Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Ne crains pas : j’ai été mort et me voici vivant ! »

Lectio divina pour le 3ème Dimanche de Pâques, le 30 avril 2017

Pour le 3ème Dimanche de Pâques, nous avons le bonheur d’entendre cet épisode des pèlerins d’Emmaüs si proche, si humain… Nous voyons facilement le spectacle de cette route lourde de soleil, de poussière, qui s’en va de Jérusalem vers Emmaüs et sur laquelle marchent avec peine ces deux hommes, deux disciples qui ont cru en la bonté de Jésus et qui l’ont suivi, s’en allant attristés par la fin brutale de Celui en qui ils avaient mis toute leur espérance.

N’est-ce pas un peu la description de notre marche dans la vie ? Ne sommes-nous pas nous aussi, chrétiens, pourtant qu’à quelques quinze jours à peine de nos fêtes pascales aussi lourds, aussi pesants dans notre vie, fatigués par le poids du jour, de la chaleur, de nos soucis, de nos craintes, de nos souffrances ou de celles de nos proches ? Ne sommes-nous pas errants comme le rappelle Pierre, sans but sur une route certes, qui est celle de la vie, mais qui n’a pas de fin, qui n’est pas bordée d’arbres, où il n’y a plus d’oiseaux, il n’y a plus ni piaillements ni cris de joie, où la vie même semble avoir disparu ? Et pourtant, il y a 15 jours, nous célébrions la Pâque de Jésus…

Alors, arrêtons-nous un instant pour voir si justement notre vie est vraiment ajustée à ce que nous venons de célébrer.

« Il façonna l’homme à son image… »

Nous nous souvenons de nos 40 jours du Carême durant lesquels nous avons essayé, bon an mal an, d’offrir quelque chose en nous dépouillant, où nous avons tenté d’être plus sérieux, plus cohérents avec notre baptême, où nous avons désiré mourir un peu à nous-mêmes dans la pénitence, la charité et l’attention à Dieu, où nous avons voulu nous vider de nos égoïsmes accumulés au cours de l’année… Pour quoi faire ? Pourquoi avoir fait ce vide ? Nous ne sommes pas bouddhistes et notre âme est appelée à être quelque chose de plus qu’un simple néant !

Nous avons fait ce vide pour nous remplir de quelque chose, ou plutôt : de Quelqu’un ! Et ce Quelqu’un, c’est le Christ ressuscité le jour de Sa Pâque, « rendu Fils de Dieu dans la puissance de sa résurrection. » Le Fils, Celui qui voit le Père, qui connaît Son Père, qui aime Son Père en plénitude… Ce Quelqu’un est l’Homme Nouveau, Celui par lequel nous avons été créés et qui continue à nous façonner à Son Image…: « Il le façonna à son image »… L’avons-nous déjà oublié ?

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »

Dans la puissance de Sa Résurrection, le Christ se présente à nous, au monde, dans l’image parfaite de la filiation. Voilà pourquoi nous nous sommes vidés : pour nous remplir de cette Personnalité, par Son Esprit qui nous est donné sans autre mesure que celle de l’ouverture de notre cœur…

En proportion du dépouillement de notre carême, de ce que nous avons déposé au pied de la Croix le jour du Vendredi Saint, nous sommes à nouveau remplis du Christ depuis Pâques. Nous recommençons, depuis Pâques et pour une année encore, à être immergés dans cette Vie divine.

Nous nous souvenons de notre Vigile pascale. Notre triple renonciation au péché y résumait notre carême et notre triple profession de foi symbolisait cette entrée de Jésus, non plus à Jérusalem, mais en nous ! Don de Sa foi, de Sa charité, des principes de Sa vie en notre âme pour que notre vie soit désormais l’instrument libre et vivant de la Sienne, le sacrement en quelque sorte de Sa Vie divine…

Les principes de la Vie de Jésus, ce sont cette intelligence parfaite, cet éclairage absolument lumineux sur le monde, cette vision rédemptrice du monde qui n’est pas notre vision habituelle, parce que nous considérons toujours les autres comme des obstacles, alors que Jésus partage la vision rédemptrice de Son Père : « L’homme que tu as aimé, je l’ai aimé, et n’en ai perdu aucun sauf le fils de perdition. » Et cette vision s’épanouit dans la charité parfaite : « Mon Père m’aime parce que je donne ma vie. »

Il nous faut donc vivre maintenant de ce Jésus qui nous a été donné, de Sa Vie reçue en nous pour nous transformer (en proportion de ce que nous avons abandonné de nous-mêmes le Vendredi Saint), pour nous ressusciter en fils de Dieu.

« Sachez que vous êtes appelés à vivre pour Dieu en Jésus Christ… »

Est-ce qu’il s’agit de vivre avec le Christ ? En fait, il s’agit de bien plus : nous pouvons vivre avec les uns, avec les autres, mais nous ne vivons pas de l’un ou de l’autre, parce que je reste ce que je suis et mon frère reste, à côté de moi, ce qu’il est.

S’agissant de la Vie en Christ, il ne s’agit pas tant de vivre avec Jésus que de vivre de Jésus qui, parce qu’Il a vaincu la mort, peut venir en moi comme Il est venu dans les Apôtres, dans la Vierge Marie, dans les disciples d’Emmaüs, dans tous les saints, tous les baptisés de l’Eglise depuis la Pentecôte.

« Celui qui me mange vivra par moi… » Oui, il est en Moi celui qui mange Ma chair, il demeure en Moi et Moi en lui celui qui boit Mon Sang, et Je le ressusciterai à la Vie nouvelle… C’est tellement plus merveilleux que n’importe quelle union d’amitié humaine !

Si Jésus est vivant, c’est pour intercéder pour nous dit Saint Paul, s’Il intercède pour nous, c’est pour agir en nous, pour nous transformer en Lui !

Voilà l’action du Christ ressuscité, voilà la présence de Jésus ressuscité, Réalité de laquelle nous devons vivre, dans laquelle nous devons puiser pour en vivre !

« Si vous demeurez dans ma Parole, vous serez vraiment mes disciples… »

Qu’est-ce que cela veut dire que de vivre de cette réalité ?

Cela veut dire d’abord la contempler, la regarder, contempler cette relation extrêmement privilégiée, intime que Jésus vit avec chacun comme Il a vécu avec Marie Madeleine en l’appelant par son prénom le jour de Pâques : « Marie… » Cette relation privilégiée qu’Il vit dans notre intérieur, cette relation qu’Il vit avec nous tout au long de cette marche qu’est notre vie, houleuse, coûteuse, longue, harassante, cette relation consiste pour Lui à nous donner Sa Vie, d’abord en nous donnant l’intelligence de cette Vie par Sa Parole.

Combien de fois par jour notre vie nous semble absurde, sans but, ne se terminant que par des négations et des morts… Que de fois nous nous heurtons à l’absurde, au ‘pour quoi’ ? Et voilà que Jésus à travers Sa Parole nous donne l’intelligence de la Vie : « Si vous demeurez dans ma Parole, vous connaîtrez la vérité… » Lisons l’Evangile et nous y aurons les réponses à toutes nos questions !

« Je suis le Pain vivant, qui mangera ce Pain vivra à jamais… »

Ensuite, Il nous donne Sa Vie en nous donnant l’amour de la Vie à travers l’Eucharistie. Jésus s’est fait homme, Jésus s’est fait Vivant, Il est, UN avec Son Père qui est le Dieu des Vivants et Il aime la vie. Il aime la vie de l’homme telle qu’Il nous la dévoile dans sa vérité, bien sûr, Il aime la Vie vraie. Et dans Son Eucharistie, Il nous fait aimer cette vraie Vie telle qu’Il l’a vécue parfaitement, durant Son Incarnation relatée par l’Evangile…

Voilà ce que nous sommes appelés à contempler : la relation interpersonnelle unique que Jésus veut vivre avec nous, à travers Sa Parole, et Son Eucharistie, Sa Parole qui mène à l’Eucharistie, comme l’indique l’évangile d’Emmaüs où Jésus explique l’Ecriture aux deux disciples avant de rompre le pain.

La Parole mène à l’Eucharistie si nous l’écoutons. Et l’Eucharistie accomplit la Parole dans la mesure où celle-ci aura été écoutée, méditée, priée et aimée. C’est à dire que l’Eucharistie vient en nous en tant qu’elle est cette Parole aimée que nous allons pouvoir ainsi incarner dans notre vie par la force de la Parole sacrifiée et ressuscitée…

« Celui qui me suit aura la lumière de la Vie… »

Après la contemplation de la Vie du Christ en notre cœur, le deuxième acte que nous devons poser avec toute notre attention durant ce temps pascal, est la contemplation de la Vie du Christ dans Son Eglise.

Car la route sur laquelle nous marchons, c’est bien l’Eglise, ce lieu où Dieu vient à la rencontre de l’homme comme Jésus est venu à la rencontre des disciples d’Emmaüs : « De quoi parliez-vous en chemin ? »

L’Eglise est cette route où Dieu vient vers l’homme. Ce n’est pas l’homme qui vient à Dieu : les deux disciples quittent Jérusalem, tête basse, sans espoir… C’est Dieu qui vient les rattraper : « De quoi parliez-vous en chemin ? » Voilà que Jésus nous donne Sa Parole, Son Eucharistie et Son Corps Mystique qu’est l’Eglise.

Et c’est dans cette Eglise que Jésus par Sa Parole nous dévoile le sens, non seulement de Sa Vie, comme Il le fit avec les deux disciples, mais le sens de nos vies, réchauffant notre cœur comme Il réchauffa celui des deux compagnons… C’est dans l’Eglise que Jésus est l’exégète de Son propre Evangile. Il réchauffera notre cœur parce qu’Il illuminera notre vie : « Celui qui me suit aura la lumière de la Vie… » A condition de L’écouter à travers Sa Parole lue, méditée, préparée, priée, aimée…

« Reste avec nous, il se fait tard. »

Ensuite, de moi-même, comme les disciples d’Emmaüs, le cœur tout brûlant de cette révélation, de cette relation amoureuse que Dieu mène avec moi à travers Son Fils, je dirai : « Reste avec moi Seigneur ! Reste avec moi ! » Oui, je désire cette relation de proximité comme les disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, il se fait tard. » Viens, viens…

Et voilà que Jésus obéit aux hommes, comme à la Messe Il obéit aux paroles du prêtre pour la Consécration des oblats ! Dieu se fait si humble ! Lorsque le célébrant dit « Ceci est mon corps » Dieu obéit ! Et Jésus vient parmi nous, Il demeure avec nous, Il rend visible, palpable cette relation d’intimité et d’amour qu’Il veut avoir avec chacun de nous…

Et à chaque communion, cette relation se renforce, les liens entre Lui et nous se resserrent… « Reste avec nous Seigneur… »

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie… »

Ensuite, nous repartons. Je reprends le chemin, comme les disciples d’Emmaüs pour annoncer la Joie qui est mienne de partager cette rencontre avec mon Seigneur. Je deviens témoin de l’Alliance d’Amour que le Seigneur propose à l’homme pour son plus grand bonheur : « Nous l’avons rencontré et nous l’avons reconnu à la fraction du pain. »

Nous devons sortir de nos églises en sachant qu’Il est Vivant, Vivant en nous et pour nous… Nous L’avons reçu et accueilli en notre cœur par la fraction du Pain nourricier. Il est Vivant et nous sommes UN avec Lui !

Cette joie, nul ne peut nous la ravir, même les plus grandes souffrances de notre vie, même les plus grandes persécutions. Il est en nous et Il est pour nous. Il est pour nous transformer en Lui à travers Son Esprit reçu dans le Pain de Vie : « La chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie… »

Voici l’annonce de la Bonne Nouvelle qui construit la Jérusalem Céleste. Alors, si nous avons pris une mauvaise route de tristesse après nos fêtes pascales, nous essaierons de reprendre le bon chemin et de partir vers la Jérusalem Céleste, vers le cœur de l’Eglise et la prédication du Royaume qu’elle constitue et qu’elle construit en même temps qu’elle l’annonce. Prêcher quoi ? Il est Vivant et pour toujours avec nous, en nous et pour nous, à jamais vainqueur du Mal, de la Mort et de la Division, vainqueur de « celui qui est homicide depuis le commencement… »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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