Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« LES SAINTS TRISTES SONT DE TRISTES SAINTS ! »

Lectio divina pour la Solennité de la Toussaint Année C
Apoc.7, 2…14 1Jn.3, 1-3 Mt.5, 1-12

Pourquoi cette célébration de la Toussaint où sont rassemblés en un seul culte tous ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la sainteté, chemin dont nous ne connaissons pas suffisamment la direction, ni même la signification ? Aujourd’hui, en effet, nous célébrons, nous commémorons et nous rendons grâce pour tous ceux qui nous ont précédés en répondant à un appel, à une vocation. Cette vocation, Pierre nous le rappelle dans une très belle phrase de son épître, c’est « celle que nous lance Celui qui est Saint. »

 

 

« Viens, suis-moi. »

Pierre écrivait : « Suivez celui qui vous appelle, le Saint ; que par toute votre manière d’être vous soyez vous aussi des saints, parce que Lui-même est saint. »

La première remarque que nous devons faire, c’est que la sainteté est une vocation personnelle, fondamentale, qui part de Dieu, fondement de mon existence, fondement de mon être, de ma vie, et qui s’adresse à mon âme. Il n’y a pas de sainteté ‘générique’, de grande sainteté et de petite sainteté. Les Hébreux qui étaient beaucoup plus concrets, pratiques, n’employaient pas ces mots abstraits : pour eux, il y a LE Saint, qui est Yahvé.

Donc, la sainteté est un appel personnel qui se fait dans le langage de Dieu et qui transperce le temps, qui transperce l’espace pour venir se nicher dans mon cœur, dans mon âme, où Il me dit : « Viens, suis-moi. »

La sainteté n’est pas réservée à une classe sociale ou religieuse. Elle ne s’achète pas. On l’entend, comme Samuel.

« Je Suis »

Dieu m’appelle, Dieu appelle chacun d’entre nous à Le suivre sur ce chemin de sainteté. Alors, nous nous posons la question : qu’est-ce que la sainteté de Dieu ?

Parlant de la sainteté de Dieu, nous pensons immédiatement à la transcendance, à l’Au-Delà : Dieu est le Tout-Autre, celui qui est inatteignable. Rien de plus vrai. Mais la transcendance s’exprime dans l’être. C’est l’être qui est transcendant, c’est l’être qui est au-delà de toute catégorie, c’est ce concept d’exister, ce concept de vie qui est en toute chose et à la fois tout diffèrent : j’existe, vous existez… La plante existe, l’animal existe, tout est de l’être. Donc, la sainteté de Dieu, la transcendance de Dieu se définit par son ‘exister’, par ce fameux « Je Suis », que Yahvé révèle à Moïse : « Quel nom pourrais-je donner au peuple auquel tu m’envoies ? Tu lui répondras : Je Suis m’a parlé et m’a envoyé. »

La Sainteté, profusion de donation…

De manière plus imagée, plus vivante, plus concrète, cette sainteté qui est l’existence de Dieu rassemble, si on peut dire, toute la richesse infinie de Sa Vie et toute Sa puissance d’Amour. Voilà ce que c’est que la sainteté de Dieu.

Nous devrions nous arrêter plus à ce concept de vie et de puissance amoureuse, qu’au concept plus ancien, et plus philosophique de transcendance, d’au-delà, d’inconnaissable.

La sainteté de Dieu, c’est l’ensemble de Sa plénitude, c’est la richesse infinie de Son dynamisme, c’est la profusion de Son don, c’est l’abondance de Sa génération, c’est la puissance d’Amour ! Il n’y a pas une vibration dans le Cœur de Dieu qui ne produise finalement la création d’un bien dans l’univers.

La sainteté est abondance de Vie, abondance de génération, profusion de donation.

« Le bonheur de Dieu, c’est d’aimer ! »

Et voilà que Dieu m’appelle à entrer dans cette Sainteté ! Parce que la Sainteté de Dieu Lui donne la Joie et qu’Il veut me faire partager Son Bonheur, Sa Béatitude.

Nous ne pensons pas à définir Dieu par la Joie, et pourtant, c’est le mot peut-être qui Le caractérise le mieux parce que le bonheur de Dieu c’est d’aimer. Dieu se réjouit de Sa vie, Dieu se réjouit de Sa profusion, Dieu se réjouit de Son abondance. Dieu se réjouit de ce qu’Il est, de ce qu’Il fait, de ce qu’Il donne, de ce qu’Il crée : c’est la Béatitude Éternelle.

Dieu me dit : Si tu veux partager Ma Béatitude, sois saint parce que Moi Je suis Saint ! Si tu veux partager Ma Joie, si tu veux partager ce Bonheur du don en profusion et de la richesse, cette vie dynamique, sois saint dans la vie, comme moi je suis Saint. Non seulement parce que Moi Je suis Saint, mais comme Moi, de la même manière, avec la même grâce qui n’est rien d’autre que Ma Vie que je te donnerai pour que tu partages ma Joie !

« Moi, je suis au milieu de vous, le Saint »

La sainteté, nous ne pouvons pas la séparer de la vie. Il nous est interdit, nous chrétiens, d’unir sainteté et tristesse, sainteté et limites.

Parce que c’est dans et par ma vie que je rencontre la Vie de Dieu, que j’entre en elle ! En ma vie, je trouve la Vie de Dieu, celle que Dieu nous donne, celle qu’Il partage avec nous : « Moi, je suis au milieu de vous, le Saint », le Vivant, l’Exultant…

Si la sainteté vient de Dieu, la sainteté ne peut consister qu’à vivre et à aimer vivre !

Toute ma vie ! Pas seulement ma vie du dimanche, pas seulement ma vie de prière ! Pas seulement ces quelques heures, ces quelques minutes que je consacre pieusement et de manière étriquée à une relation à Dieu qui n’est plus finalement le Dieu de la Vie et le Dieu de la Sainteté.

C’est « toute la manière d’être » exhortait Pierre, c’est toute ma vie qui est pour moi chemin de rencontre avec Celui qui me donne, par l’existence, de participer à Sa Vie. C’est ma vie de joies, mais c’est aussi ma vie de peines. Et nous pensons au Livre de Job : « Dieu m’a donné, Dieu m’a repris, béni soit le nom du Seigneur. »

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. »

À condition bien entendu que je vive ma vie comme Dieu la vit, c’est-à-dire comme une occasion sans cesse donnée d’offrir, de répandre le Bien. À condition que je voie ma vie et que je la vive comme une puissance d’aimer et non pas comme une occasion de repliement sur moi-même et de captation à mon profit.

Plus même : à condition que je fasse de ma vie un instrument de la Vie de Dieu ! Dieu vit à travers nous, Dieu aime à travers nous, Dieu donne à travers nous, Dieu se répand, Dieu communique, Dieu vivifie à travers notre existence, notre cœur, notre intelligence.

Il faut que je fasse de ma vie un instrument de cette diffusion du bien de Dieu, de ce Bien que Dieu veut diffuser à profusion, et qui s’appelle, comme nous le dit l’Évangile, la Paix et la Justice, qui s’appelle le Bien, qui s’appelle encore la Douceur et la Miséricorde…

Demandons à Jésus, en cette solennité de la Toussaint, la grâce d’unir comme Il le fait dans les Béatitudes, joie et sainteté, c’est-à-dire la joie et la vie, la joie et le don, la joie et la plénitude de Dieu ! Ne soyons pas des saints tristes, parce que comme disait Saint François de Sales : « les saints tristes sont de tristes saints ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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Mgr Jean-Marie Le Gall