Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour le 3ème Dimanche Ordinaire

Jon.3, 1-10 1Co.7, 29-31 Mc.1, 14-20.

L’évangile du 3ème dimanche se situe au tout début de la vie publique de Jésus. Remarquons de suite que Jésus s’adresse d’abord aux foules (« Convertissez-vous, le Royaume de Dieu est proche ») avant de s’adresser à Ses disciples et de leur demander de Le suivre (« Venez derrière moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes »). Et c’est très important pour la théologie de l’Eglise, car cela nous rappelle que ce qui prime dans l’Eglise, c’est le sacerdoce des baptisés vers lequel et pour lequel est institué le sacerdoce ministériel des prêtres et diacres.

 

« Venez, je vous ferai pêcheurs d’hommes ! »

Jésus n’appelle pas d’abord une hiérarchie qui irait s’amenuisant en perdant au fur et à mesure ses grades, ses pouvoirs, jusqu’à arriver à vous, pauvres et chers laïcs, militants de base comme cela existe dans les partis politiques. Dans l’Eglise, c’est le contraire : c’est pourquoi la véritable démocratie est celle de l’Eglise qui est pourtant monarchique ! En ce sens que le pourquoi de l’Eglise, c’est d’abord le fidèle, le « fidèle du Christ » à qui s’adresse Jésus et pour lequel va être institué un sacerdoce ministériel, c’est-à-dire un sacerdoce de service.

Nous retrouverons, à la fin de la vie publique de Jésus, le même appel : « Venez, je vous ferai pêcheurs d’hommes ! » En effet, lors de son testament spirituel, (dans les discours après la Cène rapportés par Jean), Jésus dit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie, pour que vous alliez, que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure. »

Voilà le souci, je dirais presque l’angoisse du Christ !

« Apporter à tous les hommes la nouvelle communion à la nature divine. »

Sa vie publique n’est-elle pas encadrée par ces deux injonctions, la première qui suit immédiatement le Baptême dans l’eau du Jourdain, et la deuxième qui précède immédiatement le baptême dans le sang sur la Croix ? Comme si le message premier de Jésus ne concernait pas Jésus, mais concernait les hommes ! Et effectivement, Dieu s’est incarné pour l’homme ; Il ne s’est pas incarné pour S’incarner, Il s’est incarné pour une fin bien précise qui est, disait S. Jean Paul II, d’apporter à tous les hommes la nouvelle communion à la nature divine.

Voilà la mission de l’Eglise : apporter à tous les hommes cette nouvelle communion instaurée dans l’Histoire par Jésus : « Qui me voit, voit le Père… », « Qui croira et sera baptisé sera sauvé… », « Je vais vous préparer une place, je viendrai vous prendre, et là où je serai, vous serez avec moi… », « Celui qui m’aime, mon Père viendra et fera chez lui sa demeure et nous serons avec lui… » Et enfin : « Je frappe à la porte, et celui qui m’ouvre, je souperai près de lui, lui avec moi et moi avec lui… »

Celui qui ne porte pas de fruit n’appartient pas à la communauté ecclésiale.

Voilà cette nouvelle communion que Jésus est venu instaurer, et pour l’instauration de laquelle, Il institue Son Eglise. Pas seulement Son Eglise hiérarchique, mais Son Eglise dans sa totalité. Les apôtres sont l’Eglise hiérarchique, mais les apôtres sont aussi le fondement de l’Eglise, donc, ce qui regarde les apôtres regarde aussi toute l’Eglise !

Il y a donc, c’est vrai, une primauté de ministère, c’est-à-dire de service dans la Parole, dans les sacrements, dans le gouvernement de la part des ministres des prêtres, des évêques, du Vicaire du Christ, c’est-à-dire le Pape.

Mais cette injonction du Christ (« Je vous ferai pêcheurs d’hommes ) s’adresse également à tous les fidèles laïcs, à nous tous en tant que baptisés. Nous sommes nous-mêmes l’Eglise dans son mouvement de mission et de dynamique.

Et c’est si important de comprendre cette nature qui se diffuse (parce que l’Eglise est le Bien, l’Eglise est Sainte), c’est si important de comprendre cette dynamique de l’Eglise qui ne peut vivre que si elle s’étend, c’est si important que le même S. JeanPaul II disait aussi que celui qui ne porte pas de fruit n’appartient pas à la communauté ecclésiale, ne faisant que reprendre la phrase de Jésus : « Les sarments qui ne portent pas de fruits, c’est-à-dire qui sont détachés du cep, mon Père les coupe, il les jette, et il les brûle. »

Alors aujourd’hui, nous devons nous poser cette question : est-ce que nous portons du fruit ? Nous devons essayer de rechercher, dans notre examen de conscience, quel fruit nous portons. Ce n’est pas forcément un fruit visible, mais est-ce que je porte du fruit depuis 10, 20, 30, 40, 50 et plus, années de baptisé ? Après 50, 100, 150, 200, 300, 500 et plus de messes dominicales ou de sacrements de la réconciliation, quel fruit ai-je porté dans ma famille, avec mes voisins, avec mes amis, dans ma ville, dans ma communauté, quel fruit ai-je porté ?

« Diriger notre vie selon son amour afin que nous portions des fruits… »

Pour porter du fruit, la solution (comme toujours avec Jésus) est très simple.

Revenons à la Collecte dans laquelle nous avons demandé à Dieu de diriger notre vie selon son amour afin qu’au nom de son Fils nous portions des fruits en abondance

Laisser Dieu diriger notre vie selon Son amour, c’est laisser l’Esprit de Dieu qui est l’Esprit de l’Amour être le moteur, le principe vital de notre existence. C’est laisser l’Esprit Saint se diffuser (comme dit Saint Paul) dans ma personne par le biais de ces deux facultés qui la définissent : mon intelligence et ma volonté. Mon intelligence, puis ma volonté.

C’est laisser mon intelligence se transformer pour ne pas voir le monde avec mes œillères de petit bonhomme, mais arriver à voir le monde dans un regard de foi, à la lumière de la Rédemption, cette lumière si chaleureuse qui est la lumière de Dieu. C’est arriver à voir le monde et les autres comme Dieu les voit, Dieu le Père qui envoya Son Fils…

Voir le monde comme le Père qui envoya Son Fils le voit !

Croyez-vous qu’Il voit le monde avec notre regard, bien égoïstement, refermé sur Lui-même ? Lorsque je pose sur le monde le regard de Jésus descendant dans Son mystère de l’Incarnation au nom de Son Père pour le Salut des hommes, ne croyez-vous pas que je suis obligé, à ce moment-là instinctivement, de faire des autres un objet de ma tendresse, de ma miséricorde, de ma patience, de ma charité, de ma paix et de ma justice, pour reprendre l’expression de Saint Paul, de ma magnanimité, de ma bienveillance, de mon espérance ?

La lumière de la Rédemption est toujours une lumière qui chauffe. Nous, nous sommes souvent très lumineux car nous raisonnons, mais notre lumière est froide ! Elle ne réchauffe pas et, finalement, elle n’arrive même pas à éclairer. Nous mourons de multiples systèmes de morale, de pensée, de régime politique, de partis, parce que ces systèmes sont froids. Ils ne réchauffent pas ceux qui nous entourent, ils ne réchauffent pas notre pays, ils ne réchauffent pas la communauté internationale.

Il faut que nous posions sur le monde le regard de Jésus. Il nous faut voir le monde à la lumière de Sa Croix, sous la motion de l’Esprit Saint et donc avec Sa finalité qui n’est que miséricorde !

« Envoie ton Esprit qui achève toute sanctification »

L’Esprit a été envoyé pour achever toute sanctification, alors que nous, nous tuons notre prochain, nous l’écrasons, nous essayons de chercher tout de suite le défaut, ce qui ne va pas… « Envoie ton Esprit qui achève toute sanctification » dit la prière eucharistique de la messe pour nous aider au contraire à relever notre semblable, à relever notre frère.

Attention de ne pas nous tromper dans notre relation à l’Esprit Saint ! Celle-ci est périlleuse parce qu’elle regarde l’amour et que dans l’amour tout est à la fois potentialité de bien, et rapidement potentialité de mal, parce que le contraire de l’amour c’est l’égoïsme, (l’égoïsme qui est aussi amour mais complètement égocentré).

Et afin de ne pas nous tromper dans notre relation à l’Esprit, Dieu nous donne un moyen de probation : « afin qu’au nom de ton Fils, nous portions du fruit. » C’est dire que notre relation à l’Esprit, notre personnification dans l’Esprit Saint, notre vie dans l’Esprit de Dieu doit nous conformer à Jésus.

Nous sommes, dans notre baptême, consacrés comme Le fut Jésus dans l’Esprit : nous sommes donc conformés à Son être pour être conformés à Son agir ! Parce que Jésus dit à Ses disciples: « Venez derrière moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Et donc le Père ne verra mon œuvre qu’à partir du moment où Il peut voir le Fils en moi. Si je passe devant Jésus parce que je n’ai plus besoin de Jésus, et que je n’ai plus besoin de l’Eglise, dont je ne connais que trop les défaillances, je ne suis plus en relation avec l’Esprit, je me trompe car je n’agis plus au nom de Son Fils. Et je ne porte pas de fruit pour le Père…

Un amour préférentiel pour l’homme !

Devant cette nouvelle vie, devant cette nouvelle communion qui m’est proposée dans le Baptême, ressourcée constamment dans l’Eucharistie et dans le sacrement de la réconciliation, je ne peux être qu’admiratif. Là encore, au lieu de voir dans mes frères, un obstacle qui m’agace, pourquoi ne pas essayer de voir en eux cette nouvelle communion ? Pourquoi ne pas voir en l’autre cette habitation de l’Esprit qui le conforme (dans une certaine mesure, pas plus pas moins que moi), à Jésus ? Et pourquoi ne pas voir, particulièrement chez les pauvres qui sont conformés presque involontairement à la pauvreté de Jésus, pourquoi ne pas essayer de voir en eux le visage du Christ ?

C’est cet émerveillement de ma propre re-naissance qui me fait désirer la transmettre !

Cette injonction du Christ (« Je vous ferai pêcheurs d’hommes ») est la même injonction faite par le Père qui L’envoie au monde pour le Salut du monde. Ce n’est pas une volonté de commandement, c’est une volonté de désir, c’est un amour préférentiel pour l’homme.

Et de même, ce qui me pousse à être missionnaire parce que je suis baptisé, ce n’est pas un commandement : il faut, tu dois !! On ne demande pas du prosélytisme dans cet esprit-là. On nous demande d’arriver à voir en nous la source de notre propre joie, la source de notre vie, la source de notre foi, de pouvoir comme dit Saint Pierre, « répondre à l’espérance qui est en nous » pour aller la proposer à ceux qui ne la connaissent pas encore parfaitement, ou qui n’arrivent pas à la vivre.

« Croyez à la Bonne Nouvelle ! »

Et le champ est vaste.

Regardons la première lecture : notre champ d’action, c’est la grande Ninive qui représente ici tout le monde connu. Voilà notre champ d’action, notre vigne immense dont nous sommes les ouvriers.

Et notre message est un message de joie : « Le Royaume de Dieu est proche », dit Jésus ; « Croyez à la Bonne Nouvelle », c’est-à-dire croyez à l’Evangile, evangelium, la Bonne Nouvelle que le Roi apporte à Son peuple : la victoire, c’est-à-dire ici la victoire sur la mort et sur le péché. « Croyez à la Bonne Nouvelle » est un message de joie, un message de plénitude.

Mais attention, le message doit être complet : tout homme a droit à la vérité. Tronquer la vérité, c’est offenser la dignité humaine. Tout homme a le droit de savoir puisqu’il est une personne humaine munie d’une intelligence faite pour connaître le vrai. Nous n’avons pas le droit de tronquer le message, nous n’avons pas le droit de déguiser le message, nous n’avons même pas le droit de nous déguiser nous-mêmes.

« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! »

« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » sera la phrase de l’imposition des Cendres. « Convertissez-vous »… Trop souvent nous ne disons que l’autre moitié de la phrase : « Le Royaume de Dieu est proche », Jésus est parmi nous, Alléluia…

Oui, il est proche ! Mais pour ceux qui se convertissent ! Souvenons-nous de ce que dit le Baptiste : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. » Parce que vous n’êtes pas convertis…

« Convertissez-vous… », c’est-à-dire entreprenez le travail de retournement, (cette metanoïa de Saint Paul), ce labeur spirituel, ce détachement de soi-même, la mutation de la vieille peau, de notre vieil homme pour que nous soyons véritablement l’homme nouveau de la nouvelle communion.

Voilà donc le message : Le Royaume de Dieu est proche et vous entrerez dans le Royaume si vous vous convertissez.

Voilà ce que nous devons dire au monde et pour le dire de manière crédible, il nous faut le pratiquer.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Communauté Saint Martin

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