Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« JE VEUX VOIR DIEU ! »

Prov.8, 22-31 Rm.5, 1-5 Jn.16, 12-15

L’Église nous fait réfléchir en cette solennité, et d’une manière bien particulière, sur le mystère de la Trinité avec lequel nous vivons chaque jour de l’année liturgique, dès notre signe de croix du matin ! Toutes nos prières à la Messe, à l’Office, se terminent ainsi : « Par Jésus-Christ ton Fils notre Seigneur et notre Dieu qui vit et règne avec Toi dans l’unité du Saint-Esprit pour les siècles des siècles. »

« En Lui, nous avons la vie, le mouvement, l’être. »

Le mystère de la Trinité, il faut le reconnaître, est souvent un peu abstrait pour nous. C’est vrai que pour nous la Trinité est tellement éloignée !…

Nous ne saisissons pas très bien quelle est Sa place, quelle est notre relation à la Trinité, parce que nous oublions cette vérité philosophique pourtant simple : à l’instar du corps qui est présent là où il agit, l’esprit est aussi présent là où il agit. Dieu est pur esprit, Dieu m’appelle à l’existence, Il me crée, Dieu me conserve. Il poursuit Son œuvre de création. « En Lui, nous avons la vie, le mouvement, l’être. »

Donc Dieu-Esprit est en moi. Il n’est pas à côté de moi, Il n’est pas sur moi. Il est en moi puisqu’Il agit en mon intérieur, dans le plus profond de mon intimité, de ma substance, puisqu’Il est là pour me soulever dans l’existence et m’y tenir.

« Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu ? »

Et comme Dieu se révèle trine, c’est Dieu-Trinité qui est en nous, qui y réside, qui y vit, qui y agit. Nous sommes face à cette vérité extraordinaire, à laquelle bien sûr, nous n’aurions pas pu accéder s’il n’y avait pas eu la Révélation de Jésus qui nous parle de Son Père et de l’Esprit : en chacun de nous, Dieu le Père engendre éternellement Son Fils, puisque c’est la Vie Trinitaire, et le Fils avec le Père produisent éternellement l’Esprit. Nous sommes le Tabernacle de la Vie trinitaire !

Nous sommes l’écrin d’un Dieu qui, de toute éternité, est dans un processus dynamique d’engendrement du Père vers le Fils, du retour (telle l’action de grâce, telle l’Eucharistie !) du Fils vers le Père produisant cette Personne d’Amour, un Amour-Dieu qui s’appelle l’Esprit !

« Trouvant mes délices avec les fils des hommes »

Quelle paix extraordinaire si nous pouvions personnellement voir ce Dieu qui réside en nous, Le contempler, L’aimer et nous y unir !

Quelle joie si nous pouvions réaliser ce rêve de tout homme, ce rêve d’union parfaite dont rêvent les couples et les familles. Si nous pouvions réaliser effectivement cette union intime avec ce Dieu qui, la lecture des Proverbes nous le rappelle, « trouve ses délices parmi les hommes », réside en celui qu’Il a façonné à Son image ! Quelle humilité de Dieu, quelle humilité que ce Père qui façonne Son fils et qui réside en lui justement parce qu’Il le façonne et que le façonnant, Il se soumet à cette présence !

Le véritable tabernacle de Dieu, c’est tout être humain !

« Le Fils, lui nous l’a fait connaître »

Malheureusement, Jean nous dit dans son Prologue que « Dieu, nul ne peut le voir. » La route serait-elle donc définitivement bloquée pour le regard que nous voudrions porter sur Dieu à l’intérieur de notre cœur ?

Dieu, nul ne peut le voir, mais cependant il ajoute : « Le Fils, lui nous l’a fait connaître », c’est-à-dire nous a fait renaître à Lui le Père et avec Lui le Fils. C’est une vie nouvelle effectivement qui commence pour chacun d’entre nous lorsque, par une expérience intérieure, nous nous apercevons, nous prenons conscience, nous réalisons qu’il y a Dieu et que nous Le voyons !

Saint Paul, lui aussi, affirme cette même vérité dans la Lecture des Romains, lorsqu’il nous dit : « C’est par le Christ que nous avons accès à la grâce », c’est-à-dire que nous avons accès à la Vie de Dieu par la foi.

Nous savons bien que Dieu est invisible pour les yeux. Mais voilà que Dieu nous donne Son œil ! Nous nous souvenons du triangle, signifiant Dieu, peint au-dessus des vieux autels du 18° siècle. Ce triangle parfait représente Dieu Trine. Et en son intérieur, il y a un œil, un œil unique et, reconnaissons-le, quelque peu terrible, l’œil de Dieu qui regarde l’homme, comme l’œil qui dans la tombe regardait Caïn, et qui juge.

Mais cet œil divin, Dieu nous le donne ! La foi est le regard de Dieu vers Dieu. Dieu me prête Son regard, et voilà qu’avec la foi, je peux effectivement accéder et ouvrir la porte à la vie de Dieu. Je ne suis pas encore dans l’intimité, mais la porte s’ouvre, et entrant en moi-même, je peux voir Dieu !

« L’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. »

Cela ne suffit pas pour autant à nous unir à Lui. Nous savons bien que le regard est insuffisant pour nous unir à quelqu’un. C’est le cœur, c’est l’amour, c’est cet ‘aller-vers-l’autre’, qui provoque l’union et qui ainsi nous établit dans la paix de la communion.

Mais, comment puis-je penser aimer Dieu qui est infiniment grand, infiniment aimable (comme nous disons dans l’acte de charité) avec mon pauvre cœur d’homme qui est déjà incapable d’aimer parfaitement mon frère ? C’est ce que dit Saint Jean : « Comment veux-tu aimer Dieu qui ne se voit pas si tu n’es pas capable d’aimer ton prochain, qui lui se voit ? » Nous le savons bien dans l’expérience quotidienne que notre bonté naturelle est très vite limitée ! Alors comment puis-je espérer étreindre totalement Celui qui est Bonté infinie ?

C’est alors que Paul nous lance cette phrase qui fonde l’espérance folle du chrétien, une espérance qui, comme il le dit, ne déçoit pas, « Parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs… Oui, l’Amour même de Dieu, l’Amour qui a la taille de Dieu, l’Amour qui vient de Dieu, qui connaît Dieu, comme l’œil de Dieu voit Dieu, …l’amour de Dieu est répandu dans mon cœur par l’Esprit Saint qui m’a été donné, par cette Personne-Amour évoquée précédemment.

« Dieu est Amour. »

Dieu me donne Son œil. Mais Dieu va plus loin, Dieu me donne Son Amour, Dieu me donne Son cœur ! Alors, à ce moment-là, non seulement, je vois Dieu, mais je suis capable de L’étreindre parce que mon cœur est rempli de Sa propre force amoureuse qui est sans dimension, infinie…

Remarquons d’ailleurs que ce qui fait notre admiration chez les saints, c’est l’immensité de leur cœur. On dirait que leur cœur n’a pas de fond, ils sont sans cesse en train de donner, c’est la multiplication des pains du cœur !

Donc, pour entrer dans cette intimité de Dieu qui est en moi, il me faut la foi et la charité. La foi qui est l’œil de Dieu et la charité qui est Son cœur. Les deux me sont donnés au Baptême. Au Baptême, je reçois et la foi qui est donc ce regard de Dieu sur Dieu, et je reçois la charité qui n’est autre que cet Amour de Dieu vers Dieu.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »

Mais qu’ai-je fait de ces dons ? Qu’ai-je fait de ma foi ? Qu’ai-je fait de ma charité depuis mon Baptême ? Où puis-je encore trouver ma foi ? Comme dit l’Évangile : « Lorsque le Fils de l’Homme reviendra sur cette terre, trouvera-t-il encore la foi ? »

La foi, nous en avons un petit peu conservé par mesure de précaution dans un coin de notre âme pour les moments difficiles de notre vie. Nous nous accrochons, nous nous agrippons à Dieu comme à une bouée de sauvetage. La preuve ? Nous venons à la messe le dimanche, nous lisons ces lignes : c’est la foi qui nous pousse à vouloir rencontrer Dieu.

Mais la charité qui est cet amour de Dieu ? Qu’en avons-nous fait ? « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », avec ce même Amour que Je vous donne… Combien de fois l’avons-nous chassée loin de nous cette charité ? Combien de fois l’avons-nous bannie de notre âme parce que nous n’avons pas voulu ou pas su aimer « en acte et en vérité », parce que nous n’avons pas voulu ou su aimer jusqu’au bout, dépasser les barrières, dépasser les rancunes, pardonner, c’est-à-dire donner au-delà… Combien de fois même avons-nous tué cette charité par des pensées contraires à l’amour ?

« Pour voir Dieu il faut mourir ! »

Aussi, en cette solennité de la Trinité, demandons tout simplement ces vertus de foi et de charité.

Demandons-les comme des forces nécessaires pour pouvoir pénétrer au fond de notre cœur et y trouver la présence de l’Unique Nécessaire. C’est pourquoi nous devons aussi les demander comme des choses désirables et aimables !

Vous voulez voir Dieu ? disait Sainte Thérèse d’Avila. Pour voir Dieu, il faut mourir. Mourez un petit peu à vous-mêmes, faites entrer dans votre intelligence un petit peu de foi, et dans votre cœur beaucoup de charité pour voir Dieu et L’aimer.

Alors, à ce moment-là, oui, nous comprendrons le mystère de la Trinité Sainte de l’intérieur. Pas de manière intellectuelle, cela reste tout à fait au-delà de notre intelligence !, mais de l’intérieur comme une réalité que l’on touche : c’est le sens étymologique du terme ‘comprendre’. Comme la Réalité avec laquelle on vit, avec laquelle on est bien, avec laquelle on fait ses délices…

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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