Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

L’ESPRIT-SAINT EST PERE DE CES PAUVRES A QUI IL DONNE DE CRIER ABBA !

Lectio divina pour le dimanche de la Pentecôte

Après cinquante jours d’action de grâce dans la joie du temps pascal, cinquante jours de réflexion, de gestation, l’Eglise apparaît enfin à la lumière du monde et elle apparaît comme la lumière du monde, pour reprendre l’expression d’un décret du Concile : Lumen Gentium. Oui, le fruit de la croix, c’est l’Eglise, la vie transmise par Jésus sur le gibet d’infamie, c’est la vie de l’Esprit, âme de l’Eglise. Cet anniversaire de la naissance de l’Eglise si mystérieuse, autant qu’est mystérieuse la personne de Jésus… Parce que l’Eglise ne se réduit pas, nous le savons bien, au décorum, au visible, aux pierres. Nous sommes les véritables pierres vivantes, construction de l’édifice, de même que dans la nature visible de Jésus, il y avait la personne du Fils de Dieu.

L’Eglise, sacrement de salut…

Comme Jésus, l’Eglise est un mystère. Comme un sacrement, elle est une réalité divine cachée et contenue dans une enveloppe visible. Il nous faut aujourd’hui réfléchir à ce trésor qu’est l’Eglise « sacrement de salut », c’est-à-dire finalement réfléchir à notre propre trésor que nous avons du mal à voir à l’intérieur de notre âme tant nous sommes préoccupés des choses du monde.

Depuis notre baptême, nous appartenons au corps de l’Eglise, nous sommes l’Eglise. Lors donc que nous réfléchissons sur le mystère de l’Eglise, nous réfléchissons sur notre propre mystère. Nous allons contempler, dans cette journée de Pentecôte, l’être surnaturel le plus intime et le plus essentiel à nous-mêmes, le plus profond,( ) celui qui marque le plus notre vie d’homme, de femme. Prenons le temps de réfléchir à cet être surnaturel de baptisé qui nous fait appartenir à l’Eglise, mais pas comme on appartient à un parti, car notre appartenance à l’Eglise est beaucoup plus profonde.

« Vous êtes un temple de Dieu et l’Esprit habite en vous… »

Savons-nous par exemple que nous sommes le temple du Saint-Esprit ? Eh oui ! … Puisque nous appartenons à l’Eglise, puisque nous sommes l’Eglise, lorsque nous sommes en état de grâce, lorsque cette appartenance est la plus totale possible, notre âme est investie de ce qui fait l’âme de l’Eglise : l’Esprit-Saint qui vient diffuser, prolonger l’œuvre rédemptrice du Fils, résumant en même temps toute la Vie de Dieu puisque cet Esprit-Saint, c’est l’Esprit d’Amour.

« Dieu est Amour » nous dit Jean. C’est vrai que Dieu nous a tout donné dans Son Fils Bien-aimé, mais c’est aussi vrai qu’Il nous donne toute Sa vie dans Son Esprit qui est Don. Et puisque nous sommes d’Eglise, notre âme est investie de cette troisième personne de la Trinité, Baiser entre le Père et le Fils, Baiser réciproque du Père vers le Fils et du Fils vers le Père, Amour et Vérité, Lumière, Consolation…

« Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec Lui qu’un seul esprit. »

Nous savons que cet Esprit qui nous est donné, c’est Celui-là même qui a investi l’âme du Christ lorsque le Verbe s’est fait chair : « L’Esprit Saint te couvrira de Son ombre ». Jésus Lui-même dans la synagogue de Nazareth rappelle que l’Esprit-Saint L’a consacré pour apporter la Bonne Nouvelle, pour évangéliser les pauvres, pour rendre la joie aux affligés. L’Energie de Dieu qui nous est donnée par notre Baptême, qui nous est redonnée dans le sacrement de la Réconciliation, qui investit plus profondément encore notre âme à chaque Eucharistie dans la mesure où nous croyons à ce que nous faisons, cette Force, c’est la « Force que Dieu a déployée en la personne du Christ » écrira Paul aux Ephésiens…

Si nous sommes investis de cette Puissance Divine qui a investi Jésus lui-même, nous sommes, comme le rappelle Saint Paul, configurés au Fils de Dieu, configurés à cet « être filial » qu’Il a reçu et vécu en plénitude par nature -parce que c’est le Fils qui est dans le sein du Père-, et auquel nous pouvons être associés par grâce. D’où l’assertion du Prologue de Jean : « A ceux qui croient en Lui, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. »

C’est l’Esprit-Saint reçu au Baptême et dans chaque Communion, qui me configure au Christ, qui me fait Lui appartenir, qui m’associe substantiellement à tel point que rien ne peut me séparer de cet Amour de Jésus dira Paul, -sauf mon péché-, Amour qui m’associe à cet « être filial. » Voilà qui donne toute son extension, en même temps que son sens profond, au mystère du Verbe fait chair…

« Le Père vous aime car vous m’avez aimé… »

Méditons bien sur cette conséquence : si nous sommes configurés au Christ, c’est-à-dire au Fils de Dieu par nature, si notre misère, notre humanité, nos faiblesses, appartiennent à cet « être filial », alors… nous sommes objet de l’Amour de Dieu le Père comme Son Fils, fut l’objet de Son Amour ! Lorsque le Père nous regarde, lorsqu’Il voit notre âme investie de cet Esprit d’Amour qui a investi l’âme de Son Fils, Il nous aime, Il nous aime comme Il a aimé Son Fils. Jésus le dit dans Son testament spirituel : « Tu les as aimés comme Tu m’as aimé. »

Voilà que l’homme découvre une dimension nouvelle à sa vie humaine, une dimension essentielle. Il n’est plus la seule petite fourmi perdue dans l’Univers, entre les deux infinis -le petit et le grand-, élément mêlé dans les guerres, les haines, les famines, essayant de se sauver dans des bonheurs et des joies plus ou moins légitimes… Il est d’abord, et essentiellement depuis la Croix qui a donné la Vie, objet d’Amour de Dieu son Père, qui dit à chacun, à chacune d’entre nous comme Il a dit à Son Fils : « Tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma complaisance. »

Voilà ce que nous devrions méditer à l’occasion de Pentecôte où l’Esprit Saint est descendu dans l’Eglise, qu’Il a saisie, a modelée, a vivifiée, a formée. De même que l’âme est la forme substantielle de l’homme, l’Esprit descend dans l’Eglise pour être sa Forme et la vivifier… Donc nous vivifier au même titre qu’Il vivifia le Christ.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

C’est vrai que l’Esprit-Saint est Père des pauvres, comme le chante la Liturgie de Pentecôte. Père de ces pauvres psychologiques et charnels, si fragiles devant la maladie et la mort, pauvres hommes, pauvres femmes, à l’espérance de vie si brève, si sujets aux aléas, et de la nature et de nos propres haines.

Pour nous les pauvres, l’Esprit-Saint est Père des pauvres parce qu’Il nous confère cette adoption filiale qui nous unit à Jésus le Pauvre et grâce à laquelle le Père ne peut plus voir l’homme sans voir Son Fils. Quelle merveille !

Mais savons-nous aussi que l’Esprit-Saint, non seulement nous configure à l’« être filial » de Jésus, mais qu’Il nous configure aussi à la Vie du Christ ?

Jésus dit dans l’Evangile : « Celui qui m’aime, –c’est-à-dire celui qui use de cet Esprit, de cette Force qui est dans son âme-, celui-là gardera ma Parole », c’est-à-dire ne pèchera pas. C’est l’Esprit-Saint qui m’est donné dans le Baptême et qui m’est redonné à chaque Confession comme à chaque Communion, qui m’aide à tuer en moi le désordre du péché, comme dit Paul. Ce qui me semble impossible, et ce qui est vraiment impossible pour l’homme, est possible à Dieu. Ce n’est pas ma seule volonté, ce n’est pas ma seule intelligence, ce n’est pas ma seule capacité, mes qualités humaines qui me permettraient de vivre de ce Don de Dieu, mais c’est l’Esprit Lui-même qui me permet en investissant mon cœur, en investissant mon Esprit, en investissant mon corps, de vivre, d’agir, comme le Fils de Dieu a vécu, a agi sur la terre en passant et en faisant le bien !

Si je me laisse guider par l’Esprit de Dieu, si je me laisse guider par cette Force du Don, par ce Baiser entre le Père et le Fils qui est en moi et que je possède, je peux effectivement vivre l’Evangile, vivre les Béatitudes… Je peux réellement vivre ce commandement nouveau donné par le Fils lui-même : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

« Je vous enverrai l’Esprit qui console »

N’est-ce pas merveilleux de savoir que non seulement par cette présence de l’Esprit Saint, je suis aimé de Dieu, je suis l’objet d’Amour de Son Père, de mon Père, comme Il a aimé Son Fils, mais que je peux aussi rendre cet Amour, renvoyer cet Amour comme le Fils a renvoyé l’Amour à Son Père ?

C’est pour cela que l’Esprit Saint est Consolateur des hommes. Il n’est pas Consolateur de choses tangibles, de choses matérielles. Il est Consolateur parce qu’Il me fait comprendre et contempler que je suis aimé de Dieu, que je peux aimer Dieu, et qu’enfin, comme ultime conséquence de ce double amour qui vient en moi et qui surgit de moi, je peux faire aimer l’Amour. N’est-ce pas finalement le désir de tout homme que de se savoir aimé, que de pouvoir répondre à l’amour, que de pouvoir attirer ceux qu’il aime, ses amis, sa famille, son prochain dans cette communion amoureuse, amicale, qui plus est, lorsque c’est la communion de Dieu ?

« Je vous enverrai l’Esprit qui console » : l’Esprit Consolateur qui vous fera découvrir que vous êtes aimés de Mon Père comme Il M’aime, et que vous pourrez aimer Mon Père qui est votre Père comme Je L’ai aimé, jusqu’à donner votre vie pour Lui et pour les autres.

Voilà ces quelques réflexions pour nous aider à comprendre, à méditer, à vivre et à rendre grâce pour notre être surnaturel, invisible, intime, essentiel, qui fait de nous, non seulement des hommes, des femmes, mais des enfants de Dieu, Ses héritiers qui peuvent, s’ils vivent vraiment de cet Esprit, en toute vérité dire à ce Dieu : Abba ! Pater !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur tweet : @mgrjmlegall