forgée, formée par Dieu. Il faut que nous la Lui montrions pour qu’Il la voit, qu’Il la regarde et qu’Il l’aime. Il faut accepter Son regard d’amour sur notre âme. Quelquefois nous arrivons à nous haïr ; nous nous méprisons, nous sommes blessés de nos faiblesses ou de nos limites, nous sommes vexés. Montrons donc notre âme à Dieu ! Montrons la à Jésus pour qu’Il nous guérisse par Son Amour !

Laissons-Le la regarder avec Sa Lumière évangélique, Sa Lumière pure, Sa lumière d’Amour, Sa Lumière de Fils de Dieu incarné… Laissons-Lui retirer de cette âme toutes les obscurités qui y demeurent, ces faiblesses justement que nous n’acceptons pas, ces limites, ces péchés, ces travers, ces lâchetés, ces trahisons… Qu’elles apparaissent dans la Lumière du Christ et qu’elles disparaissent ainsi de mon âme par Son pardon !

Qu’elles soient dégagées pour se retrouver, comme au Golgotha à côté de Jérusalem, en dehors de notre cœur afin que Jésus puisse y planter Sa Croix, planter Sa Croix non plus sur les immondices de Jérusalem, mais sur nos misères intérieures, sur nos péchés…

« Alors qu’il était encore loin son père l’aperçut… »

Et puis enfin laissons le Christ envahir notre âme par Sa Vie divine ! Notre âme ainsi libérée des obscurités, des scories, des saletés, de la poussière, laissons-Le l’envahir pleinement de Sa Vie débordante, de Sa Vie de Résurrection, par ce fleuve d’eau vive dont Il nous parle dans l’Evangile de Jean.

Nous aurons remarqué que ces trois actions qui permettent à Jésus d’entrer dans notre âme, d’y planter la croix et d’y ressusciter, sont les trois temps forts de la miséricorde que saint Luc nous raconte avec la magnifique parabole du fils prodigue. Le fils qui se laisse voir à l’horizon par l’œil perçant du père (« Alors qu’il était encore loin son père l’aperçut… »), le fils qui se laisse serrer sur la poitrine par l’amour du père (c’est Jésus qui plante Sa Croix) et le fils qui se laisse nourrir par le festin nuptial offert par son père en signe de joie, de plénitude, de retrouvailles.

« Si vous ne redevenez comme des enfants…

C’est aussi le sacrement de la Réconciliation ou de la Miséricorde, avec les trois temps de notre confession pascale.

D’abord l’aveu. Se mettre à genoux près d’un prêtre c’est difficile, c’est quelquefois délicat. C’est pour cela qu’il faut revenir à la parabole de la miséricorde et par delà à la Croix de Jésus. Ne laissons pas la croix du Christ sans effet ! N’ayons pas honte de venir nous mettre aux pieds d’un ministre pour faire l’aveu de nos misères, pour montrer notre âme afin que Jésus l’aime…

Et puis il y a le pardon, il y a le fils serré sur la poitrine, il y a Jésus qui entre dans notre âme et qui plante la Croix dans le péché.

Il y a cette absolution enfin qui nous donne la Vie, la Vie en plénitude : le festin nuptial du Père et du Fils, l’envahissement de la Vie divine dans notre âme.

« Qu’il prenne sa croix et Le suive… »

Voilà comment nous pouvons faire entrer Jésus et Sa Croix dans notre cœur. Voilà comment nous pouvons prendre notre croix et suivre Jésus.

Voilà, en un mot, comment nous devons nous abaisser… On le voit, ce n’est pas difficile : on ne nous demande pas une humiliation inhumaine !

Dieu nous demande d’être véritablement des enfants : d’ouvrir notre âme, de Le laisser entrer dans notre âme comme Il va entrer en Passion le Jeudi Saint, de Le laisser planter Sa Croix sur le péché au bord de notre âme comme Il va planter Sa Croix le Vendredi Saint au bord de Jérusalem, pour renaître dans le jardin de notre âme entièrement rénové, comme Il renaîtra dans le jardin fleuri de la Résurrection le dimanche de Pâques.

La grâce que nous nous souhaitons est de réfléchir sur ces paroles et de comprendre que pour entrer en Semaine Sainte, pour communier à la Semaine Sainte, pour communier à la Résurrection Pascale, il nous faut passer par ce sacrement magnifique de la rencontre intime du misérable pécheur avec le Cœur de Dieu. C’est ce qui s’appelle la confession : rien d’autre que prendre notre croix -qu’est le péché- et Le suivre pour qu’Il nous en délivre !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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