Saint Martin

Une spiritualité vécue non-écrite

      Je me susciterai un pasteur fidèle qui agira selon mon cœur et mon désir(1 Samuel 2,35).C’est le prophète Samuel qui a été annoncé par cette promesse. Mais cette parole de Dieu résonne toujours, pour chaque époque. Car Dieu a pitié de nous. Il n’oublie pas ses « brebis sans berger » que nous sommes. Il a envoyé son propre Fils Jésus-Christ qui est mort et ressuscité pour le salut de nous tous.

Dieu ne se lasse pas d’envoyer des « ouvriers » dans sa moisson : des personnes qui assument la mission du Christ au fil du temps. Ainsi les apôtres : ils ont sillonné la terre à l’image du maître. D’autres sont venus après eux, pour implanter la croix dans chaque pays et pour unir les hommes de toutes les nations à Jésus-Christ.

Un de ces pasteurs était Martin. Il était « l’apôtre des Gaules », au quatrième siècle, à la fin de l’Empire romain. Cet homme, humble et puissant à la fois, avare en paroles, attirait autour de lui des disciples. En France, beaucoup ont connu le Christ par lui. Les rois francs venaient en pèlerinage sur sa tombe, puisqu’il était le fondateur spirituel de leur royaume.

Un autre homme a formé des prêtres et les a mis sous le patronage de saint Martin. Il s’agit de l’abbé Guérin, prêtre. Depuis, l’esprit de saint Martin inspire ces prêtres et leur communauté. Si le nom de Martin a été proclamé sur leur Communauté, c’est qu’elle doit se conformer à l’exemple du maître. Retrouver son esprit aujourd’hui, c’est retrouver les racines de notre foi. En nous mettant sous sa bannière, nous deviendrons davantage ce que nous sommes : hommes de Dieu, hommes de la charité.

Quel est exemple que Martin nous donne ? « Je suis chrétien », disait-il de lui-même.[1] C’est sa présentation la plus simple et la plus vraie à la fois. Son seul héritage est son attachement sans faille à Jésus-Christ.

[1] Sulpice Sévère, Vie de saint Martin, 5.

Saint Martin n’est pas un homme de la parole, surtout pas de la plume. Comme Jeanne d’Arc, comme Jean-Baptiste et comme Jésus lui-même, il ne laisse rien derrière soi. Sa théologie, c’est sa vie. Son biographe Sulpice[2]veut montrer ce que Dieu accomplit par Martin – ce qu’Il fait en lui et avec lui. Sa vie met l’évangile en œuvre.

Dieu agit en Martin pour nous : sa charité est une incarnation de l’évangile que le Père nous adresse. Cette mise-en-œuvre de la parole de Dieu, nous devons toujours nous l’approprier à nouveau, pour trouver davantage ce que Dieu nous dit à travers cet homme qui est un fils de son temps. Cela est l’objectif de ce petit travail.

Le trait le plus en vue de Martin était sa pauvreté volontaire, l’expression de sa consécration totale à Dieu et de son rejet du monde. Cette pauvreté suscitait des admirateurs et des ennemis. L’appartenance totale à Dieu n’est pas pensable sans la charité de Martin, trait le plus connu de cette personnalité par le récit du manteau partagé [3]. Au-delà de ces deux aspects fondamentaux, il s’agit vraiment d’un homme de Dieu dans tous les aspects de sa vie [4]. Au-delà de ce qu’il est, la tradition « martinienne » retient aussi ce qu’il fait : Martin est évêque, il est « la perle des prêtres ». C’est un pasteur exemplaire [5]. Dans son travail, Martin est infatigable, car son service auprès des gens est un service rendu à Dieu directement, auquel sa vie appartient.

[2] Sulpice Sévère a rédigé la biographie de saint Martin en plusieurs œuvres : La Vie de saint Martin ; trois Dialogues ; trois Lettres.

[3], Vie, 10.

[4] 2eDialogue, 3 ; et Vie, 10.

[5] 2eDialogue, 5.

Pauvreté

Appartenir au Christ, non à ce monde

       Si une chose frappait les contemporains de Martin, c’était sa pauvreté. Depuis le début du quatrième siècle, l’Eglise était devenue le pilier de l’Empire. La pauvreté de Martin n’était pas née de la contrainte ; au contraire, elle était pleinement volontaire. Aucune nécessité ne le forçait de vivre dans une cabane collée contre l’église ;[6] encore moins de se vêtir de son manteau grossier qui rappelait à tous le manteau en peau de chameau de Jean le Baptiste (Matthieu 3,4).[7]Martin voulait « toujours rester pauvre », refusait tous les cadeaux[8] et il exigeait des disciples ce qu’il s’imposait lui-même : rien demander « pour notre usage », même quand la faim et le froid les faisaient greloter[9].

Qu’est-ce qui motivait Martin ? Pourquoi se promenait-t-il de manière si négligée, « de si mauvaise mine, la tête rasée et si mal vêtu »[10], au point que certains s’indignèrent ?

Si on veut suivre Jésus-Christ en liberté, il faut se libérer des attachements du monde. Il faut renoncer au monde pour être tout à lui. Car on appartient à Dieu ou aux créatures. Il n’y a pas de neutralité dans la vie. Martin voulaitse lier au Christ et à lui seul. Toute compromission avec le monde, il la rejetait comme des chaînes qui lient le corps et l’esprit à la terre. Illusion d’ailleurs, que l’esprit puisse s’élever, lorsque le corps est attaché. La liberté est totale ou elle n’est pas.

Martin ne « songeait pas au lendemain »[11]. Il vit ici et maintenant. Chaque moment de la vie appartient au Seigneur. On lui doit d’y être présent. Jusqu’à la mort, le saint craignait de s’aveugler pour le ciel en regardant la terre. Ses disciples veulent lui donner un peu de confortau moment de sa mort. Martinleur répondait : « Laissez-moi, mes frères […] ;laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, afin que mon âme prenne plus facilement son essor vers Dieu. » Puis le diable se présentait. Martin lui criait avec assurance : « Que fais-tu ici, bête cruelle ! tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne : je serai reçu dans le sein d’Abraham. »[12]Effectivement, gisant sur le sol nu, le mourant était libre de tout. Nu je suis sorti du ventre de ma mère et nu j’y retournerai (Job 1,21) !

Ce n’est pas dans un stoïcisme héroïque que Martin se faisait pauvre, ni par la crainte du démon ou de son esclavage. L’amour du Christseul le pousse(2 Corinthiens 5, 14). Tout le reste tombe en désuétude, derrière cette seule richesse. En rejetant toute richesse, il se jette vers celui qui seul peut commander sur son âme. Pour le suivre, il faut renoncer, c’est la loi fondamentale de la spiritualité de Martin.

Le saint lui-même avait été touché par l’exemple de Paulin, l’évêque de Nole, un contemporain richissime qui avait abandonné tous ses biens : « Voilà l’exemple qu’il faut suivre, s’écriait-il. Heureux notre siècle d’avoir reçu ce grand enseignement de foi et de vertu, d’avoir vu un homme possédant de grands biens, les vendre tous pour les donner aux pauvres selon le conseil du Seigneur, et rendre ainsi possible par son exemple ce que le monde croyait impossible. »[13] La pauvreté volontaire est un témoignage pour tous qu’on peut s’appuyer sur Dieu. Ne vous inquiétez donc pas en disant : Qu’allons-nous manger ? Qu’allons-nous boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ? Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela (Matthieu 6, 31-32). Dieu pourvoit aux besoins de ses enfants. Mais il faut des témoins qui, les premiers, mettent leur confiance en lui.Ainsi, ils sont des signes d’espérancepour ceux qui viennent après eux.

Martin enseignait cette pauvreté à ses frères. Un jour, un homme voulait remercier Martin, qui avait intercédé pour la guérison de plusieurs malades de sa famille. Il lui offrait cent livres d’argent que le saint désignait tout de suite pour le rachat de prisonniers. A ce point, « comme les frères lui suggéraient d’en garder un peu pour l’entretien du monastère, lui représentant qu’ils avaient à peine de quoi vivre et que plusieurs d’entre eux manquaient de vêtements, il leur dit : ‘L’Eglise doit nous nourrir et nous vêtir, pourvu que nous ne demandions rien pour notre usage’ ».[14] L’abandon à la providence divine, pour Martin, est la condition de vie de ses moines. Puisqu’ils ont été tirés par Dieu de la mort à la vie, ils doivent effectivement vivre de la main de Dieu seule. Ainsi, l’état de vie des chrétiens exige qu’ils s’abandonnent à la providence divine.

Au-delà de la pauvreté matérielle, l’absence d’œuvres et de postérité est impressionnante. Cet homme qui marque son siècle n’a laissé aucun écrit, même pas de lettre. Des paroles du saint retenues par Sulpice, aucune ne brille par une profondeur théologique particulière. Aucune bâtisse ne nous reste de son pontificat. Martin ne laisse précisément rien derrière lui. Sa pauvreté n’est pas seulement matérielle. Martin est pauvre jusque dans ses moyens pastoraux et jusque dans ses ambitions de maître spirituel.

Ainsi, l’unique héritage qu’il nous a transmis est sa charité.Dépouillé de tout, nous ne connaissons de lui que son amour de Dieu et des hommes. Voilà tout l’héritage de Martin, toute la force de son œuvre.

[6], Vie, 10.

[7] 2eDialogue, 3 ; et Vie, 10.

[8] 2eDialogue, 5.

[9] 3eDialogue, 14.

[10]Vie, 9.

[11]Vie, 2.

[12]Lettre à Bassula.

[13]Vie, 25.

[14]3eDialogue, 14.

Humilié, abandonné, frappé

Avant de venir à sa charité, voyons encore l’autre aspect de la pauvreté de Martin : son humilité.

Hilaire devait employer une ruse pour faire du moine un clerc et le peuple de Tours devait prétexter qu’une personne malade était à guérir afin que Martin sorte de sa solitude et pour en faire leur évêque.[16] Martin disait « hautement qu’il en était indigne »[17], de ces honneurs de clerc et d’évêque.

Devenu prince dans l’Eglise, « il demeura toujours ce qu’il avait été auparavant ; aussi humble de cœur, aussi simple dans sa manière de s’habiller. Il remplissait ses fonctions d’évêque d’une manière pleine d’autorité et de bonté, sans cesser pour cela de vivre comme un moine, et d’en pratiquer les vertus. Pendant quelque temps il habita une petite cellule près de l’église ; mais, importuné du grand nombre de visites qu’il y recevait, il se fit une solitude à deux lieues de la ville environ. »[18]

Martin veillait constamment que la révérence du peuple ne le faisait pas à oublier Dieu. Il restait attaché à sa solitude et à sa pauvreté, les deux gardes du cœur qui le maintenaient proche de Dieu.

Les honneurs du peuple lui inspiraient la honte. Comment les gens pouvaient s’appuyer sur lui qui se sentait si indigne ? Martin cherchait constamment à être humilié, profondément convaincu de son rien. Il ne méritait pas mieux, à ses propres yeux. Le fait même que des hommes faisaient appel à lui pour qu’il fasse des miracles, l’humiliait. Car il savait que Dieu se servait de lui comme d’un simple instrument, alors qu’il ne se sentait en rien digne de cela.[19]

« Il ne rendait jamais le mal pour le mal. Il supportait les injures avec tant de patience, que, bien qu’il fût évêque, les moindres clercs l’outrageaient impunément, et sans qu’il les privât pour cela de leur emploi, ou les chassât de son cœur. »[20] La rencontre avec son moine Brice illustre particulièrement cette patience dans la bonté. Celui-ci, « ce malheureux, enflammé d’une colère insensée et surtout, comme je le crois, excité par ces démons, s’emporta si violemment contre Martin, qu’il le menaça presque de le frapper, tandis que le saint, le visage calme, l’âme tranquille, s’efforçait par de douces paroles de calmer l’irritation qui lui troublait le jugement. Le démon avait si bien envahi le cœur de Brice, qu’il en avait presque perdu la raison ; les lèvres tremblantes, le visage décomposé et pâle de colère, il proférait des paroles de péché, assurant qu’il était plus saint que Martin. »[21] Celui-cirestait calme et laissait Brice décharger toute sa colère sur lui. Après le départ, Martin le poursuivait de ses prières jusqu’à ce qu’il revienne pour demander pardon.

Une autre scène de la Vie de saint Martin, spécialement cruelle, témoigne du désir ferme de celui-ci d’être compté pour rien. Un groupe de fonctionnaires romains, en carrosse, doublait le saint homme, qui marchait à pied. Sous le manteau du pauvre, ils ne soupçonnent pas l’évêque. Alors, ils se mettent à maltraiter ce pauvre dans une rage furieuse mais gratuite. Ils y vont « à coups de fouets et de bâtons ; mais celui-ci [Martin] supportait leurs coups sans mot dire, avec une incroyable patience, ce qui augmentait la folie de ces malheureux, rendus plus furieux, parce qu’il semblait mépriser et ne pas sentir leurs coups. »[22]

Dans les deux exemples, c’est l’humilité patiente qui triomphe du mal. Martin supporte tout et cela jusqu’au bout. On peut lui faire du mal, mais on ne peut lui faire tort. Comme saint Paul, Martin porte en son corps les humiliations etles souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée en lui (cf. Corinthiens 4, 10).

Sulpice tient à montrer l’incroyable force de Martin, par laquelle celui-ci supporte tout. Ainsi arrive-t-il à l’écrivain de gommer la réalité des souffrances auxquelles le saint se soumettait. A force d’être constant, le Martin de Sulpice paraît insensible. A force de le montrer ferme dans l’épreuve, Sulpice en oublie que cette force vient de Dieu.

Maissa force et sa constance sont des fruits de sa confiance en Dieu, justement. Passionné de l’amour du Christ, il supporte tous attaques des hommes. Qui est-ce qui nous séparera de l’amour du Christ ? Tribulation, ou détresse, persécution ou famine, nudité, péril ou épée ?(Romains 8, 35) Comme pour Paul, la cruauté des hommes n’est rien contre l’amour du Christ. Lorsqu’il présente son dos aux fonctionnaires cruels, Martin n’est pas indolore par sa propre force. Il souffre, mais il accepte et aime sa douleurpar l’amour de la croix de Jésus. Martin se laisse frapper avec l’agneau qui a été frappé.

Le Christ de Martin n’est pas le prince de gloire. Il est avant tout l’homme de la Passion : dans sa souffrance, il a montré à quel point il aime les hommes : « Jésus Notre-Seigneur … n’a point annoncé qu’il viendrait vêtu de pourpre et couronné d’un diadème ; je ne croirai à sa présence que lorsque je le verrai tel qu’il était lorsqu’il souffrit pour nous, portant marques de son supplice ».[23] Le Christ a souffert pour les hommes, pour leur salut (cf. 1 Corinthiens 15, 3). De même pour Martin : les souffrances sont la mesure de son amour pour Dieu et pour les hommes. En souffrant comme le Christ, Martin peut être avec lui. La souffrance et l’humiliation sont des lieux d’une communion profonde avec le Seigneur.

[15] Nous viendrons plus loin à la charité de Martin, p. 5 et s.

[16]Vie, 9.

[17]Vie, 5.

[18]Vie, 10.

[19]Vie, 16.

[20]Vie, 26.

[21]3eDialogue, 15.

[22]2e Dialogue, 3.

[23]Vie, 24.

La Charité de saint Martin

Ce que l’on voyait en Martin, au premier abord, était sa pauvreté : cet homme s’était voué à Dieu, corps et âme, au prix de toutes les richesses du monde. Mais pourquoi les gens s’attachaient si profondément à lui, du pauvre mendiant jusqu’à l’empereur ? Puisqu’il les aimait. Les gens sentaient qu’il voulait leur bien et uniquement leur bien ; ils sentaient qu’il était prêt à payer le prix de leur salut. Il allait leur donner tout ce qu’il pouvait donner. Ils sentaient en lui sa charité.

Servir le Christ dans les autres

Par la pauvreté et son amour des humiliations, il se consacrait à Dieu. Par sa charité, il était tout à tous (1 Corinthiens 9,22).Donné à Dieu, Martin se donnait entièrement aux hommes.

Sulpice rapporte la scène touchante du service de Martin auprès de son propre serviteur : « À l’armée, Martin se contenta d’un seul valet, que bien souvent, intervertissant les rôles, il servait lui-même : il allait jusqu’à lui ôter ses chaussures et à les nettoyer ; ils prenaient leur repas ensemble, et le plus souvent c’était le maître qui servait. […] déjà à cette époque on le prenait plutôt pour un moine que pour un soldat ».[1] Arrêtons-nous un instant à ce combat que Martin se livre à soi-même, ce dépassement farouche de sa propre volonté. La gloire de la charité doit être conquise de lutte, tel que le royaume des cieux est pris par violence(Matthieu 11, 12). Car ce que le Christ exige de ses disciples ne va pas de soi : celui qui veut être grand parmi vous sera votre serviteur (Matthieu 20, 26). Pour y obéir, il faut éliminer un ennemi résistant que chacun est à soi-même : l’interminable désir d’être grand et reconnu. Martin mène ce combat. Sans repos à la conquête de la vraie charité, il « consolait les malheureux, secourait les pauvres, nourrissait les nécessiteux, donnait des vêtements à ceux qui en manquaient, et ne gardait de sa solde que ce qu’il lui fallait pour sa nourriture de chaque jour ». Pour tout cela, Sulpice lui donne le titre enviable d’un « strict observateur des paroles de l’Évangile ».[2]

Un jour, Martin apprit dans sa propre vie ce qu’estla charité. Le Christ lui-même se chargeait de cet enseignement et Martin le transmit à ses disciples, comme son trésor le plus précieux.

Devant les portes d’Amiens, Martin voyait un pauvre, grelotant là un jour d’hiver. Les gens passaient sans pitié. Alors, Martin « comprit que c’était à lui que Dieu l’avait réservé.Mais que faire ? il ne possédait que le manteau dont il était revêtu, car il avait donné tout le reste ; il tire son épée, le coupe en deux, en donne la moitié au pauvre et se revêt du reste. »[3] Acte fou et magnifique à la fois qui nous montre la magnificence spontanée de ce cœur qui aimait.

Quelle est la raison de son amour ?Le Christ lui révèlera bientôt ce que son cœur avait fait sous l’influence de la grâce. Ainsi, dans la nuit après le partage du manteau, « Martin s’étant endormi, vit Jésus-Christ revêtu de la moitié du manteau dont il avait couvert la nudité du pauvre. [… Le Seigneur] daigna se montrer revêtu de l’habit donné au pauvre, car il se souvenait de ce qu’il avait dit autrefois : ‘Tout ce que vous avez fait au moindre des pauvres vous me l’avez fait à moi-même.’ »[4]Voilà l’amour de Jésus : il aime à tel point les hommes que leur bien à eux devient véritablement son bien personnel. Jusque dans sa gloire il souffre de la souffrance des pauvres. Les consoler, c’est consoler Jésus.

Ce que son cœur sentait déjà, ce qu’il vivait déjà par grâce, Martin l’a véritablement appris dans son songe :Jésus aime les petitsjusqu’au point qu’il s’identifie avec eux. Les hommes sont bercés dans l’amour du Christ. Son sort est lié à leur sort ; sa joie vient de leur joie. Là où un pauvre souffre, le Christ souffre. Avec le mendiant qui a froid, Jésus lui-même grelote ; avec celui qui est seul, Jésus ressent l’abandon. Ce que l’on fait de bien à un de ces petits, c’est à Jésus qu’on le fait (cf. Matthieu 25, 40). On ne saurait pousser assez loin cette loi de l’Incarnation. Jésus s’est fait un d’entre nous selon son humanité. Mais surtout il s’est fait un avec chacun de nous par son amour profond. Notre souffrance est sa souffrance – notre joie est sa joie, par l’amour qui fait de deux choses une.

C’est ce Jésus queMartin aime éperdument. Dans chaque pauvre, il peut rencontrer son maître. Ceux-ci sont ineffaçablement inscrit dans le cœur du Christ. En donnant au pauvreson manteau, Martin recouvre le Christ. Voilà la charité que Martin a apprise dans son songe et qu’il nous apprend depuis.

Le partage du manteau, n’est-ce pas un acte un peu faible pour avoir marqué tant d’hommes jusqu’aujourd’hui ?Pourquoi tant d’insistance sur ce don petit entre tous ?

La publicité pour le manteau partagé n’a pas été faite par Martin. Jésus lui-même a apposé son sceau sur l’histoire et l’a rendu inoubliable.

La rencontre avec le mendiant d’Amiens est brève – pourtant elle a été retenue comme l’exemple typique de toute charité. Cela nous montre : la véritable charité n’a pas besoin d’exploits héroïques au-delà de la puissance humaine ordinaire. La grandeurde la charité ne vient pas d’un acte particulièrement éclatant. La charité brille dans la conformité à la volonté de Dieu.Or, la volonté de Dieu est simple !

A Amiens, Martin sentait que ce pauvre, « c’était à lui que Dieu l’avait réservé » : inspiré par l’Esprit de Dieu et poussé par sa compassion d’homme, il savaitce qu’il fallait faire ici et maintenant. Rien d’autre que vêtir cet homme par une part de sa propre tunique, pas plus et pas moins. Il n’était pas question de prendre les pauvre chez soi ou de l’éduquer pour faire de lui un bon chrétien. Rien d’autre que lui donner la part du manteau pour qu’il ait moins froid. Ici, la charité rejoint l’obéissance. Dieu ne propose rien d’absolument extraordinaire. Il veut cet acte précis de compassion, celui-ci et rien d’autre. Une charité entre hommes, non pas un dépassement de surhommes.

A la fin de sa vie, Martin prononçaitcette prière importante : Mon Dieu, si « vous me commandez de combattre encore […] je ne refuserai pas le travail ».[5] Nous comprenons : le travailqu’il ne refuse pas est le travail de la charité. La charité est unlabeur. « Labourer »par amour selon la volonté de Dieu !Inutile de concevoir des œuvres sublimes et inouïes de charité. Dieu connaît les véritables besoins des hommes, leur besoin ici et maintenant. A l’école de Martin, nous devons nous mettre à ce travail des petites choses. La charité, c’est accomplir ce que le Christ veut en ce moment pour cette personne.

Cette charité veut non seulement tout donner aux pauvres. Martin voulait aussi qu’ils puissent accepter sa charité en toute dignité. Pour cela, elle s’accompagne d’une délicatesse particulière. Tout le monde ne veut pas accepter de cadeaux – surtout pas lorsqu’ils viennent d’un grand évêque.

Sulpice témoigne de la douce autorité du saint par laquelle son service s’impose. Sous son insistance délicate, on ne peut pas refuser sa charité. « Lorsqu’il daigna m’admettre à sa table, moi [Sulpice …] misérable que je suis, il me présenta lui-même de l’eau pour me laver les mains. Le soir il me lava les pieds. Je n’eus pas le courage de résister ou de m’y opposer ».[6]Pour le partage du manteau Martin employait la même délicatesse. Car il gardait lui-même la moitié de la tunique. Ainsi, il signale au mendiant : tu peux accepter ce manteau de bonne grâce, parce que moi aussi j’en porte encore une partie. Je ne me dépouille pas d’une manière qui te mettrait mal à l’aise.[7]Ce manteau n’est pas un cadeau condescendant d’un riche qui donne tout à un pauvre. Bien plus, c’était le partage délicat, qui permettait au pauvre d’Amiens de se sentir l’égal de son donateur généreux.

Se faire pauvre pour faire riche les autres

L’apprentissage de la charité n’est pas encore achevé. Pour cela, le schéma du manteau partagé se répètera : D’abord l’action qui déborde du cœur. Puis, l’illumination par Dieu qui explique au saint ce qu’il a accompli dans sa charité.

A la cathédrale,l’archidiacre avait négligé de vêtir un pauvre,ce que Martin lui avait pourtant demandé de faire. Avant la messe, ce pauvre entre à la sacristie auprès de Martin, « se plaignant d’avoir été oublié, et de souffrir beaucoup. Aussitôt, sans que le pauvre s’en aperçoive, le bienheureux ôte secrètement sa tunique sous son manteau, en revêt le pauvre et le congédie. » Lorsque l’archidiacre apparaît, Martin lui dit : « ‘Que l’on m’apporte le vêtement qu’on lui a préparé, et je trouverai un pauvre à vêtir.’ Le prêtre, pressé par cet ordre, et dont la bile était déjà en mouvement [par ennui], achète rapidement pour cinq pièces d’argent, une robe grossière, courte et velue, et la met, tout irrité, aux pieds de Martin : ‘La voici, dit-il, mais je ne vois point de pauvre.’ »[8]Ce pauvre était Martin,naturellement. Lui-même mettait la robe que le clerc lui avait jetée aux pieds. Déjà exercé dans la charité vestimentaire, le saint évêque rajoute encore une couche : charité discrète, don caché.

Pendant la messe, « comme il bénissait l’autel selon la coutume, nous vîmes briller au-dessus de sa tête un globe de feu, qui, en s’élevant en l’air, traça un sillon lumineux. »[9]Pourquoi ce signe ? Martin a cherché à cacher sa générosité, mais Dieu l’a tiré au grand jour pour l’établir comme un exemple aux yeux de tous. Encore une fois, le signe divin rend explicite ce que Martin avait déjà réellement vécu de cœur.

Lorsqu’il donne sa robe au pauvre, Martin dépasse le partage du manteau. Il se déshabille lui-même pour pouvoir vêtir le mendiant. Il s’est fait pauvre, pour l’enrichir par sa pauvreté (cf. 2 Corinthiens 8,9).

A Amiens, Martin avait apprisqu’il pouvait rencontrer Jésus lui-même dans les pauvres. Lors de la deuxième charité à Tours, il comprenait que la charité consiste à prendre la pauvreté du mendiant sur ses propres épaules. Endonnant au mendiant son vêtement, Martin se vêtit soi-même de la nudité du pauvre. Il prend la place même de cet homme, il continue l’échange que le Christ avait opéré, en prenant le péché des hommes à son propre compte. Jésus n’a pas revendiqué son droit d’être traité à l’égal de Dieu, mais il s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave (Philippiens 2,6‑7).Martin montre que cet inversement n’est pas réservé à la charité du Christ. Chaque chrétien peut entrer dans ce dépouillement en faveur des autres, chacun a le pouvoir d’enrichir les autres par sa propre pauvreté.

Pour le Christ, ce don total et définitif de lui-même l’a conduit jusqu’à la croix. Le don de Martin est plus modeste, évidemment. Mais c’est ce don-là précisément que Dieu a voulu et accrédité. Dieu a révélé au grand jour qu’il désire un don grandiose qui prend sur soi la pauvreté des autres, mais comme un don continuel dans la vie ordinaire. Il faut être prêt à se laisser dépouiller au jour le jour, jusque dans les plus petites choses.

[1]Vie, 2.

[2]Vie, 2.

[3]Vie, 3.

[4]Vie, 3.

[5] Lettre à Basula. Nous reviendrons sur cette parole plus loin, p. 14 et s.

[6]Vie, 25.

[7]Certains lecteurs de Sulpice ont déclaré que le manteau de Martin appartenait pour l’une moitié à lui, pour l’autre à César. Il s’agitlà, malheureusement, d’une lecture qui ne correspond pas à la loi romaine. Tout le manteau appartenait à Martin. Ces auteurs-là veulent pieusement tenir que Martin avait tout donné ce qu’il pouvait donner – impossible que le saint eut gardé une moitié pour soi.

[8]2e Dialogue, 1.

[9]2e Dialogue, 2.

Miséricorde !

Nous avons vu les deux grands actes de charité de Martin. Elles sont la pointe de l’iceberg d’un amour immense qui l’habite au plus profond de lui. Sa confiance dans la bonté du Seigneur est sans limites.

Un jour, le diable le tentait. Il prétendait « que les pécheurs ne peuvent obtenir leur pardon, et que le Seigneur n’a aucune indulgence, pour ceux qui une fois sont tombés », Martin s’écrie : « Si toi-même, misérable que tu es, tu cessais de tenter les hommes et si tu faisais pénitence de tes crimes, même en ce moment que le jour du jugement est proche, me confiant dans le Seigneur Jésus, je te promettrais miséricorde. »[1] La miséricorde du Seigneur est toute-puissante, Martin en est certain. Le diable même, s’il pouvait regretter sa malice, pourrait trouver grâce aux yeux de Dieu. D’ailleurs, Sulpice craint qu’il n’y ait d’erreur théologique dans l’exclamation du maître : espérer pour le diable, comment serait-ce possible ? Il conclut l’épisode, en la mettant au compte de la naïve bonté de Martin : « Oh, quelle sainte présomption de la miséricorde du Seigneur ! »

Or, il ne s’agit pas d’un évènement relatif à la démonologie – ne cherchons pas à faire dire à Martin ce qu’il ne dit pas. Non, l’essentiel du récit est la grandeur de l’espérance. C’est cette audace de Martin qu’il faut chercher à imiter, justement : là où il ya la moindre trace de repentir, le Seigneur pardonnera. Si grande est sa miséricorde. Rien et personne n’est exempt de la bonté de Dieu.[2]

A la miséricorde de Dieu correspond la miséricorde de Martin.

Nous avons déjà vu l’épisode des fonctionnaires enragés qui l’arrêtent sur le chemin et le frappent jusqu’au sang. Lorsqu’ils veulent repartir, leurs bêtes ne peuvent plus bouger de l’endroit – car Dieu est avec les siens et punit les méchants. Ils retournent donc vers celui qu’ils ont maltraité et qu’ils estiment justement être la cause de leur malheur. Ils le supplient de les délivrer de cette punition divine. Et Martin, sans plus attendre, « leur pardonna cependant avec bonté, et leur permit de continuer leur route avec leur équipage. »[3]Bonté naïve ? Peut-être. En tout cas, il s’agit d’une bonté qui a été éprouvée jusqu’au sang et qui tient bon.

Un autre jour, Brice, un disciple de Martin qui lui devait tout, accablait le maître d’outrages. Car celui-ci lui avait reproché sa nouvelle richesse, de tenir des chevaux et même des esclaves. Martin le supportait silencieusement, prend tout sur lui. Après le départ, il poursuit Brice de ses prières. Effectivement, Brice revient de sa fureur et implore le pardon du saint. Martin l’accepte à nouveau et regard son désir de conversion avec bienveillance. Rien « n’était plus facile à Martin que de pardonner à un suppliant ! »[4]

A ce point, nous constatons que les deux mêmes épisodes sont en rapport avec l’humilité de Martin. Il est vrai que dans les deux cas, l’humilité de Martin est effectivement la condition de sa miséricorde. Il se tient pour si petit qu’il ne peut pas être lésé. Du coup, il pardonne avec largesse.

Martin n’a pas seulement été un homme de pitié. Pasteur avant tout, Martin cherchait à imprégner tout son entourage de la miséricorde. Ainsi, par pitié avec les hommes, il implorait les grands d’avoir de la miséricorde avec les petits.

De cette manière, il venait vers comte de Tours, Avicien. Celui-ci était connu pour sa cruauté. Il alla faire périr plusieurs victimes. La veille de l’exécution, « Martin se prosterna sur le seuil de cette maison de sang ». Averti par des serviteurs, le régent cruel descendait et trouvait, effrayé, l’évêque de Tours devant sa porte. Avicien a tout de suite été convertit par la témérité de Martin. Il s’exclama : « Pourquoi agir ainsi ? Seigneur, je sais ce que vous désirez, je vois ce que vous demandez ; éloignez-vous de suite, afin que le feu de la colère céleste ne me consume pas, à cause de l’injure que je vous fais ; j’ai assez souffert jusqu’à présent ; croyez-le bien, ce n’est pas sans raison que je suis venu moi-même ici. »[5]

Miséricorde ! Ce que Martin vit lui-même, il cherche à l’étendre partout. Car la miséricorde est le « climat » fondamental du Royaume des cieux. Sulpice note que la pitié de Martin pour les petits s’étendait même jusqu’aux animaux. Emu par la fuite effrénée d’un lapinchassé par des chiens et fort de son pouvoir sur les créatures, il « ordonna aux chiens de cesser leur poursuite et de la laisser s’échapper ». [6] Ce que les chiens faisaient. Tout le monde se plie aux raisons du saint – et celui-ci n’a d’autres raisons que l’amour du Seigneur. Ce n’est pas de la sensibilité naïve qui gouverne ici. Le petit récit de chasse indique que la miséricorde occupe entièrement le cœur de Martin et qu’elle doit entièrement investir la vie de tous. La pitié doit régner, comme un climat, une ambiance de fond – de l’empereur, par les fonctionnaires jusqu’aux bêtes des champs. La création entière doit être ordonnée selon la miséricorde divine.

Nous découvrons Martin comme le champion de la miséricorde. Lui-même devait encore apprendre par un signe divin de faire miséricorde à lui-même. Effectivement, Martin s’affligeait un jour, puisqu’il était entré en communionavec un évêque de mauvaise conduite.[7] Se reprochant sa conduite, il était proche du désespoir. Alors, un ange lui apparut pour lui dire : « Martin, c’est avec raison que tu t’affliges, […] mais tu ne pouvais t’en tirer autrement ; ranime ton courage, afin de ne pas mettre maintenant en péril non ta gloire, mais ton salut. »[8] Ainsi, par le message de l’ange, Martin apprit qu’il devait appliquer la même pitiéà soi-même qu’il offrait si largement aux autres.

[1]Vie, 22.

[2] Il est vrai, cependant, que la damnation du diable est définitive. Cela non pas à cause de la rancune de Dieu, mais à cause de la nature angélique du diable. En tant que pur esprit, son choix contre Dieu est un choix définitif et irrévocable. Il est incapable de se repentir.

[3]2e Dialogue, 3.

[4]3e Dialogue, 15.

[5]3e Dialogue, 4.

[6]2e Dialogue, 9.

[7]3e Dialogue, 11. Il s’agit de l’évêque Ithacius.

[8]3e Dialogue, 13.

L’homme de Dieu

Jésus-Christ « glorifiait partout son saint serviteur, et réunissait sur un seul homme tous les dons de la grâce » : disciples sans nombre, acclamation de la foule pour le faire évêque, grâces de guérisons tout au long de son chemin.Il est une véritable lumière sur la montagne (cf. Matthieu 5, 14), s’il le veut ou non. Martin est un « véritable disciple du Christ »[1]. Ce disciple, Dieu l’expose au grand jour pour qu’il serve d’exemple à d’autres après lui.

Solitude bien-aimée

Comme disciple, Martin recherche constamment le cœur à cœur avec son maître. C’est pour cela qu’il cherche souvent la solitude. Pour l’obtenir, c’est souvent une lutte, mais celle-ci se paie. Martin s’arrache à l’esprit du monde, refuse la reconnaissance méritée etrenonce aux consolations. Par la solitude comme par la pauvreté, Martin tourne le dos au monde pour être à Dieu seul.

Dans sa Vie de saint Martin,Sulpice reprend comme un refrain la phrase : « et il se fit une solitude ». Chaque instant de sa vie a été marqué par cette solitude priante et volontaire.

Ainsi, pendant le retour en France, Martin s’arrêtait à Milan « où il se fit une solitude ».[2]Chassé de là par les outrages des ariens, « Martin, pensant qu’il fallait céder aux circonstances, se retira avec un prêtre très vertueux dans l’île Gallinaria » (ibid.).Après son retour auprès de Hilaire, « il se fit une solitude près de Poitiers ».[3]Un peu plus tard, devenu évêque et « importuné du grand nombre de visites qu’il y recevait, il se fit une solitude à peu près à deux milles de la ville ».[4] Il devait rester seul pour rester en communion avec Dieu. Sa véritable vie était l’échange continuel avec le Christ. Enraciné en Dieu, il pouvait être pleinement présent aux hommes, dans la charité que nous connaissons.

Ainsi, il pouvait accueillir des disciples auprès de lui. En premier arriva « un catéchumène, désirant être instruit par un si saint homme ».[5]Ainsi le premier monachisme occidental pouvait naître.

Martin devenait le père d’une multitude de disciples. Pourtant, il gardait le souci de sa solitude, jusqu’à la mort. Ainsi, « après avoir rétabli la concorde parmi les clercs [de Candes], il songeait déjà à retourner dans sa solitude, lorsque ses forces l’abandonnèrent. »[6]

Prier sans cesse et tout espérer de Dieu seul

La solitude était le moyen d’une vie d’union avec Dieu. Elle était remplie de prière. Jamais « on ne pourra décrire sa vie intérieure, sa manière d’employer chaque journée, son cœur incessamment appliqué à Dieu, la continuité de ses abstinences et de ses jeûnes, et le sage tempérament qu’il savait y apporter, la puissante efficacité de ses prières et de ses oraisons, les nuits qu’il employait comme les journées ; tout son temps, en un mot, dont pas un instant n’était donné au repos ni aux affaires de ce monde, était entièrement consacré, à l’œuvre de Dieu ».[7]

Sulpice pouvait noter en un mot :« son cœur priait toujours » (ibid.). Voilà ce que Martin était au milieu des hommes : un cœur d’homme tourné vers Dieu. Epris par Dieu, ému par les hommes, Martin était un véritable médiateur entre Dieu et les hommes, à la suite du Christ. A Dieu, il présentait les hommes, aux hommes, il apportait Dieu qui remplissait son cœur.

Martin attendait tout de Dieu et il avait raison d’espérer, car la prière d’un ami de Dieu est exaucée. Dans le combat contre le mal la prière est une arme.

Pour ressusciter une fille, « ayant recours à ses armes ordinaires, il se prosterne à terre et prie »[8] – et Dieu écoutait son serviteur. Pour obtenir la destruction d’un temple païen, alors que les habitants s’opposent, « il se retira dans un endroit voisin, et là, pendant trois jours, revêtu d’un cilice et couvert de cendres, jeûnant et priant, il suppliait le Seigneur de détruire ce temple par sa toute-puissance, puisque la main de l’homme n’avait pu le renverser. »[9] Et le Seigneur donne raison au destructeur des idoles.

A celui qui espère en lui, Dieu donne tout. Martin vivait profondément de cette vérité. Il avait compris qu’il devait tout recevoir de Dieuau lieu defrayer son chemin lui-même. L’excès de puissance vient de Dieu, non pas de nous (2 Corinthiens 4,7).

Cela, comme toujours, Martin devait l’apprendre par sa vie, pour le transmettre à tous. Une nuit, il était réveillé par le feu. « Martin lui-même me racontait en gémissant[dit Sulpice], que c’était par un artifice diabolique, qu’à l’instant de son réveil il n’avait pas eu la pensée de repousser le danger par la foi et la prière ; qu’enfin il avait senti l’ardeur des flammes jusqu’au moment où, rempli de frayeur, il s’était précipité vers la porte ; mais qu’aussitôt qu’il avait eu recours au signe de la croix et aux armes puissantes de la prière, les flammes s’étaient retirées, et qu’après lui avoir fait sentir leurs cruelles atteintes, elles s’étaient ensuite transformées en une douce rosée. Que celui qui lira ces lignes comprenne que si ce danger a été pour Martin une tentation, il a été aussi une épreuve de Dieu ».[10]

Habité par la force de Dieu

Puisqu’il est continuellement présent à Dieu, Martin dispose d’une assurance immense devant les hommes. Sa confiance est fondée sur un Dieu qui peut tout.

Lors d’une de ses marches solitaires, il avait été enlevé par des brigands qui menacent sa vie. Interrogé par un de ceux-ci s’il avait peur, « Martin répondit […] avec courage qu’il n’avait jamais été plus tranquille, parce qu’il savait que la miséricorde du Seigneur ne lui ferait jamais défaut, surtout dans les épreuves, et que c’était plutôt lui qu’il plaignait, puisque le brigandage auquel il se livrait le rendait indigne de la miséricorde de Dieu. Puis, commençant à développer la doctrine de l’Évangile ; il prêcha au voleur la parole de Dieu ».[11]Par sa force calme et patiente, il impressionnait à tel point le brigand que celui-ci se convertit et alla lui-même rapporter l’histoire à Sulpice.

A ce point, nous ne pouvons pas passer sous silence le fameux « pari » de Martin pour abattre un arbre sacré.Martin projetait de renversercet arbre que des païens adoraient. Ceux-ci acceptaient de le couper eux-mêmes, si Martin voulait bien se faire attacher – au lieu, évidemment, où ils allaient envoyer l’arbre. Et Martin, « se confiant dans le Seigneur, demeure ferme et exempt de toute crainte ».[12]Il vit ce qu’il dit : « Le Seigneur est mon appui, je n’ai rien à craindre des hommes ».[13]

[1]3e Dialogue, 10.
[2]Vie, 6.
[3]Vie, 7.
[4]Vie, 10.
[5]Vie, 6.
[6] Lettre à Bassula.
[7]Vie, 26.
[8]Vie, 16. Même démarche priante pour éloigner le diable : « revêtu d’un cilice, couvert de cendres, il se prosternait au milieu de l’église pour prier », avant de chasser les démons (3e Dialogue, 6).
[9]Vie, 14. Cf. aussi le 3e Dialogue, 8. De la même manière, pour parvenir à parler avec l’empereur et « après avoir fait plusieurs tentatives inutiles pour pénétrer chez ce prince orgueilleux, [Martin] eut recours à ses armes ordinaires ; il se revêtit d’un cilice, se couvrit de cendres, s’abstint de boire et de manger ; et pria jour et nuit. Le septième jour, un ange lui apparut et lui ordonna de se rendre avec confiance au palais » (2e Dialogue, 5) où il rencontra effectivement l’empereur.
[10]Lettre au prêtre Eusèbe.
[11]Vie, 5.
[12]Vie, 13.
[13]Vie, 6. Ce qu’il dit au sujet du diable, par ailleurs.

Père et pasteur, prêtre et évêque

L’influence que Martin a exercée sur ses contemporains et sur des disciples au fil des siècles est immense. Elle ne se fonde pas seulement sur sa sainteté rayonnante et sa charité exemplaire. Martin a été pour beaucoup un véritable père dans la foi. Il a amené des foules au Christ et les a introduites dans cette amitié qu’il vivait lui-même au plus haut degré.

« Nous savons que tu es l’ami de Dieu »[1], disait une femme qui attendait une guérison de Martin. Un converti pouvait même l’appeler « l’auteur de son salut ».[2]Et ses prêtres, à l’heure de sa mort, disaient : « Ô tendre père ! » Ils se sentaient désemparés, car « si le pasteur est frappé, qui pourra le défendre ? »[3]

Devant ce chœur d’une louange filiale, Martin ne pouvait pas rester insensible. Il débordait d’amour pour ces gens qu’il savait tant aimés du Christ. Par humilité, il voulait cacher la puissance miraculeuse que Dieu lui donnait. Mais plus fort que l’humilité était en lui son « amour paternel »[4] – on dirait plus justement aujourd’hui : sa « charité pastorale », cette vertu surnaturelle du prêtre que Martin possédait à un degré éminent. En appelant àcette charité, on pouvait toujours faire agir Martin.

Chef intrépide et homme du discernement

Une fois appelé à la charge, l’appel devient pour lui un devoir. Martin se montre intrépide dans la défense des droits de Dieu et des droits de l’Eglise. Dans la discussion avec les puissants, il fait preuve de fermeté, « refusant de s’humilier jusqu’à aduler le pouvoir impérial. »

Sulpice rapporte en particulier l’histoire d’un repas à la table de l’empereur : celui-ci lui faisait passer la coupe de vin en premier, espérant la recevoir ensuite des mains du saint.« Mais Martin, après avoir bu, passa la coupe à son prêtre, ne trouvant personne plus digne de boire le premier après lui, et croyant manquer à son devoir en préférât au prêtre soit l’empereur, soit le plus élevé en dignité après lui. L’empereur et tous les assistants admirèrent tellement cette action, que le mépris qu’il avait montré pour eux fût précisément ce qui leur plut davantage. Le bruit se répandit dans tout le palais que Martin avait fait à la table de l’empereur ce qu’aucun évêque n’aurait osé faire à la table des juges les moins puissants. »[5]

Celui qui craint Dieu, n’a rien à craindre des créatures, ni de l’empereur, ni même du diable. Aux démons, il commande en maître. A Tours, lors d’une panique autour d’une guerre imminente, il « se fit amener un démoniaque, et lui commanda de dire si cette nouvelle était vraie »[6]. Elle ne l’était pas, par ailleurs. Son esprit, méfiant contre l’hystérie et l’éclat de grandes nouvelles, a eu raison une fois de plus.

Aussi, il ne se laissait pas convaincre par le diable qui tentait de faire passer un moine vaniteux pour un saint. Le démon l’avait drapé d’une robe resplendissante. Au moment où Martin allait apparaître, le diable ne pouvait plus « dissimuler plus longtemps son artifice ».[7]Martin est à tel point un homme de vérité et de véracité qu’il en rayonne. Le mensonge du diable, face à ce destructeur des mensonges, s’évanouit. L’ombre fait place à la lumière.

Notons aussi son gouvernement prudent. Martinexamine soigneusement les pratiques religieuses de son peuple, « n’ajoutant point foi légèrement à des traditions incertaines ». Sa prière assidue l’éclairait pour prendre de justes décisions, comme par exemple le rejet d’un prétendu martyr qu’il révélait comme une autre feinte du démon.[8]

En tout cela, Martin ne suit aucune doctrine. Sa logique est celle d’une âme docile aux idées de l’Esprit. Forte de cette inspiration, le saint devenait l’homme du discernement par excellence. Sa charité et l’intensité de sa prière lui donnaient un sens aigu du bien et du mal, de l’œuvre de Dieu et de l’œuvre du diable. Il était tellement familier de la volonté de Dieu qu’il voyait tout de suite si quelqu’un travaillait pour Dieu ou pour sa propre gloire.

Destructeur des idoles

Une des grandes œuvres de cet homme de vérité est la destruction des faux temples. Comme pasteur, il devait empêcher le peuple de courir à sa propre perte. Pour l’adoration du vrai Dieu, Martin était prêt à payer un prix très élevé.

Le récit de l’arbre sacré est connu. Lorsque Martin veut abattre cette idole, un homme audacieux lui oppose : « Si tu as quelque confiance dans le Dieu que tu sers, nous abattrons nous-mêmes cet arbre ; consens à le laisser tomber sur toi, et si, comme tu le dis, tu es protégé par ton Dieu, tu n’éprouveras aucun mal. »Alors Martin remettait sa vie au Seigneur. Pour gagner les cœurs de ces hommes à Dieu, il fallait aller jusqu’au sacrifice de la vie. Avec confiance, il se laissait attacher à l’endroit où l’arbre tombera. « Tout à coup le pin éclate avec fracas, tombe, et se précipite sur Martin, qui, élevant la main, lui oppose le signe du salut. Aussitôt, comme s’il eût été repoussé par un tourbillon impétueux, l’arbre se retourne et va tomber de l’autre côté, où il manque de renverser les paysans qui s’y croyaient fort en sûreté. Les païens, frappés de ce miracle, poussent de grands cris ; les moines pleurent de joie ; les louanges du Christ sont dans toutes les bouches. Ce jour-là fut assurément un jour de salut pour ce pays : car il n’y eut personne, dans cette immense multitude de païens, qui ne demandât aussitôt l’imposition des mains. »[9]

L’outil principal contre les fausses croyances restait sa parole. De temps à autre, il fallait éblouir les incrédules avec l’éclat de la puissance divine. Mais « la plupart du temps, lorsque les paysans s’opposaient à la destruction de leurs temples, il touchait tellement leurs cœurs en leur annonçant la parole de Dieu, qu’éclairés de la lumière de la vérité, ils les renversaient de leurs propres mains ».[10]

Prédication pour le cœur

Quelle est cette prédication qui touchait les cœurs au point qu’ils s’arrachaient aux idoles pour embrasser sans hésitation le Christ ?

Martin « avait toujours le nom du Christ sur les lèvres »[11] et « répétait souvent le nom de la croix, qui lui était si familier ».[12] Naturellement, la bouche parle de ce dont le cœur est plein (Matthieu 12, 34).Il adorait ce Christ qui s’était livré pour lui et pour tous. Ceux qui rencontraient cet homme puissant, sentaient vite que son cœur était fermement attachéàJésus-Christ ; qu’il était définitivement soumis à Dieu ; qu’il ne cherchait rien pour soi, mais toute gloire pour son maître.

Sulpice a transmis quelques propos spirituels de Martin, qui contiennent un message moral par une image de la nature, pour la plupart.[13]  Ce sont des paroles d’un homme qui n’est pas hanté de conquérir des âmes par desfinesses d’esprit. Pourtant – Sulpice, intellectuel et historien s’exclame : « je n’ai jamais vu tant de science et tant d’intelligence, un langage plus éloquent et plus pur. Quoique pour un saint comme Martin de pareils éloges aient bien peu de valeur, n’est-il pas étonnant qu’un homme sans lettres ait possédé même ces qualités ? »[14]

Il n’y a rien à apprendre de Martin si ce n’est la puissance d’un cœur amoureux de Jésus.

Formation des disciples

Martin n’a pas cherché à faire école. C’est malgré lui que des disciples sont venus le tirer de sa solitude. Il les acceptait pour l’amour de Dieu. Mais quel effet sur les âmes ! A Marmoutier, où il se retirait dès le début de l’épiscopat, il y avait « quatre-vingts disciples, qui s’y formaient sur les exemples de leur bienheureux maître. […] et quelle ville, ou quelle Église, ne se réjouirait pas d’avoir, un évêque sorti du monastère de saint Martin ? »[15]

Un seul enseignement tenait Martin à cœur : sous sa conduite, ceux qui venaientdevaient vaincre le monde.[16] Il ne leur apprenait la même chose qu’il s’appliquait à soi-même : il faut quitter le monde pour trouver Dieu. Généreusement devenir pauvre ; chercher le silence de la solitude ; ne jamais refuser le travail que Dieu demande.

[1]2e Dialogue, 4.
[2]Vie, 17.
[3]Lettre à Bassula.
[4]3e Dialogue, 2.
[5]Vie, 20.
[6]Vie, 18.
[7]Vie, 23.
[8]Vie, 11.
[9]Vie, 13. Une autre destruction miraculeuse du même genre est rapportée en Vie, 14.
[10]Vie, 15.
[11]Vie, 27.
[12]Lettre au diacre Aurélius.
[13] Par exemple : « Apercevant une brebis qu’on venait de tondre, il dit : ‘Elle a accompli le précepte de l’Évangile ; elle avait deux tuniques, elle en a donné une à celui qui n’en avait pas : c’est aussi ce que vous devez faire.’ » (2e Dialogue, 10)
[14]Vie, 25.
[15]Vie, 10.
[16] Cf. Lettre à Bassula.

Travail infatigable et obéissance totale

Toutes ces qualités de Martin que nous avons vues sont portées, dans sa vie, par une attitude de fond : son don total de soi-même. Martin est un travailleur infatigable, un véritable « soldat du Christ »[1].

Effectivement, il avait quitté l’armée et ne restait « soldat que de nom ».[2] Qu’il soit moine ou évêque, il reste toujours soldat, portant ses armes spirituelles à la main. Ainsi, il peut proclamer sur son lit de mort : « je combattrai sous vos drapeaux aussi longtemps que vous me l’ordonnerez. »[3]

En tout travail qu’on lui impose, Martin découvrait la volonté de Dieu. Chassé de la ville de Milan, il y discerne une raison de se faire une solitude dans une île déserte ; tiré de sa solitude bien-aimée pour devenir évêque malgré lui, il prend la charge à bras-le-corps et devient le véritable pasteur du troupeau. « Homme étonnant, paradoxal même : il n’a jamais réalisé ce qu’il souhaitait, et pourtant ses réalisations dépassent tout ce qu’il aurait pu espérer – à commencer par son extraordinaire, son incomparable popularité, lui qui avait toujours tenté de passer inaperçu. Il voulait être ermite, fuir le monde et pratiquer l’ascèse ; or il fut constamment entouré, pendant sa vie et après sa mort […]. Il avait fui le siècle et cherché l’obscurité, or on composa sa biographie alors qu’il vivait encore ! »[4]

Nous avons vu en Martin un homme qui abandonne ses biens extérieurs et ses biens intérieurs, qui aime la pauvreté et sa propre humiliation. Nous le voyons maintenant, constamment à la tâche. Dans un don de soi total, il se donnait tout entier à Dieu et aux autres. Sa vie entière est marquée par la phrase qu’il prononcera sur son lit de mort seulement : je ne refuse pas le travail. « ‘Seigneur, s’écria-t-il, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail : que votre volonté soit faite’ […]. Ne semblait-il pas lui dire : Seigneur, j’ai livré de rudes combats sur la terre n’est-il donc pas temps que je jouisse du repos ? Si pourtant vous me commandez de combattre encore devant le camp d’Israël pour la défense de votre peuple ; je ne refuse pas le travail ; non, mon grand âge ne m’arrêtera pas, je remplirai mon devoir avec zèle ; je combattrai sous vos drapeaux aussi longtemps que vous me l’ordonnerez ».[5]Il consacre tout son temps et toute sa volonté au travail pour le peuple de Dieu. Il est vraiment ce « soldat du Christ » qui travaille sous les ordres du Fils de l’homme. Nous retrouvons chez lui le même abandon que chez saint Paul : Pour moi, certes, la vie c’est le Christ et mourir est un gain. Cependant, si la vie dans cette chair doit me permettre encore un fructueux travail, j’hésite à faire un choix. … Je sais que je vais rester et demeurer près de vous tous pour votre avancement et la joie de votre foi (Philippiens1,21-25). Embrasés par l’amour du Christ, l’un et l’autre s’abandonnent. Ils donnent tout, sans s’arrêter, sans se regarder, mais la seule raison de faire la volonté de Dieu.

En disant son « Je ne refuse pas le travail », Martin se met exactement à l’opposé du « Je ne servirai pas »[6] du diable. Le diable refuse d’accomplir les ordres de Dieu. Martin, au contraire, n’a pas d’autre raison que la volonté de Dieu, au point de ne jamais réaliser ce qu’il voulait, rien que la seule volonté de Dieu.

Il ne faut surtout pas sous-estimer l’importance de cette attitude du service absolu. Le mot de Martin, « Je ne refuse pas le travail », a été repris de nos jours, avec une vigueur particulière, par sainte Mère Teresa : « Jésus, j’accepte tout ce que tu donnes ; et je te donne tout ce que tu prends ».[7] Pour quelle raison devons-nous nous donner et nous abandonner à Dieu ? « Car Dieu s’est donné à nous lui-même. Si Dieu qui ne nous doit rien est prêt de nous donner rien d’autre que soi-même, comment pouvons-nous y répondre avec une part de nous-même seulement ? Nous donner nous-même à Dieu est un chemin pour recevoir Dieu lui-même. Moi-même pour Dieu et Dieu pour moi. Je vis pour Dieu et abandonne mon moi, et ainsi je pousse Dieu à vivre en moi. Ainsi, pour posséder Dieu, nous devons lui permettre de prendre possession de notre âme. »[8]

Conclusion

Sulpice a raison que « jamais on ne pourra décrire la vie intérieure »[9] de Martin. A quel point, cette âme est vouée à Dieu ? Nous sommes là devant un amour insondable qu’on ne peut pas analyser, mais chercher à imiter seulement.

Mais nous pouvons regarder l’amour paternel de Martin, sa « charité pastorale ». A travers les siècles, nous sentons encore ce regard chaleureux qu’il posa sur les gens, toujours prêt à laisser tout pour être à leur service. Je ne refuse pas le travail … La charité, Martin l’a vécue pour nous. Le Christ lui est apparu, pour accréditer son serviteur à nos yeux, aujourd’hui encore. Afin qu’à sa suite, nous courrons à donner à chacun ce qu’il lui faut, pour satisfaire l’immense amour du Christ.

[1]Vie, 4. Cf. aussi le 1er Dialogue, 24.
[2]Vie, 3.
[3]Lettre à Bassula. Il s’agit d’un discours fictif.
[4] R. Pernoud, Martin de Tours, 1996, p.7.
[5]Lettre à Bassula.
[6] Cf. Jérémie 2,20.
[7] Cf. Mère Teresa, Viens, sois ma lumière, ch. 10.
[8]Ibid., ch. 2. Nous retrouvons encore la même idée chez Saint Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans son Acte d’ « Offrande de moi-même », Œuvres complètes, Pri 6.
[9]Vie, 26.