Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« VOUS ETES LE CORPS DU CHRIST… »

Lectio divina pour le 3ème Dimanche Ordinaire Année C
Ne.8,1-10 – 1 Co.12, 12-30 – Lc.1,1-4 – 4, 14-21.

Avec ce commencement de l’évangile de Luc qui est, des quatre évangélistes, celui qui parlera le plus de l’Église, la Liturgie nous offre de continuer la catéchèse sur ce mystère de l’ecclésia, commencé par le dimanche du Baptême de Jésus et suivi, dimanche dernier, par Cana.

La prière de la Collecte donne le sens de ce dimanche, et trouve son explication dans l’Évangile : « Dirige notre vie selon ton amour afin qu’au nom de Jésus ton Fils, nous portions des fruits en abondance. »

Regardons ce que l’évangile et les lectures nous donnent pour comprendre cette Collecte et donc participer pleinement à cette Liturgie dominicale.

« Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit… »

Arrêtons-nous d’abord, sur une réalité essentielle qu’il nous faut méditer.

Après son baptême, où l’Esprit Saint manifeste la filiation de Jésus, ce même Esprit pousse le Fils dans Son ministère, c’est-à-dire Son service. C’est donc bien l’Esprit qui est le principe vital de Jésus. On comprend, dès lors, que Jésus, lisant Isaïe, s’applique Sa prophétie : « L’Esprit Saint m’a consacré pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. » Donc, de la bouche même de Jésus, l’âme de Son âme, la vie de Sa vie, c’est l’Esprit !

Saint Paul, de son côté, n’hésite pas à dire que nous sommes tous baptisés dans la puissance de ce même Esprit. La conclusion de ces deux phrases est simple : le même principe vivifie Jésus et vivifie l’Eglise. L’Esprit Saint est l’âme de notre âme par le baptême, comme Il était l’âme de l’âme de Jésus. L’Esprit d’Amour est la Vie de la vie du Christ comme Il est la Vie de notre vie.

L’Esprit se trouve au cœur de l’Église et donc la charité se trouve au cœur de l’Église, c’est-à-dire au cœur de chacun, chacune d’entre nous comme elle est au cœur de Jésus. C’est extraordinaire de penser que notre vie est mue, dynamisée, orientée par le même Principe, la même Personne, le même Amour qui fut au cœur de l’âme de Jésus, de Sa vie, de Sa pensée !

« …Pour former un seul Corps. »

C’est en raison de cette identité que l’on va pouvoir appliquer à l’Église le concept de corps dépendant de Jésus qui en est la Tête.

La tête et le corps biologiquement sont unis par le même principe, nous ne pouvons pas les séparer. Mieux : c’est de la tête que part le principe vivifiant qui fait mouvoir le corps, qui le fait exister et le fait être utile. De même, c’est de Jésus que part la motion de l’Esprit Saint qui vivifie le Corps qu’est l’Eglise : « Je vous enverrai l’Esprit de consolation. »

La Tête et le Corps ne sont absolument pas séparables parce qu’ils sont mus par ce Principe vivifiant qui part de la Tête pour se répandre dans tous les membres.

« Tous les membres ne forment qu’un seul Corps. »

Il y a une deuxième conséquence, non moins importante, de cette construction corporelle. De même que biologiquement, l’âme est le principe substantiel du corps qui unifie la tête et le corps, c’est-à-dire tous les membres entre eux, de même c’est l’Esprit qui va unifier tous les chrétiens comme le rappelle Saint Paul.

Ce Principe vivifiant, dynamisant, ce Principe amoureux qui nous fait adhérer à la Tête, qui nous fait être un avec le Christ, nous fait également adhérer les uns aux autres, nous fait être Un, constitue l’unité des membres.

Ce ne sont pas nos tendances personnelles, ce ne sont pas nos affinités, ce ne sont pas nos préférences qui nous font être de l’Église, qui nous font nous rassembler. C’est une Réalité beaucoup plus profonde qui nous transcende en même temps qu’elle nous fait vivre et qui doit donc transcender pour unifier tout ce qui pourrait humainement nous séparer…

« Dirige notre vie selon ton amour… »

« Dirige notre vie selon ton amour », dirige donc notre vie selon cet Esprit d’Amour qui est le Tien… Que veut dire cette demande ?

Cela veut dire que nous supplions Dieu de nous donner toujours cet Esprit reçu au Baptême et renouvelé en nous à profusion à chaque sacrement. Cela exige de notre part qu’à chaque fois que nous nous approchons d’un sacrement, celui de la Réconciliation ou celui de l’Eucharistie, nous soyons dans le désir sincère et profond de cet Esprit d’Amour. Nous devons nous approcher du sacrement en ouvrant notre cœur pour qu’il soit envahi, submergé par cette Présence amoureuse.

Nous demandons donc aussi à Jésus de faire en sorte qu’il y ait toujours dans l’Église des sacrements, et donc des ministres, c’est-à-dire des personnes qui puissent servir la personne humaine en lui donnant l’Esprit de Dieu. Le prêtre n’est rien d’autre qu’un ministre, c’est-à-dire celui qui sert Dieu en étant l’instrument vivant par lequel l’Esprit de Jésus va passer dans les âmes à travers la communion eucharistique ou à travers le pardon des péchés.

« Avec la puissance de l’Esprit… »

« Dirige notre vie selon ton amour », cela veut dire aussi : Fais en sorte qu’ensuite nous soyons dociles aux motions de cet Esprit que Tu nous donnes par les sacrements.

Il ne suffit pas de recevoir l’Esprit, encore faut-il L’utiliser, se servir de cette Force de Consolation et de Lumière. Sommes-nous dociles aux motions de l’Esprit ?

L’Esprit n’est pas quelque chose de statique, l’Esprit est un mouvement, l’Esprit est une dynamique, puisqu’il est l’Amour, tension vers… Energie divine pour accomplir le Bien. L’Esprit Saint est l’Energie de Dieu. C’est le Principe de vie, en perpétuel mouvement. C’est par l’Esprit que furent créés le ciel et la terre, c’est par l’Esprit que Jésus s’incarna en Marie, c’est par l’Esprit que l’Eucharistie se réalise à chaque Messe, lorsque le prêtre étend les mains et invoque la présence de l’Esprit, c’est par l’Esprit qu’à la Pentecôte, l’Église a été fondée…

L’Esprit est mouvement, l’Esprit est Vie. Regardons Jésus : c’est l’Esprit Saint qui Le pousse au désert et c’est l’Esprit qui ensuite Le pousse dans Son ministère à Nazareth, puis pour les trois ans de vie publique. De même, c’est l’Esprit Saint qui nous pousse à la prière et à la mission.

« Il m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres… »

Si nous ne prions pas, si nous ne sommes pas assez missionnaires, c’est parce que nous n’utilisons pas cet Esprit qui est en nous. Et si nous ne l’utilisons pas, c’est parce que peut-être nous n’avons pas conscience, (une conscience intérieure, spirituelle non pas sensible) de Sa présence en nous. L’Esprit est pourtant là pour nous pousser à la contemplation comme à la mission.

Pour ce faire, Il va nous consacrer comme Jésus, c’est-à- dire nous mettre à part. Le chrétien, bien qu’étant dans le monde ne doit normalement pas vivre avec l’esprit du monde, il doit vivre avec l’Esprit de Dieu comme le rappelle sans se lasser Paul.

Nous sommes donc consacrés, mis à part, pris pour être les serviteurs de Dieu dans le monde, pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres… Les pauvres sont les hommes marqués par le péché, les hommes enfouis sous le mal, consciemment ou involontairement, les hommes qui sont étouffés par le mal, l’injustice, le mensonge, l’hypocrisie, le meurtre, la guerre, l’égoïsme…. Le chrétien est là pour annoncer la Bonne Nouvelle à tout ce monde de pauvreté.

Qu’est-ce que la Bonne Nouvelle ?

La Bonne Nouvelle, c’est le miracle annoncé par Jésus dans cet épisode de Nazareth. Mais attention, ce n’est pas le miracle au point de vue de la forme de cet événement : Jésus se lève, et par hasard, tombe sur ce passage d’Isaïe : quel miracle ! Quelle coïncidence miraculeuse ! Mais pas du tout, ce n’est pas une coïncidence. C’est Jésus qui se lève : c’est Lui donc qui prend l’initiative d’aller lire le rouleau de l’Écriture dont Il trouve Lui-même ce passage d’Isaïe. Le miracle ne se situe pas dans cette pseudo-coïncidence. Le miracle se situe dans l’annonce que Jésus fait lorsqu’Il dit : « L’Esprit-Saint m’a consacré pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour libérer les prisonniers, pour guérir les aveugles, pour consoler les affligés. »

Voilà que Jésus parle dans des termes choisis qui représentent les temps messianiques, c’est-à-dire les temps où il n’y a plus mal, ni pleurs, ni grincements de dents, ni chagrins, parce que Dieu est retrouvé, parce que Dieu s’est fait proche, parce que Dieu est avec nous, l’Emmanuel : « Aujourd’hui, cette parole se réalise… »

Quel mystère ! Quelle grandeur ! Que veut donc dire cet aujourd’hui ?

« Aujourd’hui, cette parole se réalise… »

N’aurions-nous plus rien à faire, puisque la libération du monde est arrivée ?

Saint Luc emploiera plusieurs fois ce terme de « l’aujourd’hui. » Par exemple, dans l’épisode de Zachée, lorsque Jésus dira : « Aujourd’hui, le salut est descendu sur cette maison. »

C’est l’aujourd’hui éternel car c’est l’aujourd’hui de Dieu, c’est l’aujourd’hui de Jésus, Fils de Dieu. Ce n’est donc pas seulement au temps de Zachée, ce n’est pas seulement dans la synagogue de Nazareth, c’est en tout lieu, à toute époque. C’est un aujourd’hui éternellement actualisable et donc toujours actuel.

Tous les jours comme ce dimanche, en entendant l’Evangile, en assistant au Saint Sacrifice de l’Eucharistie, nous pouvons nous dire, chacun dans notre cœur, pour nous-même, aujourd’hui, la libération est arrivée !

Voici que la Lumière, dont parle Jean dans son Prologue, arrive, éclaire, illumine pour nous montrer l’erreur et la Vérité, la mort et le chemin de Vie, notre misère et le pardon de Dieu…

« Allez, annoncez la bonne nouvelle à toutes les nations !… »

Aujourd’hui, effectivement se réalise en perfection la Rédemption du monde, en Jésus-Christ. Intensivement se réalise, dans l’aujourd’hui de Jésus, le Salut du monde.

Mais, il va falloir que ce Salut s’étende à tous les hommes, de tous les temps, sous tous les cieux, il va falloir que ce Salut s’achève, extensivement, en quantité, en prolongement. Comment ? Par l’Eglise.

Dieu est si bon qu’Il demande à l’homme de participer, non seulement à la naissance de Son Fils puisqu’Il nous donne Sa chair par Marie, mais à la construction même de la Rédemption ! Dieu a besoin des hommes. Dieu a besoin de nous pour que, par les hommes, par l’Eglise qui est Son Corps, s’étende jusqu’aux extrémités de la terre l’annonce de cette Bonne Nouvelle.

« L’amour de Dieu a été diffusé dans notre cœur par l’Esprit reçu… »

Le mystère de l’Église, c’est qu’au fur et à mesure que l’Église annonce la Bonne Nouvelle, au fur et à mesure que l’Église prêche aux pauvres que sont les pécheurs, l’Église s’agrandit, l’Église s’étend, l’Église mange le monde.

Comme le levain dans la pâte qui fait lever la pâte, comme la graine de moutarde qui devient immense, l’Église mange le monde non pas par un pouvoir totalitaire, non pas par une discipline ou une morale.

L’Église mange le monde en apportant la Vie, en apportant le Pardon, en apportant l’Amour, en apportant la Liberté intérieure.

Chaque fois que l’un ou l’une d’entre nous vit pleinement son appartenance à l’Église, c’est-à-dire vit son Baptême et annonce aux pauvres la Bonne Nouvelle, console un affligé, libère un prisonnier du péché, chaque fois que nous faisons cela, nous étendons l’Eglise, nous la faisons grandir, nous révélons au monde le Corps de Jésus, nous révélons au monde la totalité du mystère du Christ, nous faisons jaillir d’un point du monde ou d’un autre, là où sont déjà plantées les croix, la Résurrection pascale, l’espérance, la foi, la libération…

Il faut, comme nous le demanderons dans la postcommunion, s’émerveiller chaque jour de cette vie nouvelle que nous avons reçue à notre Baptême, que nous recevons à chaque Eucharistie et que nous sommes, par grâce de Dieu, appelés à donner, à transmettre.

L’Église, c’est nous qui la construisons ainsi. Le monde, c’est nous qui le changeons. C’est nous qui sommes appelés à libérer le monde du péché, par la grâce de Dieu, par l’Esprit qui est en nous. Par l’extension de l’Église, l’infinitude de la liberté de Dieu est apportée aux hommes par les hommes, parce qu’au centre de leur cœur, ils ont l’Amour infini qui n’a de mesure que d’être sans mesure.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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