L’Évangéliaire écrin & Signe du Verbe fait Chair

Ce travail est le fruit de l‘Ecole de Théologie de la Comunauté Saint Martin. Il s’agit d‘une présentation de la liturgie dans tous ses objets, ceux-ci étant utilisés par les prêtres lors des cérémonies religieuses. Cette présentation a aussi une dimension culturelle visant à promouvoir l’art sacré.

Origines

Héritière de la liturgie synagogale, l’Église a toujours donné une place importante à la lecture de la Parole de Dieu dans la liturgie de la messe. Les lectures se firent d’abord dans la Bible directement. Le président de l’assemblée choisissait les passages à lire ; il arrêtait le lecteur quand il le jugeait à propos pour pouvoir en donner son commentaire.Plus tard, jusqu’au VIIème s., il y eut pour chaque dimanche et pour chaque fête un texte assigné. Puis on en vint à découper les leçons (passages choisis) des divers jours de l’année en les rassemblant dans un évangéliaire pour les évangiles, et dans un lectionnaire pour le reste des lectures.

Description et signification

Le lectionnaire garda toujours une certaine simplicité. Mais l’évangéliaire fut dès la période patristique, de tous les livres liturgiques, le plus vénéré et le plus orné. Il représente le Christ, Verbe fait chair, présent et enseignant au milieu de l’Église réunie.L’évangéliaire reçoit les mêmes honneurs que l’Eucharistie: encens, flambeaux, baisers et révérences. Chanter l’évangile est, dès le VIème s., réservé aux diacres. Un ambon spécial est dressé dans le choeur à gauche de l’autel. L’évangéliaire est porté en procession, déposé sur l’autel pour signifier son identité avec le Christ, on le conserve dans des armoires précieuses.Dès les premiers temps du moyen-âge, les moines se plurent à en faire des merveilles de calligraphie, de miniature et d’enluminure. Les reliures étaient d’orfèvrerie, d’émaillerie et d’ivoire sculpté.Une boite (capsa) de pareille beauté lui fut confectionnée. Rien n’est mis de côté pour signifier la place de l’évangile dans la liturgie.

Utilisation au cours de la messe

Lorsque le diacre se prépare à proclamer l’évangile, il reçoit une bénédiction du célébrant : « Dóminus sit in corde tuo et in lábiis tuis : ut digne et competénter annúnties Evangélium suum : in nómine Patris, et Fílii, et Spíritus Sancti » (Que le Seigneur soit dans votre coeur et sur vos lèvres : afin que vous proclamiez son Évangile avec dignité et compétence). À défaut de diacre, le prêtre s’incline devant l’autel et demande tout bas, pour lui-même : « Munda cor meum ac lábia mea, omnípotens Deus, ut sanctum Evangélium tuum digne váleam nuntiáre » (Dieu tout puissant, purifie mon cœur et mes lèvres pour que je puisse proclamer dignement ton Évangile). Proclamer l’évangile exige une dignité qui ne peut être reçue que de Dieu Evangéliaire de Saint-Riquier (794) seul. Cela demande une purification de l’âme et du corps, tels les charbons ardents purifiant les lèvres du prophète Isaïe (Is 6, 6- 7), afin d’être un bon instrument pour servir la Parole de Dieu et ceux qui l’entendent. Pour signifier que c’est le Christ Lui-même que nous vénérons à travers l’évangéliaire, celui-ci est porté de l’autel à l’ambon en procession, précédé des acolytes et du thuriféraire. Tous se lèvent sur son passage, et demeureront tournés dans sa direction. Cette procession mimant en quelque sorte la venue du Verbe a été très développée en maints endroits, comme dans le rite lyonnais ou dans la « petite entrée » des rites orientaux (cf. ci-dessous). La Tradition a mis en avant la forme chantée de la proclamation de l’évangile, avec un ton plus orné que pour les lectures afin d’en solenniser l’action liturgique et de manifester l’origine divine de la parole proclamée. La lecture de l’évangile est introduite par le dialogue avec la foule et l’annonce de la leçon. Le peuple debout, tourné vers le ministre, répond « Gloria tibi Domine » – « Gloire à toi, Seigneur ! » — pour signifier que l’enseignement qu’il s’apprête à recevoir sort de la bouche-même du Christ. La liturgie grecque prévoit même l’injonction significative : « La Sagesse ! Debout ! ». Tous se marquent alors d’une croix sur le front, la bouche et la poitrine afin de signifier que l’Évangile nous est transmis en vue du témoignage et comment nous devons le garder dans le coeur et l’esprit. Enfin le diacre encense l’évangéliaire. Quand le chant est terminé, la foule s’adresse au Christ par une acclamation de louange pendant que, tout bas, le prêtre prononce ces paroles en même temps qu’il embrasse la page de la leçon : « Per evangélica dicta deleántur nostra delícta » (Que par ces paroles d’évangile nos fautes soient effacées). L’évangéliaire incarne vraiment ici le Christ qui a les paroles de la vie et du salut.

 

La Passion de Notre Seigneur : une exception liturgique

La liturgie du chant de l’évangile connait une exception : la lecture de la Passion au cours de la Semaine Sainte. À cause de la longueur du texte et pour permettre de mieux revivre intérieurement les événements de la Passion, sont lues ou chantées par des voix différentes les paroles de Notre Seigneur, du Chroniste (narrateur) et des autres individus (rassemblés sous le nom de “Synagogue”). Ce partage est attesté dès le IXème s. dans l’évangéliaire de Gannat. Le chant de l’évangile est prévu pour trois diacres, mais à défaut le curé pourra demander l’aide d’un lecteur institué. La proclamation se fait d’une manière très sobre, sans encens ni flambeaux, et commence directement après l’annonce sans même se signer. Au récit de la mort du Christ, tous s’agenouillent. À la fin, aucun livre n’est embrassé.