Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« ETRE SEUL AVEC LE SEUL… »

Lectio divina pour le Cinquième Dimanche Ordinaire – Année B

Jb. 7, 1-7 1 Co. 9, 16-23 Mc. 1, 29-39.

Dès les premiers jours de Sa vie publique, Jésus annonce le pourquoi de Sa présence parmi les hommes : « C’est pour cela que je suis sorti. » Il ne faut pas entendre cette phrase au sens premier seulement de Jésus qui sort de la maison, mais bien, comme Luc nous le suggère, en disant : « C’est pour cela que je suis venu », dans ce sens plus large du Verbe qui ‘sort’ de Son Père pour venir dans le monde. Jésus fera une remarque identique à Pilate lors de Son interrogatoire. Il dira : « C’est pour cela que je suis venu, pour rendre témoignage à la Vérité. »

« Comme le Père m’a envoyé…»

Pourquoi en effet Jésus est-Il venu ? Pour proclamer la Bonne Nouvelle ! Jésus se définit donc avant tout comme l’Apôtre en plénitude, Celui qui est envoyé par le Père pour transmettre le message de la paternité amoureuse de Dieu : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » dira-t-Il à Ses disciples avant de mourir, comme le rapporte Jean.

L’apôtre par excellence, l’apôtre en plénitude, ce ne sont ni les Douze, ni même Pierre ou Paul qui nous décrit en quoi consiste sa mission apostolique, c’est d’abord Jésus, le Verbe envoyé par le Père.

D’ailleurs, l’apologie que Paul semble faire de sa vie apostolique, pour se défendre de certaines attaques est d’abord l’apologie de l’Apôtre qu’est le Christ.

C’est véritablement Jésus qui se fait libre à l’égard de tous, les riches et les puissants de Son époque, les scribes et les pharisiens, les pauvres, les pécheurs et les docteurs de la Loi. Il se fait véritablement le serviteur de tous, lorsqu’Il lave les pieds de Ses apôtres. Il se fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre, et de fait, nul n’est exclu de la Rédemption si ce n’est par sa propre faute.

C’est Lui aussi qui s’est fait faible parmi les faibles, faible parmi les faibles au niveau du péché puisque Paul dira que Son Père « l’a fait péché pour nous », faible parmi les faibles aussi au niveau de Son humanité souffrante et douloureuse puisque l’auteur de l’épître aux Hébreux dira qu’ « en lui, nous avons un grand prêtre compatissant qui peut compatir à toutes nos misères puisqu’il les a toutes connues » : l’injustice, la calomnie, celles de l’agonie, la mort…

C’est Lui encore qui s’est fait tout à tous, puisqu’Il s’est donné tout entier à chacun dans le sacrifice de la croix rendu présent à chaque Eucharistie.

« Il guérit toutes sortes de maladies… »

Et tout cela pourquoi ?

Pour nous délivrer de l’esclavage du Mal. Parce qu’en fait, l’annonce de la Bonne Nouvelle, c’est bien, par Jésus, la proclamation de notre délivrance du Mal, ce Mal qui s’origine dans le refus de Dieu par Satan, ce Mal dont nous sommes esclaves par l’intermédiaire du péché : « Que celui qui n’a pas péché lui jette la première pierre. »

Nous avons tous, malheureusement, cette expérience du pécheur, cette expérience de l’esclavage intérieur par l’intermédiaire de nos nombreuses passions qui nous poussent à faire le Mal comme disait Paul, alors que nous voudrions faire le bien.

D’où l’importance, dans l’Evangile, des miracles de guérisons physiques. Parce que le mal physique est un signe en même temps qu’une conséquence du Mal intérieur qui agit dans notre monde, qui essaie de se diffuser. Et lorsque Jésus guérit comme Il le fait pour la belle-mère de Pierre, comme Il le fait pour l’homme à la main desséchée, comme Il le fait dans l’évangile de ce dimanche pour tous les esprits impurs, lorsque Jésus guérit, c’est pour signifier Son pouvoir de guérison intérieure, Son pouvoir de guérir du Mal intérieur qui ronge jusqu’à détruire l’humanité.

 « Ils savaient, eux, qui il était… »

C’est particulièrement frappant dans l’évangile de Marc qui insiste sur ce combat entre le Mal (personnifié dans Satan) et le Bien (personnifié dans Jésus). Marc décrit cette lutte qui commence dès aujourd’hui et qui aboutira à la Passion, pour que nous-mêmes à la suite des contemporains du Christ, nous nous interrogions sur la personnalité profonde, de ce Jésus.

Oui, cette lutte commence dès le début de son évangile avec rapidité. D’où le mot « aussitôt » que Marc emploie 40 fois en son texte pour signifier la vitesse avec laquelle le Mal s’attaque à Jésus, et avec laquelle Jésus veut répondre au Mal dans ce combat titanesque qui finira sur la croix par la mort de Jésus, victoire apparente du Mal, qui se transformera finalement en défaite au matin de Pâques.

Nous retrouverons une description extrêmement juste et précise de ce combat dans les romans de Bernanos qui nous présentent toujours d’un côté le saint et d’un autre, le pécheur. Ce grand romancier nous explique, avec une grande expérience, ce combat gigantesque entre le Bien et le Mal, combat qui se déroule dans l’âme et se dénoue toujours par la mort physique du saint pour racheter le pécheur. Nous retrouvons cet aspect sacrificiel avec le curé de campagne, avec Mouchette, avec Mademoiselle de Clergerie… Tous ses romans se terminent de la même manière parce que le monde est toujours le même. Il est le terrain éternel sur lequel se déroule ce combat entre la l’imposture du Mal (Satan) et la Vie divine qui désire nous envahir et nous inonder de Sa Joie.

« Simon et ses compagnons partirent à la recherche de Jésus. »

« Simon et ses compagnons partirent à la recherche de Jésus. » L’homme qui veut être délivré du Mal doit partir à la recherche du Christ.

Délivrés du mal, nous le voulons tous parce que nous sentons bien que le mal est contre nature, qu’il va contre notre bonheur, qu’il nous détruit.

Regardons l’évangile et cette expression des « esprits mauvais », des esprits impurs qui manifeste clairement que tout ce qui touche au Mal corrompt la nature et contredit ce pourquoi elle est faite : l’esprit, ce qui naturellement représente la pureté, devient impur si l’on dit oui au Mal…

Oui, nous désirons au fond de nous-mêmes lutter et être délivrés de cet esclavage du Mal. Mais nous ne souhaitons pas toujours, nous n’acceptons pas toujours les difficultés du combat que Jésus nous propose et qu’Il a vécues avant nous.

Nous avons du mal à vivre dans cette recherche permanente de Jésus, Celui qui se présente comme le Médecin des âmes. Nous avons du mal à quitter le monde de bon matin, comme les apôtres, pour partir à Sa recherche, en Eglise : « avec ses compagnons »

Et si nous le faisions, nous trouverions Jésus en prière, c’est à dire uni à Son Père, dépouillé de tout extraordinaire, dans la plénitude silencieuse de Sa personne de Fils.

Il nous est difficile de partir rechercher Jésus car nous avons du mal à nous dépouiller d’un certain confort et à marcher dans le désert pour L’y rencontrer et être avec Lui, partageant Son silence d’Orant et Son union au Père dans la charité.

Etre seul avec le Seul

Nous avons du mal à faire cette démarche qui nous semble même contre nature ! Car, finalement, nous sommes tellement versés dans ces habitudes du Mal que sont l’extériorité, le bruit, l’imaginaire qui nous dispersent, que ce qui nous apparaît naturel ce n’est plus la vie intérieure dans la grâce. C’est, au contraire, la distraction des tentations extérieures par lesquelles Satan essaye de nous perdre en nous faisant fuir l’Esprit habitant notre cœur depuis notre baptême.

C’est pourquoi, avec le Carême, l’Eglise nous donnera un temps pour développer en nous le désir de la recherche de Jésus, pour purifier notre âme et la faire ressembler à la fiancée du Cantique des Cantiques qui disait : « J’ai trouvé celui que mon âme aime, je l’ai saisi et je ne le lâcherai pas… »

Ainsi notre cœur retrouvera le plaisir d’être en solitude, seul à seul avec Jésus, sourd à tous les appels des sirènes du monde qui chantent autour de nous. Réunis avec le Fils qui habite en notre cœur par Son Esprit, nous ne ferons plus qu’un avec Celui que nous reconnaîtrons pour Notre Père.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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