Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Il se jeta aux pieds de Jésus en rendant grâce… »

Lectio divina pour le 28e dimanche du temps ordinaire

L’Église propose pour ce 28ème Dimanche Ordinaire le texte lucanien de la guérison par Jésus des dix lépreux comme un écho au récit si suggestif de la guérison du syrien Naaman. Il n’est pas anodin que cet épisode se passe lorsque le Christ monte à Jérusalem pour y offrir Sa vie. Cela nous aide effectivement à lire la signification profonde de tous les miracles accomplis par le Sauveur, et dont la majorité regardent des guérisons physiques : aveugles, boiteux, sourds et muets, grabataires et estropiés, morts même… Par ce lien, mis en évidence seulement par le médecin Luc, nous comprenons que le miracle de guérison physique est le signe de la guérison intérieure que l’homme pécheur reçoit de la Croix.

L’homme revient à la vie par la confiance en Dieu

Les guérisons, en effet, tels des sacrements, cachent en même temps qu’elles dévoilent le retour en grâce de l’homme. Nous pensons particulièrement à la guérison du paralytique au cours de laquelle Jésus, exceptionnellement, procède à la rémission des fautes avant de guérir le corps.

Ce retour en grâce est généralement décrit comme une entrée dans la foi, ainsi que la péricope d’aujourd’hui nous l’indique : « Va, ta foi t’a sauvé. » La véritable guérison de l’homme se produit lorsque celui-ci, entrant dans la confiance, pénètre en même temps dans le Cœur du Père, à la manière d’un de ces enfants auxquels le Royaume est réservé.

« La grâce est donnée à celui qui rend grâce. »

Tel est le sens plénier du miracle : le don de la Vie divine au cœur de la vie humaine. En redonnant ainsi au miracle tout son sens, nous sommes à même de découvrir les nombreuses, sinon toutes les guérisons miraculeuses que Dieu a effectuées dans nos vies. Nous devons alors faire mémoire de ces innombrables fois où le Christ nous a rendu au Père en insufflant en nous Son Esprit filial, esprit doux et humble, esprit confiant et abandonné : « Père entre tes mains je remets mon esprit. »

Faire mémoire, c’est rendre grâce : « Je veux Te rendre grâce car Tu as agi… » (Ps.51) ; rendre grâce, c’est espérer à nouveau la grâce sur soi : « … Et j’espère en Ton Nom car il est bon… » continue le psaume 51. Oui, comme dit l’Imitation : « La grâce est donnée à celui qui rend grâce ! »

C’est pourquoi l’évangéliste conclut la péricope sur cette interpellation du Christ que l’on devine vive : « Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? On ne les a pas vu revenir rendre gloire à Dieu ! » Le Sauveur ne réclame pas un dû ; Il pleure seulement sur ces hommes qui passent si facilement, et j’oserais dire bêtement, à côté de la Vie qui ne désire que se donner à profusion.

« Que veux-tu que Je fasse pour toi ? »

Les actions miraculeuses sont d’autant plus importantes dans la vie de Jésus qu’elles sont comme le prototype et la source des sacrements de l’Église, au moins dans la partie de guérison qu’ils possèdent tous. Les sacrements sont les moyens instaurés par le Christ pour perpétuer Ses propres gestes sauveurs. C’est spécifiquement vrai pour la Réconciliation.

Et si nous avons quelque difficulté à repérer les guérisons par lesquelles Dieu nous a donné d’avoir une foi plus profonde en Lui, analysons alors de quelle manière, c’est à dire avec quel réel désir de guérison, nous nous approchons des sacrements par lesquels Dieu persévère à miraculer notre cœur. Regardons, par exemple, quelle est notre demande lorsqu’Il vient à nous au sacrement de la Réconciliation et nous questionne, comme Il a interpellé l’aveugle de Jéricho : « Que veux-tu que Je fasse pour toi ? »

La vie sacramentelle est une vie de miraculé…

La vie sacramentelle est une vie de miraculé qui va de guérison en guérison par des guérisons qui ne finissent jamais. À chaque guérison notre foi se trouve renforcée et nous nous sentons toujours plus prompts à rendre grâce en nous prosternant aux pieds du Maître comme la femme pécheresse avec son parfum et ses cheveux…

Notre foi deviendra la foi achevée des saints lorsque nous comprendrons dans la joie que la victoire proposée par le Christ est de partager Son règne, c’est à dire de servir et le Père et les hommes : le Père dans la sacrée Liturgie qui nous transmet la Vie, et les hommes dans la Charité vivante reçue de cette Liturgie que l’on peut dire pascale car elle nous permet de passer de l’ego au don, de l’existence incurvée à la pro-existence, à l’existence offerte…

De l’ex-tase à l’exode de soi…

Telle est la promesse que Paul fait à Timothée dans la 2ème lecture : « Si nous supportons l’épreuve, avec Lui nous règnerons. » Avec Lui, c’est à dire par la grâce qu’Il nous prodigue sans cesse miraculeusement, nous supporterons cette ex-tase, c’est à dire, littéralement, cette sortie de soi, ou encore ce permanent décentrage de nous-même, et même ce continuel exode de soi qui fait souffrir, tant nous nous collons à nous-mêmes… Et cet oubli de soi est pourtant nécessaire pour pouvoir être « en tenue de service », à genoux devant nos frères pour leur laver les pieds et leur donner ainsi « la consolation du Père de toutes les consolations. »

C’est ce bien que nous demanderons à faire sans relâche dans la Collecte : « Nous T’en prions, Seigneur, que Ta grâce nous devance et qu’elle nous accompagne toujours, pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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