Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« JE SUIS LA VOIE, LA VERITE ET LA VIE… »

Lectio divina pour le 1er Dimanche de l’Avent ANNÉE B
Is.63, 16-64,7 1Cor.1, 3-9 Mc.13, 33-37

Dimanche dernier il fallait être joyeux pour célébrer le Christ-Roi et sérieux pour penser à nos fins dernières. Aujourd’hui il faut être sérieux puisque nous entrons en Avent, sans fleur, avec des ornements violets. Mais il faut être joyeux puisque nous commençons un nouveau cycle de sanctification !

« Vers toi Seigneur, j’élève mon âme !… »

Jésus, à travers son Eglise, nous donne en effet 365 jours pour essayer de marcher un  peu plus vite, un peu mieux derrière Lui, en un mot, pour nous permettre d’augmenter notre conformité à Sa Personne. C’est merveilleux d’avoir ce délai de grâce ! On parle tant, en politique, de l’état de grâce, mais regarde-t-on ce temps de grâce que Dieu nous laisse pour améliorer notre christianisation intérieure ?

Aujourd’hui, le premier dimanche de l’Avent nous oriente bien entendu vers Noël. Nous avons déjà en tête les cadeaux, les sapins, les chocolats… Mais c’est aussi et d’abord le premier dimanche de l’Année Liturgique qui va orienter toute notre année de vie baptismale. Il doit donc donner la clé de cette Année Liturgique, le sens de ces douze mois de sanctification. C’est pourquoi il est un des dimanches les plus importants du cycle liturgique !

Alors si nous regardons la Collecte, la prière qui débute la messe, nous voyons dans quel sens nous pouvons orienter notre réflexion.

« Donne à tes fidèles d’aller avec courage sur les chemins de la justice… »

Nous avons d’abord les acteurs de ce drame qu’est le Mystère pascal de Jésus, Mystère qui sera rendu présent dans la Liturgie tout au long de cette année, de sa préparation avec Noël à son achèvement avec la Pentecôte…

Nous avons donc d’abord, comme acteur de ce drame, Dieu : « Dieu tout-puissant donne à tes fidèles… » Dieu est l’origine de tout don ; Il est l’origine de la vie, Lui qui est avant toute chose.

Et puis de l’autre côté nous avons les fidèles : « …Donne à tes fidèles… »

Qui est le fidèle ? Le fidèle est celui qui, dans le temps long de sa vie, garde confiance dans le don de Dieu. « Donne, donne à tes fidèles… » : oui, j’ai foi en ce don que Tu peux et veux me faire !

« Entrer en possession du Royaume… »

C’est donc aussi avoir confiance dans ce que Dieu nous promet de nous donner si nous restons fidèles jusqu’au bout en utilisant Ses dons quotidiens à bon escient.

En effet, pourquoi sommes-nous là ? Parce que nous sommes appelés à « entrer en possession du Royaume » poursuit la Collecte. Voilà la fin vers laquelle nous tendons, vers laquelle nous aspirons et marchons tant bien que mal…

Après les acteurs il y a la fin : entrer en possession du Royaume. On ne nous dit pas que nous serons invités, on nous dit que nous entrerons en possession. Oui, nous serons propriétaires ! Propriétaires du Royaume, nous serons donc héritiers, et « cohéritiers avec le Christ » du Royaume de Dieu, jouissant avec Lui de la Vie éternelle.

« Aller à la rencontre du Seigneur… »

Et enfin nous avons le moyen pour entrer en possession du Royaume. Le moyen c’est d’« aller à la rencontre du Seigneur sur la route de la justice. » Le Seigneur c’est le Seigneur du Royaume. Comme dit Isaïe dans la première lecture, Il est le Père, Il est le Sauveur, Celui qui nous appelle et qui nous attend.

Pour entrer en possession du Royaume il nous faut donc aller à la rencontre du Seigneur, c’est-à-dire il nous faut passer par Lui. C’est la particularité du Royaume de Dieu. On n’entre pas dans le Royaume pour trouver le roi (ce qui en général se fait dans le monde des hommes : on passe la frontière puis on avance jusqu’à la capitale). Ici, c’est le contraire : pour entrer dans le Royaume, il faut d’abord passer par le roi : « Je suis la porte, nul n’entre sans passer par moi. »

La route de Dieu à Dieu…

Et la route de justice sur laquelle nous devons marcher à la rencontre du Seigneur est une route qui est difficile. C’est la raison pour laquelle, dans la Collecte, nous avons demandé à Dieu de nous donner du courage !

De quel genre de difficulté s’agit-il ? Ce n’est pas de la peine. Il faut nous ôter cette idée de l’esprit. Trop souvent nous nous plaignons qu’il est difficile d’être chrétien avec toutes ces exigences… Si nous disons cela, il n’y a rien de tel pour décourager ceux qui ne pratiquent pas ! Si notre religion, si notre foi est vécue comme un fardeau nous ne serons pas missionnaires !

La peine de la route est celle-ci : la route de la justice, c’est la route qui part de Dieu originaire de tout don et qui va à Dieu qui nous attend. C’est la route de Dieu à Dieu. C’est la route du temps qui est immergé dans l’éternité.

C’est une route toute particulière. Ce n’est même pas la route qui part du Big-bang et se déroule jusqu’à la fin du monde. C’est une route qui s’enracine au-delà du Big-bang et qui ira au-delà de la fin du monde ! La route de Dieu est une route tout à fait spéciale.

« Je suis la voie, la vérité et la vie… »

C’est la route de la justice de Dieu. Pas au sens où nous l’entendons souvent de la justice humaine. La route de la justice de Dieu est la route de la justesse de Dieu. Dieu est toujours juste, c’est-à-dire qu’Il est toujours ajusté. Alors que nous, désaxés par le péché, nous sommes toujours désajustés ; nous manquons de justesse et donc de justice.

La justice se situe dans un cadre étroit, le cadre très particulier de celui qui n’a pas rendu ou donné ce qu’il devait à l’autre. Alors que la justesse est beaucoup plus large et regarde toute l’épaisseur de notre vie. Quel est l’amour de justesse que la femme doit donner à son mari et quel est l’amour de justesse que le mari doit donner à sa femme ? Quelle est la réelle justesse de l’amour ?

C’est vrai pour la relation conjugale comme c’est vrai pour la relation parentale. Quel est l’amour de justesse que nous donnons à nos enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants ? Cela ne consiste pas seulement à faire des cadeaux ou à les recevoir à Noël.

La justesse du regard de Dieu sur l’homme, la justesse du regard du Père sur Son Fils et du Fils sur Son Père, voilà ce qu’il nous est difficile de saisir, de comprendre et donc de vivre, de reproduire en nous, nous qui sommes désaxés par le péché. Voilà pourquoi le prophète s’écrie, au nom de tous : « Si tu pouvais descendre ! » pour nous révéler Ta justesse, et pour nous aider ainsi à marcher sur cette route de justice.

« Prenez l’épée de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu… »

Alors nous demandons du courage. Courage vient de cœur. Le cœur est la racine de la vie, la racine de l’esprit. Souvenons-nous de ce que disait Jésus : « Mes paroles sont esprit et elles sont vie. » Lors donc que je demande du courage à Dieu, je ne demande pas le courage au sens où nous l’entendons souvent. Non, je demande l’Esprit et la Vie c’est-à-dire d’entrer dans la Parole de Dieu qui est Esprit et vie et de L’incarner, c’est-à-dire de La laisser vivre en moi. C’est ce qu’enseigne Paul qui avait parfaitement compris la grandeur de la vie chrétienne : « Pour moi, vivre, c’est le Christ ! »

La Parole de Dieu, c’est Dieu qui vient à la rencontre de l’homme pour vivre devant nous, visiblement, Sa vie de justice, Sa vie de justesse. C’est le Verbe incarné, c’est Jésus. Regardons dans l’Evangile comme Jésus est juste ! Il vit avec une perfection d’ajustement dans Ses paroles, dans Ses gestes, dans Son regard…

La Parole de Dieu c’est d’abord le Verbe, la Parole de Dieu qui Se fait chair et qui vient vivre en terme d’humanité, dans notre chair, avec notre sang, nos faims, nos soifs, ce qu’Il vit de toute éternité dans la Vie trinitaire : cette justesse, cette justice du Père et du Fils, du Fils et de l’Esprit, de l’Esprit et du Père.

« Nul ne va au Père sans passer par moi. »

Ensuite la Parole de Dieu c’est l’Evangile, c’est-à-dire la transcription de cette Vie de Dieu. Donc depuis l’Incarnation (et c’est pour cela qu’on commence l’Année Liturgique par le mystère de Noël) tout homme, avec l’aide de l’Eglise missionnaire, est en mesure de connaître la route de justice. Parce qu’il connaît Jésus, parce qu’il peut lire dans l’Evangile ce qui a été vécu par le Christ il y a 2 000 ans, parce que là où son cœur erre, où son esprit défaille il y a la référence de l’Evangile, la Parole de Dieu.

Jésus disait à Philippe peu de temps avant de mourir : « Là où je vais tu connais le chemin. » Ce chemin, c’est l’Evangile. C’est Mon Evangile veut lui dire Jésus : c’est Ma vie, c’est ce que je viens de vivre devant vous pendant trois ans, ce sont les gestes que J’ai faits, c’est l’amour que J’ai prodigué, c’est l’enseignement que Je vous ai donné. L’Evangile c’est Lui, la Parole de Dieu c’est Lui, la route c’est Lui. D’où ce que dit Jésus : « Nul ne va au Père sans passer par moi. »

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! »

Depuis l’Incarnation nous connaissons la route. Mais Jésus nous met en garde aujourd’hui : « Veillez et priez car vous ne savez pas le jour et l’heure ! » Quel est le sens de cette mise en garde ? La route de justice, c’est la Vie de Jésus, c’est l’Evangile, et je sais qu’au bout de la route je vais, avec le Christ, rencontrer le Père ; c’est ce que nous avons prié dans la collecte : « …pour qu’à la fin nous allions sur la route de justice à la rencontre du Seigneur. »

Mais le Seigneur n’est pas sur la route. Nous avons cette vision simpliste de la Vie éternelle. Nous imaginons que nous marchons doucement pendant 20, 30, 40, 70 ans, jusqu’au moment où tout cesse pour nous mettre en face de Dieu. Jésus n’est pas sur la route à nous attendre au détour d’un virage !

Jésus est la route. Donc la rencontre avec le Seigneur elle ne se passe pas à un certain temps donné : la rencontre avec le Seigneur se fait à tout instant de notre vie ! C’est l’eschatologie (un terme compliqué qui veut dire la fin dernière) permanente. Nous mourons tous les jours : à chaque seconde nous nous approchons de notre terme c’est vrai. Mais il faut ajouter : à chaque seconde nous rencontrons le Seigneur dans la mesure où nous sommes en Lui, c’est-à-dire dans la mesure où notre vie est évangélique, lorsque notre vie est l’incarnation de Sa Parole.

Par Lui, avec Lui, en Lui !

Notre vie est-elle évangélique ? Connaissons-nous même l’Evangile ? Depuis combien de temps avons-nous lu, médité et prié l’Evangile ? Combien de minutes passons-nous chaque jour à lire l’Evangile ? Dans la mesure où ma vie est évangélisée, c’est-à-dire conformée à l’Evangile, dans la mesure ou j’essaie de faire mienne la Parole de Dieu, dans la mesure où j’essaie de L’incorporer à ma vie, pour qu’Elle soit le cœur de ma pensée, la structure de mes actes, alors là oui je rencontre le Christ à chaque seconde, en faisant le bien par Lui, avec Lui et en Lui.

Alors quand Jésus me dit : « Veille et prie parce que tu ne sais ni le jour ni l’heure » ce n’est pas pour me faire peur. C’est pour me rappeler qu’à chaque instant je suis en jugement, non par Lui, mais par Sa Parole. C’est la route de justice qui juge : je suis sur cette route donc je suis dans le Christ, mais si je suis à côté alors je ne suis pas dans le Christ. Voilà ce que me rappelle Jésus : intègre-toi dans Ma vie, intègre-toi dans Mon Evangile, intègre-toi dans Ma Parole pour Me rencontrer dès maintenant !

C’est la rencontre permanente avec Jésus, le paradis permanent dans l’âme du saint ou l’enfer permanent dans l’âme du pécheur avant d’être le paradis ou l’enfer éternel.

« Ma parole vous jugera… »

D’où cette nécessité absolue de connaître la Parole de Dieu, de préparer les textes liturgiques de la Messe, de ne pas venir les bras ballants… Usons de notre missel, parcourons notre Bible, c’est-à-dire cette Parole, cette route de justice qui s’est manifestée visiblement pour nous aider à la suivre afin d’y rencontrer Dieu à chaque instant et de vivre déjà notre éternité !

Nous essayons, à travers ces modestes Lectio divina, de vous donner ce sens de la Parole, pour que vous y soyez unis et en viviez. Parce que la Parole de Dieu c’est la Vie, c’est notre chemin, c’est notre route.

Comment pourrions-nous être justes si nous ne sommes pas unis à la Parole du Juste ? Préparons notre dimanche, revenons sur les textes pendant la semaine, réfléchissons sur l’homélie, posons des questions si nous n’avons pas compris… Et faisons le point de notre trajectoire, avec la Parole, comme le marin avec son sextant…

« Mes paroles sont esprit et elles sont vie. »

Mes biens chers amis, si notre religion est mourante, c’est parce que nous, ses fidèles, nous nous éloignons de la Parole de Dieu. Nous inventons des tas de choses dans nos comportements et nos pastorales dites modernes qui, pensons-nous peut-être, nous dispensent d’un contact permanent, intime, avec la Parole de Dieu. Or si nous ne sommes plus dans la Parole de Dieu, comment  pouvons-nous avoir la clé de la justice, la clé de cette justesse de Dieu ? Nous sommes au contraire complètement ballottés comme le montre notre époque submergée par la violence comme par le manque de discernement…

Personne ne sait plus où sont les valeurs, où sont les critères ! Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de proximité à cette Parole de Dieu. Alors nous qui sommes chrétiens, c’est-à-dire du Christ, de la Parole incarnée, essayons au moins de nous enraciner et d’enraciner nos familles, nos communautés, nos paroisses, dans cette Parole qui est la route de justice !

C’est pour cela que Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ : pour nous montrer la Voie : « Je suis la voie, la vérité et la vie. » Alors prenons la résolution cette année d’étudier plus méticuleusement et avec toujours plus d’amour la Parole de Dieu ! Faisons-le puisque nous savons que dans la Parole nous rencontrons Jésus, et qu’avec Jésus il n’y a jamais de problème, mais qu’il y a toujours des solutions !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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