Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

ILS NE VIRENT PLUS QUE JESUS SEUL.

Lectio divina pour le 2ème Dimanche de Carême
Gen.22, 1-18 Rom.8, 31-34 Mc.9, 2-10

Nous nous souvenons de ce que nous avions vu dimanche dernier : Dieu nous propose d’entrer en Alliance avec Lui. La réponse de l’homme à cette vocation si belle, c’est la conversion, c’est à dire la marche vers ce Dieu qui appelle, marche à la suite de Jésus qui nous ouvre la route et nous montre le chemin. Je voudrais aujourd’hui souligner trois points qui prolongeront notre réflexion d’entrée en Carême.

« Voici mon Fils bien-aimé »

L’évangile du 2ème dimanche de Carême nous montre le Christ dans la Gloire de Dieu et nous propose la contemplation de cette Alliance, de cet ‘être-avec-Dieu’ réalisé en perfection. Car c’est vraiment une réalité possible et non une chimère que Dieu nous offre !

Cette réalisation complète de l’Alliance s’appelle la Transfiguration. Car notre ordre humain -pour reprendre un terme pascalien- est transformé, assumé, transfiguré par l’ordre de Dieu. Transfiguré et surtout pas détruit ! Au grand jamais ! Nous aurons le même phénomène, et ce n’est pas un hasard, avec la Résurrection de Jésus…

Et l’ordre de Dieu c’est la Lumière qui donne à notre forme humaine toute son épaisseur, toute sa densité. Le « Voici mon Fils bien-aimé… » n’est pas loin du : « Voici l’homme ! », de Pilate présentant au monde l’Homme Nouveau, l’homme dans toute sa force, sa vérité plénière ! « Voici mon Fils bien-aimé » voici le fils, c’est à dire tout homme appelé à entrer dans la filiation…

« Voici l’homme ! »

Nous sommes vitrail, avec une composition aussi complexe que merveilleuse de formes et de couleurs. Dieu est soleil. Aussi est-ce Lui qui va dessiner parfaitement les figures représentées par le vitrail. Avec Lui donc, notre forme, notre figure se découpe clairement, parfaitement. Oui, ‘l’être-avec-Dieu’, l’Alliance, ainsi que semble nous le dire la Transfiguration, manifeste sans aucun flou le contour de notre personne, la forme qui nous définit tels que nous sommes personnellement. ‘L’être-avec-Dieu’ nous fait ressortir dans toute notre épaisseur, comme la Résurrection fera ressortir le poids de l’humanité glorieuse de Jésus. Il nous fait ressortir à l’existence, il nous fait être ! D’où la présentation d’un Jésus transfiguré, plein de densité, de perfection, anticipation du Jésus de la Résurrection…

Cet ordre de Dieu, cette Lumière qui me fait ressortir dans le paysage de l’humanité, qui me fait être, qui me redonne l’existence vraie, profonde, qui redonne tout son relief à mon humanité, cette Lumière n’est pas le soleil des magiciens ni des multiples vendeurs d’illusions de notre monde actuel (ainsi sont tant de politiques, de publicitaires, bon marchands de vent comme de bonheur promis…).

« Ecoute, ô mon fils, les préceptes du Seigneur… »

L’ordre lumineux de Dieu qui transfigure ma personne, qui transfigure aujourd’hui la personne de Jésus, c’est la Loi et les Prophètes, c’est à dire la Parole de Vie que Dieu m’envoie pour que je L’assimile (les prophètes devront même La manger !) et en vive et donc pour que je vive ! D’où la présence significative de Moïse (la Loi) et d’Elie (les Prophètes).

Alors s’explique bien notre Collecte d’aujourd’hui. Car écouter Dieu par Son Fils est l’attitude fondamentale de celui qui veut discerner Sa Gloire, c’est-à-dire Le voir et communier à Lui, ‘être-avec’ ce Dieu-Parole. Celui qui veut être avec Dieu doit être dans cette attitude d’écoute sans cesse évoquée par les Livres Sapientaux : « Ecoute, ô mon fils, les préceptes du Seigneur… »

Oui, nous devons demander la grâce de prendre la Parole de Dieu comme une nourriture, la nourriture de l’âme ! D’autant que cette attitude d’écoute n’est pas spontanée chez nous !

« Heureux vous qui avez faim maintenant, vous serez rassasiés »

Mais il nous faut coopérer à la réception de cette grâce. Et c’est la pénitence.

Son rôle n’est pas de nous briser. C’est de nous donner conscience que toutes les richesses (légitimes en elles-mêmes) satisfaisant un appétit immédiat risquent de cacher l’appétit intérieur, essentiel, celui du cœur de ma personne, appétit qui est spirituel comme elle, et donc infini.

Cet appétit-là, Dieu seul peut le rassasier : « Heureux vous qui avez faim maintenant, vous serez rassasiés » ! Et donc, si les richesses recouvrent l’appétit de notre être profond, elles vont nous cacher le besoin que nous avons de Dieu. N’est-ce pas une des caractéristiques de notre modernité que cette indifférence à Dieu, cette neutralité polie vis-à-vis de Celui dont le monde semble n’avoir plus besoin ?

L’écoute de la Parole de Dieu est le premier pas sur la route de l’Alliance. Elle est tout simplement la réception de ce que Dieu me donne, la Loi.

Mais cela ne suffit pas et Jésus nous en a prévenus : il faut adhérer à cette Parole. Il nous la faut « garder » dans notre cœur. C’est d’ailleurs ainsi que nous prouverons notre amour, notre vrai désir de faire Alliance avec Dieu : « Celui qui m’aime gardera ma Parole. »

« Celui qui m’aime gardera ma Parole. »

Cette adhésion à la Parole de Dieu, la première Lecture, tirée de la Genèse, nous indique qu’elle conduit au sacrifice.

Le sacrifice d’Isaac n’est pas un acte isolé, comme un accident dans l’Histoire du Salut. Il se situe au contraire sur un vecteur permanent de la Genèse (avec le sacrifice d’Abel) à l’Apocalypse de l’Agneau égorgé. Ce vecteur passe par le point obligé du Sacrifice du Christ, récapitulation des sacrifices anciens -y compris celui d’Abraham- et raison d’être unique et substantielle des sacrifices de l’Eglise-Epouse, et de ses membres, vous et moi…

Or le Christ est celui qui est venu « non pas abolir mais accomplir la Loi », la porter à sa perfection. C’est donc signe que l’achèvement de la Loi semble avoir mené tout droit, comme par logique, le Christ au Calvaire.

« Me voici ! »

Pourquoi la Parole appliquée à la vie humaine -du Christ puis du chrétien- doit-elle aboutir au sacrifice ?

Car l’adhésion à la Parole, la réponse positive à Dieu est ce « Me voici » d’Abraham. comme cela sera celui de Jérémie ou de Pierre… tous appelés à mourir.

C’est dire que l’adhésion à la Parole c’est l’offrande de la personne, « le sacrifice spirituel qui plaît à Dieu » selon le mot de saint Paul qui nous rassure ainsi sur le caractère non sanglant de la démarche chrétienne…

Ainsi compris, le sacrifice apparaît comme l’offrande de ma vie pour que la Parole de Dieu s’y accomplisse en me donnant alors tout son poids divin, la doxa de Dieu partagée, Sa gloire lumineuse !

« Ils ne virent plus que Jésus seul. »

« Ils ne virent plus que Jésus seul. » Ainsi se conclut notre évangile et notre méditation.

Cette petite précision est là pour nous encourager à voir en Jésus l’Exemple qu’il nous faut imiter.

Il est le Modèle car Il contient tout !

Il est en effet Parole : « Au commencement était le Verbe… et le Verbe s’est fait chair. »

Il est aussi Parole accomplie : « Je fais tout ce que le Père me dit. »

Il est enfin Parole accomplie par l’offrande de Sa personne : « Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne. »

C’est donc aussi un encouragement à Le suivre, adhérer à Sa vie, y communier enfin par ce moyen simple qu’Il nous a laissé : l’Eucharistie.

« Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. »

L’Eucharistie me transfuse Ses vertus insignes : « Celui qui me mange vivra par moi. » Je ne dis pas qu’elle me les transmet. Parce que la transmission n’est pas assez profonde. Cela peut être seulement la transmission d’une pensée, d’un enseignement. Comme moi je vous transmets par cette méditation une explicitation de la Parole de Dieu. Mais ce n’est pas pour autant que je demeure en vous, et vous en moi !

Nous, nous ne demeurons les uns dans les autres qu’au titre de l’affection fraternelle. Alors que le Christ dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » C’est donc plus qu’une simple relation de sentiment.

L’Eucharistie me donne, me transfuse au fin fond de mon être l’Être propre de Jésus, Sa vie, Son amour du Père, l’oblation de Sa personne. Afin qu’avec Ses qualités en moi de Parole, de Parole accomplie et de Parole accomplie dans l’offrande de Sa personne, je puisse à mon tour répondre à l’invitation de Dieu, Lui dire : « Me voici » et aboutir à ma transfiguration et à ma résurrection finale.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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