Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« LÀ OÙ JE SUIS, LA AUSSI SERA MON SERVITEUR… »

Lectio divina pour la Solennité du Christ-Roi ANNÉE A-
Ez.34, 11-17 1Co.15, 20-28 Mt.25, 31-46

L’année liturgique, c’est-à-dire ce délai de sanctification de vie chrétienne que Jésus nous donne par son Église chaque année, s’achève comme de coutume par la célébration du Christ-Roi par laquelle et dans laquelle nous anticipons le retour glorieux de Jésus. C’est donc pour nous chrétiens, qui avons mis notre foi en Jésus-Christ, un motif de joie.

Se mettre en face de l’Instant solennel…

C’est aussi le moyen de nous remettre en face de la réalité théologique qui sera celle de l’Instant solennel : la fin dernière du monde ; et, de manière anticipée, notre fin dernière à chacun de nous lorsque, quittant l’enveloppe charnelle de notre corps, notre âme apparaîtra devant Jésus. C’est donc un motif d’être sérieux, joyeux mais sérieux.

Je développerai quatre idées à retenir cette année comme enseignement de l’Église à travers la Liturgie et particulièrement la liturgie de la Parole.

« Je suis le Bon Pasteur… »

La première c’est cet émerveillement devant la précision de la description figurée, dans la première lecture, donc dans l’Ancienne Alliance, de ce qui se passera à l’Apocalypse ; ce qui nous montre, si besoin était, comme c’est l’Esprit-Saint qui, de la Genèse à l’Apocalypse, « régit toutes choses. »

Regardons le texte d’Ézéchiel. Le Pasteur, c’est bien entendu Yahvé. Nous avons là un des titres que le peuple juif a donné à son Dieu unique ; plus exactement : que Dieu a fait en sorte que le peuple lui donne.

Mais c’est aussi Jésus-Christ, comme le rapporte saint Jean : « Je suis le Bon Pasteur… » Voilà comment Ézéchiel anticipe la venue du Pasteur, un bon nombre d’années avant Son Incarnation !

« Voici l’agneau de Dieu. »

Ensuite le troupeau.

Le troupeau c’est l’Église. C’est l’ensemble des chrétiens, c’est-à-dire ces brebis qui sont des animaux faibles et sans puissance. Mais, la caractéristique de la brebis, c’est qu’elle suit. Elle fait abstraction de sa volonté propre : rappelons-nous des moutons de Panurge ! Ces brebis sont des petites bêtes fragiles, sans force, sans beaucoup de valeur, mais qui, dans la confiance, suivent le pasteur, en l’occurrence le Christ, vrai et bon Pasteur.

Soulignons que le peuple de Dieu est appelé brebis, non seulement parce que le chrétien est celui qui essaie de suivre Jésus, mais parce que Jésus, qui est Pasteur, est aussi l’Agneau : « Voici l’agneau de Dieu. » Donc la brebis est de la même race que l’Agneau, de la même famille !

Lorsque je suis le Christ en tant que Pasteur c’est Lui qui me nourrit, qui me ramène, qui me soigne, qui me fait paître, qui me donne la vie comme le chante le psaume : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ! »

Mais quand je suis chrétien-brebis, et donc de la même race que le Christ, cela veut dire que moi, en tant que brebis, je donne la vie au Christ, à l’Agneau, puisque la brebis donne l’agneau ! C’est dire que je suis tellement uni à Jésus que je Le donne à mes frères !

« Vous êtes citoyens du ciel… »

Le pâturage, enfin, c’est bien entendu la Maison de Dieu, celle dont parle saint Paul : « Vous êtes citoyens du ciel, de la maison de Dieu : domestici Dei. »

Contemplons la description d’Ézéchiel pour annoncer un évènement que ceux qui nous ont précédés dans la foi ont déjà vécu et que nous vivrons chacun à l’heure de notre passage avant le jugement définitif lors de l’Apocalypse !

La mort est passage vers la Vie…

La deuxième idée à retenir est que c’est le désir de Dieu de ramener les brebis autour de Lui dans Son pâturage et dans Sa maison, c’est cette intention de salut qui est première en Dieu.

Dieu n’est pas d’abord un juge. Dieu est d’abord notre Dieu, notre Père, notre Sauveur.

Pourquoi avoir peur de Lui et donc pourquoi avoir peur de la mort qui n’est que passage, pâque, vers la rencontre avec le Christ-Sauveur, et, par Lui, avec notre Père-Créateur ?

C’est cette intention qui est première. Mais le Christ est comme le berger c’est-à-dire qu’Il ne peut s’entourer que de ces petits animaux sans prétention et sans grande richesse que sont les brebis qui le suivent.

« Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent… »

Et les chèvres ? Nous savons ce que cela veut dire quand on parle du tempérament de chèvre de quelqu’un : qu’il est capricieux, indomptable, qu’il fait ce qu’il veut… Ah oui, la chèvre ça se cabre, ça part dans tous les coins et donne à tout va des coups de corne…

Le berger ne peut pas rassembler les chèvres dans son bercail. Pourquoi ? Parce que ce sont les chèvres qui ne veulent pas se laisser guider ! C’est ce qui advient dans la vie de communauté paroissiale, familiale, professionnelle ou associative… La chèvre, c’est tout simplement l’insoumission, l’indépendance…

Et il y en a des chèvres parmi nous ! D’ailleurs, ne sommes-nous tous un peu brebis et un peu chèvre ? Ce n’est pas facile de faire le partage ; il n’y a pas les chèvres d’un côté et les brebis de l’autre. Non ! Le départage passe généralement à l’intérieur de notre cœur.

Mais la chèvre, elle reste dehors.

Suivre le Pasteur jusqu’à devenir agneau…

Donc quand Paul, dans la deuxième lecture, nous dit que celui qui ressuscite pour la Vie éternelle c’est celui qui appartient au Christ, dans quel sens faut-il le comprendre ?

Pas dans le sens de la dénomination, de l’appartenance extérieure : je suis baptisé, je suis prêtre, je suis de la chorale ou je suis enfant de chœur… Appartenir au Christ, ce n’est pas l’appartenance du nom, c’est l’appartenance de l’être : la conformité. C’est être au Christ véritablement, pas seulement du bout du doigt, du fond de l’église, un dimanche sur vingt, une confession tous les quatre ans…

C’est être comme la brebis qui marche derrière son pasteur sans jamais le quitter ; c’est être la brebis qui suit tellement son pasteur de près qu’elle finit par lui ressembler. Elle suit tellement le Pasteur qu’elle ressemble à l’Agneau. Je suis tellement le Christ que j’arrive à Lui ressembler. Ah quel miracle !

« J’avais faim et vous m’avez donné à manger… »

La troisième idée concerne justement la brebis qui suit son pasteur à tel point qu’elle lui ressemble, qu’elle en est sa représentation. Eh bien l’Évangile nous dit que cette brebis, cette personne sauvée, celle que le Roi mettra à Sa droite, c’est celle qui a nourri, qui a vêtu, qui a visité…

Oui, le Christ demande, pour être cette brebis sauvée, c’est-à-dire pour Lui ressembler : de nourrir, de vêtir, de visiter… Pourquoi ? Parce que Lui-même l’a fait dans Son mystère de l’Incarnation. Et c’est pour cela qu’en le faisant nous Lui ressemblons, nous Le suivons dans Sa démarche !

Regardons : le Christ nous a visités et c’est le mystère de l’Incarnation. Le Christ nous a visités en tant que malade : l’homme pécheur ; en tant que prisonniers : l’homme dans sa gangue de péché qui ne peut pas s’en sortir seul et qui s’enferme dans ses vices…

Le Christ est celui qui est venu nous désaltérer en nous enseignant la Vérité. Mais l’écoutons nous ? Sommes nous attentifs à Sa Parole ?

Le Christ est venu nous nourrir par l’Eucharistie. Mais comment pouvons-nous recevoir pleinement l’Eucharistie si nous ne nous sommes pas mis en accord avec elle par le sacrement de la Réconciliation ? À quoi cela sert-il ?!

« Vous avez revêtu le Christ par le baptême. »

Et le Christ finalement nous a revêtus de Sa grâce : « Vous avez revêtu le Christ par le baptême » nous dit saint Paul ! Et pourquoi donc ? Pour partager cette grâce avec nos frères ! Il ne nous sauve pas égoïstement, pour nous-mêmes, comme une caste de privilégiés. S’Il nous rend ainsi participants de Sa nature divine, c’est pour que nous devenions des instruments de Son Salut jusqu’à la fin des temps !

Alors, en nourrissant, en rendant visite, en désaltérant, en habillant le pauvre, (pas seulement le pauvre sociologique : cela concerne aussi le pauvre qui est dans la misère morale, le pauvre qui désespère, celui qui est malade qui sait qu’il ne va pas guérir ou celui qui sait que sa femme ou son enfant est malade…), en aidant tous ces frères humains qui sont dans la misère, toutes ces personnes qui sont actuellement dans les hôpitaux, malades et isolés, sans certitude de guérir, en accompagnant ceux qui sont dans la peine sentimentale, ceux qui sont dans un foyer désuni, nous leur apportons la Lumière… Nous leur offrons l’eau désaltérante de la Vérité, la Consolation de la Bonne Parole, la Miséricorde reçue dans notre cœur par la Réconciliation et l’Amour sans mesure dont nous nourrit l’Eucharistie…

Nous ne pouvons pas mieux prouver notre union au Bon Pasteur qu’en Le laissant vivre en nous Sa grâce pour en faire bénéficier nos frères !

C’est ce qu’avait si bien compris saint Martin qui revêtit le pauvre d’une partie se son manteau, signifiant par là qu’il partageait avec son frère la richesse d’Amour reçue du Sauveur.

« Je me sauve ou je me damne par le prochain. »

La quatrième idée c’est donc que le prochain et en particulier le petit, le faible, le pauvre (dans ce sens-là), celui qui est dans l’angoisse, dans la souffrance, dans le tunnel, dans l’obscurité, c’est vraiment celui-là qui va faire la différence lors de mon jugement personnel. Comme disait Catherine de Sienne : « Je me sauve ou je me damne par le prochain. » Suivant que je l’ai vêtu ou non, reçu ou non, accueilli ou non, visité ou non, nourri ou non…

Et cette réalité de ‘l’aller vers l’autre’ qui dépasse infiniment (même si elle les assume) les œuvres pieuses, philanthropiques, charitables, pour atteindre le regard même de Dieu sur l’homme misérable, l’homme pauvre, cette réalité est le sommet de notre vie chrétienne.

Le sommet parce qu’en elle tout se résume. Saint Paul dit que « La plénitude de la Loi c’est l’amour » et pour que saint Paul, Juif, fils de Juifs, élevé au pied de Gamaliel, donc ardent défenseur de la Loi, arrive à dire, après son chemin de Damas, « la plénitude de la Loi c’est l’amour » cela est particulièrement significatif…

Non seulement cette activité de visite, d’accueil, de nutrition du pauvre est le sommet, résume tout, mais elle sera aussi ce sur quoi nous serons jugés. Comme disait Jean de la Croix : « Nous serons jugés sur l’amour. » La preuve en est l’Évangile d’aujourd’hui.

Alors ne nous étonnons pas que la demande du Pater regardant le pardon, c’est à dire le don surabondant, la surabondance du don dans notre vie, soit la dernière demande parce que la plus importante. C’est celle qui arrive à la fin, c’est celle qui va nous juger.

« Nous serons jugés sur l’amour… »

Alors pour notre bilan du Christ-Roi, qui doit nous aider à faire le point sur notre vie chrétienne avant de repartir pour une nouvelle Année Liturgique, faisons en sorte qu’il prenne comme benchmark ce modèle concret du Christ.

Chrétien, que fais-tu concrètement vis-à-vis de ton prochain, de ta femme, de ton mari, de tes enfants, de ton curé, de ta paroisse, de tes collègues de travail, de ton directeur, de ton inférieur ? Qu’est-ce que tu lui as donné comme nourriture, lumière, réconfort ? Qu’est-ce que tu peux présenter au Christ de ces activités de charité ??

Ensuite, suivant la réponse on doit remonter en amont et reconnaître : oui, si j’ai donné c’est parce qu’effectivement j’ai appris à mieux prier… Ou : si je n’ai pas donné c’est effectivement peut-être parce que je ne suis pas suffisamment près de Dieu dans la prière… Mais il faut partir de la fin, du concret, pour remonter ensuite aux causes, à la source de mon comportement…

Car je ne peux pas donner du christianisme si je ne suis pas chrétien. Et je ne suis pas chrétien si je ne suis pas uni à Dieu. Essayons de rétablir le sens de notre bilan du Christ-Roi. Partons de cette réalité concrète que le Christ nous présente dans l’Évangile.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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