La place de la mémoire dans la prière selon la Bible
Typique de la place de la mémoire dans la prière, regardons la prière d’Esther (Est 4, 30ss). Épouse du roi de Perse et fille d’Israël, elle doit enfreindre une loi de la cour, au péril de sa vie, pour demander que son peuple ne soit pas exterminé.
Isolée dans la décision qu’elle doit prendre, Esther mentionne ce qu’on lui a enseigné : « J’ai appris, dès le berceau, au sein de ma famille, que c’est toi, Seigneur, qui as choisi Israël entre tous les peuples et nos pères parmi tous leurs ancêtres, pour être ton héritage à jamais ; et tu les as traités comme tu l’avais dit. Et puis nous avons péché contre toi, et tu nous as livrés aux mains de nos ennemis… Tu es juste, Seigneur ! » C’est la raison de son cri du début : « Viens à mon secours, car je suis seule et n’ai d’autre recours que toi… » Le Dieu fidèle et juste est intervenu autrefois, il interviendra encore !
Étonnamment, Esther invite le Dieu fidèle lui-même à s’en souvenir : « Souviens-toi, Seigneur, manifeste-toi au jour de notre tribulation ! » C’est fréquent dans les psaumes (par exemple Ps 131, 2), qui en effet nous aident aussi à exprimer ce que nous ressentons : cette impression d’oubli par Dieu, ce sentiment d’abandon que vivra le Crucifié (Ps 21, 1 cf. Mc 15, 34).
C’est en fait d’abord celui qui prie qui ne doit pas oublier : « Bénis Yahvé, mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits. » (Ps 102, 2) Le risque n’est plus ici d’être oublié de Dieu, mais de rendre anodins ses bienfaits ! Hors du livre des Psaumes, on retrouve souvent l’invitation à la louange pour les bienfaits du Seigneur, et en particulier lors du passage de la mer : le cantique d’Ex 15 reprend l’intervention divine qui vient d’être racontée et chante le Seigneur… De fait, cette louange n’est pas réservée aux ancêtres qui ont vécu l’événement, mais quiconque reprend la louange est alors conscient d’être lui aussi l’objet de la miséricorde du Seigneur : « Il nous sauva de la main des oppresseurs, car éternel est son amour ! » (Ps 135, 24)
Au sommet de la Révélation, dans le cadre de la venue du Verbe incarné, Marie loue le Seigneur en son Magnificat, non seulement pour ce qu’il a fait en elle, mais pour s’être souvenu de son amour envers les pères, Abraham et sa descendance. Chaque soir toute l’Église réapprend d’une mère la juste façon de prier et de faire mémoire !