Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« JE SUIS A TA PORTE ET JE FRAPPE ! »

Lectio divina pour le 33ème Dimanche Ordinaire
Dn.12, 1-3 Héb.10, 11-18 Mc.13, 24-32

Nous aurons remarqué que les derniers dimanches de l’Année Liturgique reprennent les mêmes thèmes que les premiers dimanches c’est-à-dire le thème du jugement, le thème de la fin du monde, le thème de l’Apocalypse. Alors réfléchissons et essayons de comprendre pourquoi le 33ème dimanche est finalement comme le 1er et que le 1er dimanche de l’Avent nous reprendrons à peu près les mêmes textes et le même thème.

« Les ténèbres couvraient l’abîme… »

La réponse à cette question est simple : c’est pour donner à l’Histoire humaine l’éclairage de l’espérance chrétienne.

C’est un fait que les croyances des hommes au niveau de la religiosité naturelle, assimilent universellement et curieusement le phénomène de l’apocalypse -c’est-à-dire de la fin des temps- au phénomène de la genèse du cosmos. Quelles que soient les religions, naturelles et même révélées, puisque la Bible décrit la Genèse et l’Apocalypse avec des termes très semblables, assimilant donc, au moins à première vue, le chaos primordial au chaos final.

Avec tout ce que cela comporte dans la psychologie religieuse de l’animal rationnel qu’est l’homme : l’angoisse, l’obscurité, la peur du chaos, la peur des ténèbres… Il n’y a qu’à se rappeler les descriptions apocalyptiques et la peur de l’an 1000 ! Encore une fois, dans toutes les cultures, nous avons cette curieuse égalité d’une cosmogenèse apocalyptique : tout est bouleversé, tout est sens dessus dessous. C’est le véritable tohu-bohu pour reprendre l’expression hébraïque de la Genèse.

« Le Royaume de Dieu est proche. »

A tel point que l’histoire de Jésus, l’histoire de l’Evangile, l’histoire de ce Dieu qui s’inscrit dans l’Histoire humaine, va suivre ce cycle.

Non seulement, par la Révélation de Yahvé commencée avec la Genèse et qui s’achève par l’Apocalypse de saint Jean dans ce même tohu-bohu et chaos du cosmos ; mais l’Evangile lui-même commence et s’achève de la même manière : « Le Royaume de Dieu est proche. »

Cette petite histoire du Christ insérée pendant 33 ans dans cette immense Histoire humaine qui n’est pas encore terminée reprend cette intelligence de l’homme, cette conception humaine de l’assimilation de la fin des temps à ses débuts, pour nous en donner un éclairage nouveau.

Le Christ, Dieu, se plie à l’intelligence de Sa créature pour éclairer cette intelligence et pour lui donner la véritable dimension à laquelle elle est appelée.

Parce que, dans l’Evangile, la fin du monde, le chaos apocalyptique, dont nous entendons ce dimanche la description chez saint Marc, représente la création d’un monde nouveau, d’une terre et des cieux nouveaux qui sont, ceux-ci, parfaits et définitifs. Et c’est pour cela que l’Evangile s’achève comme il commence, parce que le chaos final n’est pas un chaos qui donne sur le rien, sur le vide qui provoque cette crainte de l’homme, mais il ouvre sur une nouvelle Création, sur une nouvelle Genèse : la Création du monde définitivement racheté qui est la création de la Jérusalem Céleste.

« Les anges appelleront les élus des quatre coins de la terre »

Et c’est pour cela que notre année liturgique s’achève comme elle commence, pour nous éclairer, nous les hommes infiniment petits et angoissés devant cette peur (non seulement de la nuit, non seulement de la mort, mais de l’explosion finale du cosmos), et nous apprendre que ce chaos final n’est pas la fin du monde mais au contraire le début de la vie et de l’espérance.

C’est véritablement la construction d’un monde nouveau. C’est la construction de la Jérusalem Céleste dont parlera saint Jean. C’est la construction du monde universel au sens de catholique. Autant le Salut par la Croix est universel, autant la construction de la Jérusalem Céleste est universelle puisque, la lecture nous le rappelle, « Les anges appelleront les élus des quatre coins de la terre et des quatre coins du ciel. »

Et la construction de ce monde nouveau, c’est la construction du monde de la Vie, c’est le règne de Dieu, mieux c’est le Royaume de Dieu ; mieux encore c’est Dieu Lui-même, c’est Jésus qui s’approche et qui se tient là « à la porte », nous dit le texte sacré.

« Dieu lui-même sera ta lumière… »

Cette Parousie qui s’effectue dans la lumière et la gloire, c’est Jésus qui arrive, c’est Jésus qui revient, c’est le retour du Christ… A tel point qu’il n’y a plus besoin de la lumière des astres ! Ce n’est pas que les astres s’éteignent au sens cosmique du mot : le soleil se refroidirait, la nuit froide et sans fin nous ferait tous mourir de froid, ce serait terrible…

Les mots employés par saint Marc, avec le balancement : « et alors… et alors… », expriment la simultanéité et la causalité. C’est parce que le Christ arrive dans Sa lumière que nous n’avons plus besoin ni des étoiles ni du soleil et c’est la réalisation de la prophétie d’Isaïe qui nous dit : « Tu n’auras plus besoin du soleil comme lumière car Dieu lui-même sera ta lumière. »

« Là où il n’y a plus ni pleurs ni grincements de dents… »

Nous remarquerons que le texte de saint Marc, comme les parallèles des synoptiques, ne met pas en avant, dans ce passage, le Jugement dernier et la condamnation.

Jésus essaye d’abord, avant de nous parler du jugement qui aura lieu, de retourner notre manière de penser, notre manière de voir, notre manière de concevoir le monde de l’Histoire qui n’est pas le centre de la Création. Cela dépasse infiniment la révolution de Galilée vous pensez bien ! Ce n’est pas de se dire si la terre ou le soleil sont le centre du monde. C’est de se dire que notre univers cosmique n’est pas le centre de la vie ; que la vie ne se réduit pas aux dimensions de l’espace, fut-il éloigné par des milliards d’années-lumière.

La véritable vie, elle, n’est pas encore manifestée ; elle est au-delà. Ce sera la Vie de la Jérusalem Céleste, ce sera la Vie de la Lumière, ce sera la Vie de la plénitude, ce sera la Vie de la douceur, de la paix « là où il n’y a plus ni pleurs ni grincements de dents. »

« Que la comparaison du figuier vous instruise ! »

Jésus, dans sa pédagogie adorable -au sens humain comme divin du mot- essaye de nous faire retourner notre compréhension de la fin du monde avant de nous parler du Jugement qui aura lieu suivant notre charité comme le rapportera Matthieu au chapitre 25 de son évangile.

Mais pour débuter, le Christ prend l’image du figuier, l’arbre de la douceur et l’arbre de la plénitude. Le figuier porte un fruit doux, la figue. Cette douceur du figuier et de sa figue nous renvoie -et Jésus le précise- à l’été, le figuier étant l’arbre qui donne des fruits juste avant l’été, et donc qui annonce l’été et sa douceur.

Imaginons maintenant que l’été puisse symboliser le Jugement dernier dans son aspect de dure condamnation !? Au contraire, l’été symbolise la douceur de la vie, les soirées longues, les veilles sous les étoiles surtout dans ces pays-là, le bon vivre de la Palestine ou de nos pays méditerranéens…

En plus de cette douceur d’été que représente le figuier, cet arbre suggère la plénitude car son fruit, la figue, se mange totalement. La figue est le signe de la plénitude de la Vie divine comme de la Parole de Dieu qui est Parole de…Vie !

C’est la plénitude du temps messianique, là encore en référence à l’été : la plénitude des champs, de la moisson. D’ailleurs, on pourrait même chercher le rapprochement des consonances entre le Messie et la moisson…

« Je suis à la porte… »

Voilà ce que le Christ nous présente comme image de Sa Parousie c’est-à-dire de Son retour, de Sa gloire, de Sa vie, de Sa lumière, de Son amour d’abord et non pas de cette peur de la fin du monde. Oui, pour nous éclairer sur ces temps futurs et obscurs qui nous effraient Jésus nous enseigne que ce chaos n’est que le point de départ de la véritable Vie !

De plus, ce chaos, ce point de départ est proche. Là encore le figuier proche de l’été nous enseigne cette proximité du Royaume qui n’est pas une proximité de temps (ce dont nous raffolons avec nos lectures apocalyptiques : le secret de Fatima, les astres, les météores qui vont tomber sur la terre…)

Ce n’est pas une proximité de temps : le temps n’existe plus puisque justement l’Alpha et l’Omega sont ensemble, le début et la fin, la Genèse et le chaos, la Création du monde et l’Apocalypse qui n’est que la création de la Jérusalem nouvelle… Donc nous ne sommes plus dans le temps, nous sommes en dehors du temps.

Mais c’est une proximité de l’espace, une proximité de l’état.

Le Christ le dit : « Je suis à la porte -comme il le dira dans l’Apocalypse- , Je suis à ta porte et je frappe ».  Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire que moi je suis comme dans une pièce, je suis enfermé, je suis dans ma prison intérieure, je suis dans mon péché, je suis dans mes égoïsmes ; je suis incurvé sur moi-même, je suis dans mes susceptibilités, je suis dans mes orgueils, dans mes vanités. Je ne suis que mon ego !

Mais en fait je tourne autour de mon piquet, je ne m’en sors pas, il n’y a que moi.

De l’autre côté au contraire, dans les pâturages de l’infinie liberté de Dieu, il y a le Christ ; et il me suffit de passer la porte pour me libérer de mes chaînes !

Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le Royaume de Dieu est juste là : je n’ai plus qu’à faire le pas pour sortir de ma prison, de mes égoïsmes, de mes limites, bêtes et en général méchantes, pour entrer dans la liberté des enfants de Dieu.

« Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais… »

Nous pouvons aussi prendre l’image du voile. Le Christ est de l’autre côté du voile et si par la foi j’adhère au Christ le voile tombe dira saint Paul ; et les signes du Royaume de Dieu apparaissent, avec le Christ.

Les signes de ma rédemption en marche, les signes de ma sainteté qui se développe, les signes de ma prière, les signes de ma charité, les signes de mon eucharistie, les signes de mes réconciliations…

Ma vie n’est pas détruite elle est transformée dira saint Paul en parlant de la transformation finale, mais en parlant déjà aussi de cette transformation du regard de la foi.

Alors, tout dans la vie devient capacité de sainteté ! On peut se sanctifier dans le travail ou on peut être pourri. On peut se sanctifier en famille ou on peut au contraire se séparer. On peut se sanctifier dans l’éducation des enfants ou au contraire être autoritaire, dictateur. La même chose pour le prêtre, la même chose pour tous les chrétiens, la même chose pour tous les hommes…

Il suffit que le voile tombe en adhérant au Christ par la foi pour me rendre compte que tout dans ma vie, chaque minute, chaque seconde, chaque activité est capable de sainteté puisque, l’Epître aux Hébreux nous le rappelle, tous les péchés sont pardonnés, tout est transformé.

Voilà la proximité du Royaume, proximité de l’état, proximité de l’espace. Je suis là et il est à côté. Il n’y a que ma liberté, ma volonté, mon oui qui peut me faire passer de ma prison et de mon péché à l’état de grâce et à l’état de liberté !

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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