« Je suis Celui qui est. »
Je faisais référence au Buisson ardent parce que c’est la première fois que le mot quodesh : sainteté, est exprimé dans la Bible. Lorsque Moïse s’approche du buisson, impressionné par ce mystère d’un buisson qui brûle sans se consumer, Dieu lui dit : « Ne t’approche pas car ce lieu, cette terre est sainte ! » Et Il va révéler Son nom : « Je suis Celui qui est. » Voilà ce que c’est la Sainteté. Dieu qui est, mystérieux comme le feu qui brûle sans consumer le buisson et qui parle, qui se communique. C’est tout. C’est tout ce que l’on peut dire de la Sainteté.
Dans le Nouveau Testament, les mauvais esprits eux-mêmes vont reconnaître la Sainteté du Christ : « Nous savons qui tu es, tu es le saint de Dieu ! » disent-ils au Christ lorsqu’Il les chasse d’un possédé. Tu es le Saint de Dieu c’est-à-dire : Tu es cette présence révélante, cette présence immense, cette présence divine… Tu es le Saint de Dieu qui reçoit, qui accueille bien entendu tous les autres attributs de Dieu : Sa puissance, Sa gratuité, Sa miséricorde, Sa patience, Son amour, mais tu es le Saint de Dieu, Tu es Dieu.
« Soyez saint comme je suis saint ! »
Cette Sainteté, c’est-à-dire ce mystère de Dieu que l’homme n’a pas fini de creuser et d’approfondir, ce mystère de Dieu se révélant -et se révélant en perfection dans Son Verbe, le Verbe qui est venu nous dire Dieu-, cette Sainteté est telle qu’elle va ‘contaminer’ tout ce qui la touche.
Je mentionnais la terre sainte, mais c’est vrai aussi des églises : une église est sainte parce qu’il y a Dieu dans Sa présence au tabernacle. Un vase liturgique est dit sacré, il est dit saint parce qu’il s’approche de l’autel du sacrifice et parce qu’il contient la Présence divine. Notre livre de messe est un livre saint ; une Bible est un livre saint parce qu’il contient la Parole de Dieu.
Il y a une contamination, une espèce d’émanation de cette Sainteté divine qui, encore une fois, est inconcevable puisque nous savons seulement d’elle qu’elle est Dieu en soi et Dieu qui parle, Dieu qui est et qui contamine, qui se diffuse comme le Bien. Alors c’est sûr que nous sommes dans un lieu saint d’où le respect que nous devons à l’église et dans une église…
« Soyez saints comme votre Père est saint. »
Mais de là à parler de communion…
Est-ce qu’une communion est possible entre ce qui est absolument transcendant, cette Sainteté de Dieu et moi ? Pourtant cette communion doit être possible puisque Yahvé dit déjà dans l’Ancien Testament : « Soyez saints parce que je suis saint ! » Alors comment peut-on faire passer la Sainteté de Dieu dans l’humanité puisque le propre de la Sainteté est d’être le lieu de Dieu, la réserve de Dieu, la personnalité de Dieu ?
C’est par Jésus que se fait cette communion. C’est pour cela qu’Il est venu ! Lorsque Paul nous dit que « Jésus est médiateur entre Dieu et l’homme » c’est de cela qu’il s’agit. Il est médiateur de cette alliance, de ce mariage, de cette communion, comme l’est une communion entre époux ! C’est par Lui dira saint Pierre que « nous sommes rendus participant de la nature divine » donc participants de la Sainteté.
Cela reste mystérieux mais c’est affirmé par Jésus Lui-même : « Soyez saints comme votre Père est saint. » C’est pour cela qu’Il est venu : pour nous faire participer, pour nous enter, nous greffer sur le mystère de Dieu !
« Ne savez-vous pas que vous êtes le Corps du Christ ? »
Nous voyons bien que la Sainteté ainsi décrite dépasse infiniment l’ordre moral, l’ « être propre sur soi » : je n’ai pas fait de péché, je me confesse, je suis en état de grâce, je peux communier car je suis saint !… La Sainteté ça n’a pas de frontière, c’est bien au-delà de cette réduction moralisatrice de notre vie spirituelle, c’est véritablement l’entrée dans la vie mystérieuse d’un Dieu qui, tout en étant parfaitement suffisant à Lui-même, se communique.
Et cette participation, cette entrée dans la Vie de Dieu, cela se fait par le Baptême parce que par le Baptême je suis agrégé, conformé, enté sur le Christ. Je deviens, dira saint Paul, comme un membre du Christ : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Corps du Christ ? » Ne savez-vous pas que vous êtes les membres de Jésus-Christ, les membres de « son Corps qui est l’Eglise ? »
Donc par le Baptême je suis greffé, au sens de la greffe médicale, sur le Christ qui devient comme la Tête : et moi je fais partie de Son Corps et donc je reçois tout ce qui est en Jésus, tout ce qui fait Sa vie, tout ce qui est Son bien, tout ce qui est Sa sainteté.
De même que ma main reçoit l’influx vital qui part de ma tête : je commande à ma main, ma main vit de ma tête, ma main vit du sang et de l’influx nerveux que mon cerveau lui envoie. Et le Baptême communique, reçoit tout ce bien de Jésus, toute cette Sainteté, puisque Jésus est la Tête et que je suis le corps ou, plus exactement, un membre de Son Corps !
« Vous êtes le Corps du Christ ! »
Voilà ce qu’est la communion des saints dans le premier sens. La première communion des saints c’est la communion du baptisé au Saint qui est Jésus-Christ. C’est la communion à la Sainteté de Jésus-Christ que je reçois par l’Esprit de Jésus qui s’appelle, comme par hasard ! l’Esprit Saint, et ce, en proportion de mon appartenance au Corps du Christ c’est à dire de mon appartenance à l’Eglise.
L’âme de l’Eglise étant cet Esprit Saint c’est-à-dire l’Amour, au fur et à mesure que je m’approche de la fournaise d’Amour qui est l’âme de l’Eglise, qui est l’énergie intérieure de l’Eglise, je reçois effectivement cette énergie qui est la charité, la Sainteté de Jésus.
Voilà ce qu’est la communion des saints : c’est la communion au Saint qui me fait être saint, qui me sanctifie. C’est pour cela que saint Paul s’adresse aux Romains et aux autres frères en disant : « vous êtes les saints », vous faites partie du peuple saint. Parce que nous sommes agrégés au Saint qui est notre Tête et nous sommes membres de Son Corps : « Vous êtes le corps du Christ, et membres chacun pour sa part. » écrivait Paul aux Corinthiens.
« Sancta Sanctis »
Cette agrégation se fait par les sacrements qui sont les « choses saintes. » Il y a la communion des saints par la communion aux choses saintes. Les Orthodoxes disent « Sancta Sanctis » c’est-à-dire que les choses saintes soient réservées aux saints !
Les choses saintes ce sont les sacrements qui sont dits saints parce qu’ils transmettent la Sainteté de la Tête aux membres du Corps en transmettant l’Esprit Saint. C’est vrai d’abord du sacrement du Baptême par lequel je reçois l’Esprit Saint, mais c’est vrai aussi de l’Eucharistie qui me renforce, qui me nourrit dans cette communion à l’Esprit de Jésus, dans cette communion au bien de Jésus, dans cette communion au mystère de Dieu qui se révèle en Son Verbe et qui s’appelle la Sainteté.
Ces sacrements qui me donnent de m’agréger comme membre à Jésus ce sont des choses saintes communautaires parce que lorsque chacun de nous se laisse greffer par le sacrement au Christ Tête, il devient automatiquement membre de Son Corps et nous devenons tous, les uns les autres, membres du Corps de Jésus et nous formons l’Eglise.
Une âme qui s’élève élève le monde !
Et ce que nous recevons de Jésus, cette communion à Sa Sainteté, nous nous la transmettons les uns les autres puisque nous sommes membres d’un même Corps.
Dans son épître aux Corinthiens Saint Paul reprendra cette comparaison de la main, du pied, de la jambe, de la Tête : chacun a sa fonction et chacun est unifié dans le Corps par un même Esprit qui fait le lien de la paix et qui est l’Esprit Saint.
Donc nous communions à la Sainteté que nous recevons tous, et nous nous communiquons les uns aux autres cette Sainteté venant, par le biais de notre vocation personnelle, de la Tête qui est le Christ. D’où les phrases célèbres de Paul : « Lorsqu’un membre souffre tous souffrent » ; ou des mystiques plus modernes : « lorsqu’une âme s’élève dans la charité reçue de Jésus, elle élève le monde », elle élève les autres membres qui communiquent spontanément, automatiquement à cette Sainteté reçue par l’âme.
Et ce qui est extraordinaire c’est que cette communion des saints que nous vivons ici-bas et spécialement durant l’Eucharistie qui va nourrir notre âme de la Charité de Jésus pour la communiquer aux autres, cette communion des saints continue avec l’Au-Delà.
« Puisqu’une telle multitude intercède pour nous… »
Les saints qui nous ont quittés, qui « nous ont précédés dans la foi », ils sont non plus comme nous en tension de Sainteté (parce que la sainteté ici-bas est une tension, c’est une recherche, ce n’est pas un état…), mais dans la demeure de Dieu, citoyens du Ciel, dans un état de Sainteté c’est-à-dire dans la proximité au Christ pour l’éternité.
Et ils continuent à communier, à communiquer puisqu’ils restent encore membres du Christ, membres de Son Corps : l’Eglise existe au Ciel, c’est l’Eglise triomphante ! Donc lorsque je suis sur terre la communion des saints continue avec ceux qui sont au Ciel !
Bien entendu, c’est moi qui reçois la plénitude de la grâce puisque le saint est près du Christ, et donc en état de sainteté parfaite. Il est christophore, il est christoformé en plénitude et il va pouvoir me communiquer, comme nous le faisons ici-bas sur la terre, ce dont il vit en plénitude c’est-à-dire cette charité, cette sainteté de Jésus par Son Esprit.
Il va me le communiquer avec la vocation particulière qu’a été la sienne : saint Jean Bosco, saint Pie X, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, saint François d’Assise, saint Pierre, saint Paul, saint Jacques… Chacun a eu une vocation particulière, un appel ; un appel lancé du Buisson ardent qu’est l’Amour divin qui chauffe et éclaire sans brûler !
Chaque saint a sa vocation et les saints que je peux invoquer vont me communiquer le propre de leur sainteté c’est-à-dire la spécificité de la grâce dont ils vivent dans leur vocation enfin accomplie ! Ils vont me la communiquer ici-bas : c’est la communion des saints de la fête de la Toussaint.
Il faut aimer les saints !
Il faut aimer les saints ! Non pas pour leur demander des trucs (« Je prie saint Antoine pour retrouver mon portefeuille ! »), mais pour qu’ils nous donnent la grâce de leur sainteté.
Parce que le saint qui est actuellement au Ciel avec Jésus-Christ continue à intercéder pour nous. Jésus-Christ intercède pour nous auprès du Père avec Ses mérites qui sont infinis, puisque c’est le Saint. Mais chaque saint particulier : saint Paul, saint Jacques, saint André, saint Barthélémy, tous les saints que vous voulez, que vous aimez, que vous préférez, tous ceux-là sont auprès du Christ et continuent à intercéder en Jésus, avec Jésus, à intercéder auprès du Père, chacun avec son mérite qui lui est propre, avec sa grâce qui lui est propre, pour que cette grâce, noyée dans la grâce générale de Jésus-Christ bien sûr, redescende sur celui qui l’invoque, sur celui qui l’aime.
Alors si vous avez des saints que vous préférez parce que vous pensez que dans leur vie ils ont manifesté une vertu que vous cherchez à acquérir, priez-les ! Aimez-les !