Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

TOUT LE MYSTÈRE DU CHRIST EST DANS LE MYSTÈRE DE L’EUCHARISTIE…

Lectio divina pour le dimanche de la Fête Dieu

Nous arrivons à la fin des célébrations liturgiques que l’on peut dire être des fêtes à thèmes : des fêtes qui ne célèbrent pas tant un aspect historique de Jésus qu’un aspect du mystère de Dieu. Et le cycle des fêtes thématiques dominicales se termine avec la Fête-Dieu ou du Saint Sacrement.

La Croix, ouverture de l’histoire des hommes vers l’éternité

Dans la Collecte, cette première prière de la messe qui nous en donne tout le suc, tout l’esprit, nous trouvons bien sûr la ligne directrice de notre réflexion contemplative : « Dans cet admirable sacrement, Seigneur, Tu nous as laissé le mémorial de Ta Passion. »

Voici la meilleure définition, la plus simple de l’Eucharistie qui est le signe de la mort de Jésus sur la Croix par Amour pour les hommes. Le signe tangible, le signe visible de cet Acte unique de l’Histoire, qui lui donne tout son sens en même temps que, d’une certaine manière, il la clôt. La Croix est la fermeture de l’histoire humaine en même temps qu’elle est l’ouverture de l’histoire des hommes vers l’éternité.

L’Eucharistie, le sacrement tangible, visible de cet Acte unique qui résume toute la vie du Christ et dans lequel va s’enraciner toute la vie de l’Eglise, l’Eucharistie est le signe en plénitude.

Ceci est le sacrifice de la Croix

Nous sommes des hommes pourvus d’une intelligence, intelligence qui saisit la réalité des choses, le sens des choses à travers le visible, le sensible, le signifiant. Lorsque nous aimons une personne, nous entrons dans son cœur à travers la corporéité de cette personne, sa visibilité : nous n’aimons jamais les courants d’air !

Ce signe, que Jésus nous laisse parce que nous sommes des hommes et que nous allons du visible à l’invisible, est un signe de plénitude parce que, non seulement comme tout signe il nous renvoie à une réalité -les traces de pas dans le sable nous renvoient à celui qui est passé sur ce sable- mais le signe eucharistique contient cette réalité de la Croix.

Plus encore, il est cette réalité avec toute la force du verbe être, essentiel à notre jugement, essentiel à notre existence. Ceci est le sacrifice de la Croix, dans une identité totale, même si le sacrifice sanglant du Calvaire qui est rendu présent visiblement de manière sanglante, l’est sous une enveloppe non sanglante qui est l’enveloppe du pain et du vin.

Par l’Eucharistie nous traversons miraculeusement l’histoire

Le miracle eucharistique ! Avant même de chercher les miracles eucharistiques qui se sont éparpillés par la grâce de Dieu au cours de l’histoire dans le monde pour nous motiver, songeons à ce miracle qu’est l’Eucharistie ! Miracle permanent qui se produit quand le prêtre prononce les paroles de la consécration du Corps et du Sang de Jésus et qui nous transporte au pied de la Croix avec Marie et Jean. Ce miracle nous fait traverser les 2 000 ans qui nous séparent de l’Acte Unique de Jésus et nous y fait assister réellement présents par la foi au sacrifice de Jésus qui se déroule sur l’autel.

Quelle merveille de pouvoir contempler cet acte par lequel Jésus nous signifie tout Son Amour, et tout l’Amour de Son Père, puisque le Père et Lui ne font qu’un ; tout Son Amour signifié par ce don de la Vie, ce don du Corps et du Sang pour faire de nous des enfants de Dieu.

C’est dans la contemplation de ce miracle eucharistique, de cette re-présentation, c’est-à-dire de cette présence « à nouveau » sur l’autel au cours de la messe, que nous sommes déjà rassasiés comme les contemporains du Christ étaient rassasiés par la multiplication des pains. Parce que nous apercevons que l’homme n’est pas un mal-aimé, une espèce d’animal abandonné au gré des guerres, des haines et de sa liberté mal comprise, mais qu’aux yeux de Dieu, l’homme égale Dieu ! Oui, dans la balance divine l’homme vaut le prix du Fils de Dieu.

« Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi »

C’est pour nous faire à cette révélation incroyable qui dépasse tout l’entendement de l’homme, c’est pour nous établir dans cette foi en l’Amour inouï de Jésus et de Son Père pour chacun et chacune d’entre nous que la messe existe. Chaque dimanche nous revoyons cet Acte, nous sommes présents à cet Acte, nous sommes amenés à contempler cet Acte rendu présent à nos yeux pour dire avec Paul : « Ma vie dans la chair, ma vie de tous les jours, ma vie d’homme, ma vie de femme, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé, qui s’est livré pour moi. » Voilà le rocher, le rocher sur lequel doit se construire notre vie. Il faudrait une vie tout entière, et elle ne serait pas encore suffisante, pour contempler cet Amour !

« Ce que je vous transmets, je l’ai appris moi-même, des Apôtres »

Signe de plénitude, l’Eucharistie l’est parce que non seulement, elle contient la réalité, mais parce qu’elle nous la donne. Le signe, dans le monde humain, ne donne pas, n’est pas efficace, ne produit rien : il renvoie à quelque chose d’autre.

Mais le signe eucharistique est la réalité qu’il signifie, et il donne cette réalité. On comprend que la Tradition de l’Eglise, c’est-à-dire ce qui se transmet de génération en génération sous l’autorité du Magistère, on comprend que cette Tradition soit toute centrée, comme le rappelle Paul dans la lecture, sur la tradition de l’Eucharistie. Qu’est-ce que nous allons nous encombrer de querelles de lutrin, de querelles de langue, de querelles de soutane, de querelles d’horaire, alors que le cœur vivant et vivifiant de Tradition de l’Eglise est la tradition de l’Eucharistie ? « Ce que je vous transmets, je l’ai appris moi-même, des Apôtres. »

« Ceci est mon Corps donné pour vous. »

« La nuit où Il fut livré, le Seigneur prit du pain et Il dit : Prenez et mangez, ceci est mon Corps donné pour vous. » Le Corps de Jésus est livré, il est donné pour nous en rachat des péchés sur la Croix, c’est vrai. Il est aussi donné à nous, il est transmis : « Prenez et mangez, ceci est mon Corps donné pour vous pour la rémission des péchés. »

C’est la Tradition, c’est-à-dire la transmission, mais non pas d’une idée, non pas d’une philosophie, non pas d’un système de casuistique morale et bourgeoise. Tout le mystère du Christ réside dans ce Corps de Dieu qui est donné aux hommes. Voilà ce qu’est la Tradition de l’Eglise : la transmission de quelque chose de vivant, d’une personne, de son Corps, de son Sang, de son âme, de sa divinité, de sa vertu et particulièrement de sa vertu de charité. Qu’allons-nous perdre nos énergies, notre temps à nous battre sur tout le reste alors que Jésus a centré Sa vie sur ce don ? « Ceci est mon Corps donné pour vous. »

Et si Jésus livre ce Corps de Dieu-Amour, si Jésus Se livre aux hommes, en pâture aux mains indignes du prêtre comme à la bouche infidèle des fidèles, c’est pour les assimiler à Sa Charité contenue dans la petite hostie avec toute Sa Personne. Pour que nous puissions vivre comme le Fils de Dieu fait homme, et que nous puissions ainsi entrer dans le Royaume…

« Celui qui me mange vivra par moi… »

C’est cela le Royaume de Dieu, qui, dira Jésus, est déjà parmi nous ! Lorsque je communie au Corps et au Sang de Jésus, lorsque je me nourris donc de Son Esprit, de Son âme, de Sa charité, je suis assimilé à cet Esprit, à cette âme, à cette même charité que Jésus a vécue avec Son Père et avec les hommes. Je suis fils de Dieu par adoption, divinisé par adoption, je rentre dans le Royaume de Dieu.

Voilà la définition, voilà la fonction de l’Eucharistie qui résume tout le mystère de Jésus, comme le mystère de Jésus résume tout le mystère de Dieu. C’est pour cela que l’on appelle aussi cette fête de l’Eucharistie, la Fête-Dieu.

Mysterium fidei…

Contemplons et rendons grâce, remercions pour cette guérison totale, pour ce rassasiement parfait que nous pouvons avoir lorsque, dans la communion, nous nous établissons, en proportion de notre foi bien sûr, dans la vie de Dieu. Dieu est Amour. Lorsque je communie, je m’établis dans cet Amour, je suis guéri de mes égoïsmes, de mes orgueils, de mes vanités, de tout ce qui en moi m’éloigne de mon Père et de mes frères. Réfléchissons à cette fonction de l’Eucharistie, fonction si importante que l’Eucharistie, c’est vraiment le mystère de la foi, mysterium fidei.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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