Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« RELÈVE-TOI, MARCHE, TA FOI T’A SAUVÉ ! »

Lectio divina pour le 28ème Dimanche Ordinaire – Année C
2Rois.5, 14-17 2Tim.2, 8-13 Lc.17, 11-19

Nous aurons remarqué comment, dans ces Lectures, sont présents trois éléments, trois personnages essentiels de notre vie sociale, par ordre d’apparition à l’écran si l’on peut dire, d’abord le général Naaman qui représente l’armée, ensuite nous avons le prêtre : « Vous devez aller vous présenter aux prêtres » dit Jésus aux lépreux, donc l’institution de l’Eglise ; enfin au-dessus de ces deux ordres -le sabre et le goupillon !- il y a le Dieu transcendant, glorifié par le lépreux. Donc toute la société est réunie !…

 

La foi ou la dette du cœur de l’homme !

Nous apprécions tous cette merveilleuse histoire de la guérison de Naaman qui est le signe de l’Amour infini de Dieu pour tous les hommes : Naaman en effet n’est pas un Juif du peuple élu, Naaman n’est qu’un vulgaire Syrien.

Et cet Amour de Dieu pour les hommes, manifesté ici par cette purification de la lèpre de Naaman, (rappelons-nous que la lèpre, surtout à cette époque, était signe de malédiction divine, signe d’exclusion sociale) est si important pour celui qui le reçoit qu’il créera une dette de cœur : ce que nous pouvons appeler la foi. Lorsque Naaman est guéri, il proclame que le seul Dieu vivant est le Dieu d’Israël !

Voilà ce qu’est la foi : c’est la dette du cœur que l’homme contracte lorsqu’il s’aperçoit de l’action amoureuse de Dieu sur lui. C’est l’adhésion confiante, c’est le mouvement de se donner en toute sécurité à Celui qui nous a aimés, qui a manifesté Son amour.

« Dieu est amour. »

Pourtant, du temps de Naaman, la manifestation de Dieu n’est pas parfaite, si l’on peut dire. Dieu ne se fait connaître que comme le Dieu d’Israël, un Dieu un peu tonitruant : le Dieu du Sinaï et de l’Horeb… Un Dieu très engagé politiquement : le Dieu de l’Exode qui massacrera un certain nombre d’Egyptiens dans la Mer Rouge… Ce n’est pas un Dieu facile ni forcément très doux…

Et donc la foi que Naaman proclame envers ce Dieu, n’est elle-même pas parfaite : il ne connaît pas totalement Dieu. Il ne connaît pas tout le visage de Dieu.

Rien de plus normal : Dieu se fait connaître toujours peu à peu, pour respecter la limite de notre intelligence, la limite de nos capacités, la limite même de notre cœur. Et c’est pour cela qu’Il viendra parmi nous avec Son Fils Jésus : pour parfaire, parachever cette révélation de ce qu’Il est et donc parachever la foi de l’homme envers ce qu’Il est parfaitement et en vérité : « Dieu est amour » dira alors Jean pour résumer et achever cette révélation plénière !

Le mystère de l’Incarnation se résume à cela : Jésus est la manifestation concrète, visible, palpable dira saint Jean : ils L’ont touché de leurs mains, ils ont touché Sa chair, ils ont vu Ses yeux, ils sont témoins de Ses miracles, ils ont assisté à cette guérison des lépreux ! Jésus est la manifestation palpable de l’Amour infini de Dieu pour les hommes.

« Ne crains pas ! »

Donc le Christ vient à la suite d’Elisée pour parachever cette manifestation. Le Christ, vient pour guérir l’homme non plus représenté par Naaman, mais par ces dix lépreux.

Il vient pour délivrer l’homme de sa prison. L’homme est emprisonné parce qu’il ne connaît pas Dieu, il n’a pas perçu encore, avant Jésus, cette puissance infinie du Dieu créateur et aimant. Avant le Christ, l’homme n’a pas encore perçu que Dieu est Père et qu’il est aimé de ce Père de manière infinie et tout à fait personnelle.

Oui, l’homme ne connaissant pas la toute-puissance de l’amour paternel de Dieu à son égard, s’enferme dans un monde de peur dont il se fait prisonnier. Nous en savons bien quelque chose dans notre histoire universelle et dans notre histoire personnelle. Si nous vous interrogions à brûle-pourpoint sur ce qu’est le monde et sur ce qu’est l’histoire humaine vous auriez très probablement une réponse pessimiste : le monde de la haine, le monde de la violence, le monde du meurtre, le monde de l’égoïsme, et (nous vous n’auriez pas totalement tort.

« Vers mon Père et votre Père… »

Mais au-delà de ce constat, il y a une réalité plus profonde que le Christ justement vient révéler à l’homme et qui concerne la véritable relation de l’homme à Dieu.

Dieu n’est pas seulement le Créateur et le Maître du monde. Il est le Père. Jésus ira même jusqu’à appeler ce Père : Abba, ce qui veut dire : Papa. Dieu est notre Abba nous annonce Jésus ! C’est ainsi que le Christ est venu délivrer l’homme : en lui apportant la vraie connaissance de Dieu, c’est-à-dire la connaissance de ce Dieu aimant paternellement car Il est vraiment le Père des hommes et n’a qu’un désir pour leur bonheur, c’est qu’ils se rétablissent dans cette relation filiale, à l’image du fils prodigue revenant à la maison pour partager la vie de son père.

C’est tout l’effet du Baptême. Lorsque nous amenons l’enfant au prêtre pour qu’il le baptise, c’est pour le faire entrer dans cette relation d’amour, de paternité, qui ne va pas le protéger au sens magique du mot. Les chrétiens sont comme tous les hommes soumis à l’épreuve, aux difficultés de la vie, à la mort, à la souffrance… Mais nous savons que nous pouvons vivre tout cela dans une relation supérieure qui va illuminer ces faits de notre vie pour les assumer et les transformer en les replaçant dans une relation beaucoup plus profonde : la relation unique et essentielle de mon âme d’enfant à mon Dieu qui n’est autre que mon Père.

Jésus, le Compagnon d’Emmaüs du pécheur…

Comment Jésus va-t-Il délivrer l’homme ?

Dieu sait que l’homme, malgré la faiblesse de sa nature pécheresse, fuit son mal, et qu’il est à la recherche d’une guérison. La preuve : ces lépreux qui, comme beaucoup d’autres malades, vinrent à la rencontre du Christ pour qu’Il les guérisse.

Car, qui peut nous sauver de la prison, si nous sommes emprisonnés ? Nous devons faire appel à quelqu’un de l’extérieur qui viendra ouvrir la porte de notre prison. C’est Dieu qui vient dans notre monde de pécheurs, c’est Jésus qui vient sur notre route jalonnée par nos chutes, comme Il passait de Judée en Galilée, n’hésitant pas à traverser cette région idolâtrique et hérétique qu’est la Samarie.

Jésus est toujours à notre recherche, Jésus est toujours sur notre route. A nous de savoir Le chercher, à nous de savoir Le voir ! A nous de désirer Son intervention comme ces lépreux qui veulent sortir de leur prison et qui vont faire appel à Celui qu’ils appellent Maître : « Maître guéris-nous, aie pitié de nous. »

« Maître guéris-nous, aie pitié de nous. »

Comment Jésus va-t-Il ouvrir la porte de nos prisons respectives ? Par le don de Sa vie sur la Croix.

Et comment allons-nous passer la porte de notre prison, faire le geste d’accueillir ce Salut, manifester que nous sommes libres et que nous avons désiré cette liberté pour en vivre ? Comment allons-nous faire ? En acceptant notre libération par la Croix de Jésus !

C’est pour cela que le rite du Baptême, qui ouvre la porte de prison de l’homme pécheur (car ignorant l’Amour de Dieu) en le faisant devenir enfant de Dieu, commence par la signation du front par la croix.

Le Baptême est la réception, l’accueil, le « oui » que nous disons à cette libération du Christ. Par la Croix le Christ manifeste et nous donne l’Amour de Dieu. Et par le Baptême j’accepte de recevoir cet Amour !

Ce qui n’est pas toujours facile… Regardons nos vies quotidiennes : quelquefois, nous avons du mal à recevoir l’amour de quelqu’un, cela nous blesse dans notre dignité (ou ce que nous croyons être notre dignité), dans notre orgueil, dans notre esprit d’indépendance… Oui c’est quelquefois difficile de recevoir du bien ! Nous aimerions tellement être indépendants et autosuffisants !

« L’un d’eux, voyant qu’il était guéri… »

Donc le Christ nous donne cet Amour par la Croix et nous, nous le recevons par le Baptême.

C’est toute la symbolique de ce mouvement des lépreux. Il y en a un qui revient car il a eu conscience de l’amour de cet homme qui l’a guéri ; il revient pour reconnaître qu’il n’est plus dans sa prison, mais qu’il s’élève déjà dans son humanité, dans son corps et, nous allons le voir, aussi dans son âme.

Nous remarquons au passage que le Christ renvoie aux prêtres : c’est par l’Eglise que se fait le « passage de témoin » de l’Amour de Dieu, entre la Croix et le Baptême. Il faut le prêtre, mais ce n’est pas le prêtre, ce n’est pas la force du prêtre dira Elisée. Et d’ailleurs les lépreux sont guéris avant même d’être allés jusqu’au prêtre. Mais Dieu a besoin du prêtre pour laver nos âmes.

« Relève-toi et va… »

Voilà donc que ce lépreux revient parce qu’il accepte d’être guéri par un autre, pas par lui-même !

Il ne sait pas trop d’où cela vient, mais il prend ce cadeau. Il accepte ce don qui va renouveler sa vie en l’immergeant dans la vie nouvelle reçue de Dieu. C’est une véritable révolution. Cet homme qui le guérit lui découvre le vrai visage de Dieu, à lui qui était un Samaritain ! Lui, l’idolâtre, est guéri par le Maître d’Israël au nom de Yahvé ! C’est pourquoi il vient se jeter aux pieds de Jésus pour glorifier Dieu.

Ce lépreux guéri porte maintenant sur Dieu, sur lui-même et sur les autres un regard totalement nouveau. Notre immersion par le Baptême dans la Vie divine nous transforme, nous assimile à Jésus et nous fait comprendre ce qu’est l’Amour de Dieu pour chacun d’entre nous et nous fait, comme le lépreux, glorifier Dieu pour la beauté de Sa Paternité !

Mais attention, ce n’est pas magique ! Ce n’est qu’une étape. Nous avons entendu ce que disait Jésus dans l’Evangile : « Relève-toi, marche, ta foi t’a sauvé. » Il faut donc que le baptisé que nous sommes, se relève et vive consciemment de ce Baptême reçu, sur la route de la vie à prendre dans la foi, c’est-à-dire à la suite du Christ et en même temps ne faisant déjà plus qu’un avec Lui pour glorifier le Père en accomplissant Sa Volonté. Et celle-ci n’est rien d’autre que de nous accueillir en Sa Maison pour nous partager Ses Biens éternels !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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