La reprise scolaire entre confinement et craintes

mardi 3 novembre 2020

Dans le contexte du reconfinement, don François-Xavier  et don Jérôme deux jeunes prêtres de la communauté nous apportent leur regard d’aumônier sur ces deux premiers mois de reprise scolaire si particuliers. Ils sont tous deux aumôniers de lycées l’un à l’internat de Pontlevoy et le deuxième dans des établissements scolaires de Blois.

 

 

Quelles sont les peurs qui agitent le milieu enseignant en cette rentrée un peu particulière et quel rôle vient jouer l’aumônier dans ces circonstances ?

Don Jérôme Bertrand : La peur c’est d’abord la multiplication du travail. Les enseignants ont quand-même assez mal vécu les cours à distance l’année dernière parce que leur métier était amputé d’une grande partie de la dimension humaine et ils ont eu une masse de travail considérable, donc s’ils devaient gérer à la fois ceux qui seront en isolement et ceux qui sont au lycée c’est un peu l’horreur.

Il y a donc quand même un climat assez tendu avec beaucoup d’ordres contre-ordres sur les règles à tenir, et comme prêtre j’essaye surtout d’apaiser.

Don François-Xavier Pecceu : il y a aussi la peur de ne pas réussir à rattraper le retard du confinement de mai dernier, à voir les élèves un peu déstructurés, qui ont de la peine à s’y remettre, on sent que ça a fait beaucoup de mal dans l’apprentissage et donc si on rajoute encore un confinement on a l’impression qu’on va perdre les élèves.

D JB : En revanche je trouve qu’avec les professeurs, il y a toute une réflexion intéressante qui s’est naturellement mis en place. Le confinement les a interrogés sur ce qu’ils aiment dans leur métier, ce qu’ils ont envie de transmettre et sur la manière de le transmettre humainement malgré la distance.

Est-ce que cette situation alimente le pessimisme ambiant notamment parmi les jeunes ?

D JB : J’ai entendu un directeur dire qu’il sentait depuis le début de l’année une ambiance apathique. Il s’agit davantage de pessimisme à mon sens car je ne suis pas sûr qu’avant le Covid, l’ambiance était à l’optimisme radical.

D F-X P : Est-ce que ça ajoute encore plus de pessimisme ? Oui sans doute, parce qu’on se dit plus facilement que tout va mal. Une expression qui revient souvent sur le masque c’est le « on n’a pas le choix », ça sonne un peu comme de la résignation.

D JB : Et puis ça endort aussi l’intelligence parce que « on n’a pas le choix » mais en fait on passe notre temps à se contredire ; à faire ce qu’on interdit et à ne pas faire ce qu’on demande parce qu’il y a forcément des contradictions en permanence.

D F-X P : Et on en vient à abimer aussi le rapport à l’obéissance …

D JB : on cherche absolument le zéro danger au niveau de la santé ce qui à mon avis est absolument impossible et on veut par tous les moyens se protéger. Le but n’est d’ailleurs pas tellement de protéger sa santé que d’éviter les ennuis ; qu’on ne puisse pas nous dire : « vous avez mal agi à tel endroit ». En fait c’est une forme d’individualisme ; tout le monde se protège.

La soutane plus le masque ; comment arriver à entrer en contact et à inspirer confiance aux élèves ?

D F-X P : Je ne mettrais pas ensemble soutane et masque dans le sens où la soutane n’est pas du tout une barrière dans le contact avec les élèves, en revanche le masque est une vraie barrière, encore plus pour les nouveaux élèves puisqu’il y a plein de choses qui passent par le sourire, par le visage.

D JB : Le masque est un point commun avec eux, nous sommes dans la même galère qu’eux donc il faut qu’on fasse avec et qu’on le prenne avec un peu de légèreté, au contraire la soutane marque la différence mais une différence qui les attire et qui les interroge, qui est évangélisatrice.

Quelle espérance pouvons-nous entrevoir malgré tout  ?

D JB : J’ai du mal à faire de cette histoire un lieu d’espérance, on peut simplement témoigner à travers notre personne qu’on ne s’arrête pas à ces difficultés humaines, que ma joie n’est pas d’abord dans ma santé physique mais qu’elle est dans la relation humaine gratuite, paisible… Mon espérance ce n’est pas d’être en bonne santé ! Il y a à l’entrée de Blois un centre fitness où il y a toujours écrit « bien dans mon corps bien dans ma vie », on voit bien que ce n’est pas vrai !

D F-X P : – En fin de compte l’espérance chrétienne c’est de pouvoir dire avec saint Paul : « qui pourra nous séparer de l’amour du christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement, le danger ? le glaive ? (…) J’en ai la certitude : rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ jésus notre Seigneur » Romains 8, 35.39