Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« IL FAUT SAVOIR ENTRER DANS LE SILENCE DE DIEU POUR DIRE DIEU ! »

Lectio divina pour la Saint Jean-Baptiste

Samedi 23 Juin : Ordinations sacerdotales et diaconales à la Communauté Saint Martin comme dans beaucoup de diocèses et instituts. Dimanche 24 Juin : L’Église universelle célèbre le Précurseur. Quel enseignement peut-on tirer du Précurseur de l’Unique Prêtre pour les prêtres appelés à « remplacer l’Irremplaçable » selon la belle formule de saint Jean Paul II ?

« Remplacer l’Irremplaçable… »

Je relèverai le double paradoxe que l’Écriture et la tradition artistique nous présentent.

Premier paradoxe : celui qui est chargé de la plus importante mission prophétique de l’histoire puisqu’il s’agit d’annoncer la venue rédemptrice de Dieu, le Précurseur, commence par partir au désert pour vivre dans le silence de solitude.

Deuxième paradoxe : ce même Précurseur, qui verra et désignera l’Agneau de Dieu reconnu en ce Jésus venu se faire baptiser, est représenté dans la si belle statuaire de Chartres, avec les yeux fermés. S’ils sont fermés vers l’extérieur, du moins le sculpteur médiéval nous les suggère-t-il bien ouverts vers l’intérieur… Vers l’âme de Jean devenue contemplative à force de n’être à l’écoute de Dieu seul, en son désert justement…

Voilà la belle leçon que nous pouvons proposer pour des pasteurs et des futurs pasteurs en ce Dimanche où l’Église célèbre la naissance de Jean.

« Le Seigneur m’a appelé, il a prononcé mon nom… »

Arrêtons-nous sur ces attitudes apparemment si peu appropriées à la mission que le Seigneur lui confie. Il nous faut méditer sur le fait qu’être l’envoyé de Dieu pour annoncer Son Amour aux hommes demande en premier lieu d’expérimenter soi-même cet Amour de manière absolument unique et non pas seulement de manière marginale, en passant…

Il faut que l’expérience de ce Dieu dont le pasteur comme le prophète aura à parler, soit une expérience fondatrice de son être. D’où le sens profond des paroles d’Isaïe : « Le Seigneur m’a appelé ; il a prononcé mon nom alors que j’étais dans les entrailles de ma mère. »

« J’ai du prix aux yeux du Seigneur… »

Au delà de la vérité métaphysique que chaque être créé est le fruit d’un amoureux projet de Dieu, le texte prophétique dans la bouche de Jean signifie la prise de conscience par le Baptiste qu’il est aimé de manière absolue et unique par le Dieu vivant qui a prononcé son nom, c’est à dire qui est venu à lui comme un époux vient à son épouse. D’où encore le sens absolu que l’on peut donner à ces autres paroles d’alliance données par le prophète : « J’ai du prix aux yeux du Seigneur… »

Nous comprenons bien que cette expérience de l’Amour de Dieu est le fruit d’une grâce divine et non la conséquence de l’unique effort volontaire de l’homme.

« Il fait de moi sa flèche préférée… »

Il est aussi évident que cet Amour, s’il est absolument personnel et incommunicable (comme tout amour d’amitié ou conjugal), est cependant fait pour être proclamé et chanté : « Il a fait de ma bouche une épée tranchante… il fait de moi sa flèche préférée… »

Comme on le voit dans la mythologie, la flèche dont il est question n’est pas tant celle du combat que celle de l’Amour avec lequel Dieu veut transfixer les âmes de Ses enfants. Cela peut être douloureux comme le montrent les expériences des mystiques.

Mais ce chemin est tracé par le Christ dont le Cœur, transpercé par la lance romaine, l’est d’abord à cause de l’Amour qu’Il porte à Son Père et à Ses frères : « Père entre tes mains je remets mon esprit… Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

« Eli, Eli lema sabachtani… »

On aura remarqué que ces paroles de Jésus, pleines d’amour et de pardon, sont prononcées en réponse au… grand silence du Père. Jésus, l’Envoyé, est aussi entré dans le désert nécessaire pour goûter maximalement l’expérience de l’Amour divin.

Non seulement désert de la Tentation au début de Sa vie publique, mais plus encore désert de la Croix. Bien que Juste et Innocent, le Père laisse Son Fils mourir, Le condamnant définitivement par Son silence alors que, selon la prière même des Juifs moqueurs, un miracle aurait suffit à sauver le Fils…

« Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

C’est donc bien dans un silence de solitude absolue que le Christ expérimente de manière mystérieuse l’Amour du Père pour les hommes et donc pour Lui. C’est de cette expérience unique que surgira la parole salvatrice qui raccroche Ses propres assassins à la Vie divine par le pont du pardon offert !

Ce paradoxe du silence source de la Parole salvatrice, nous le trouvons déjà en Jean, non plus au moment de sa naissance et de son départ au désert, mais au temps de son emprisonnement. Jean, alors enfermé à Machéronte, envoie des disciples questionner Jésus sur Sa messianité. Jésus ne répond qu’en citant la Parole : « Allez dire à Jean ce que vous voyez : les sourds entendent, les boiteux marchent, les aveugles voient… » Jean devra se contenter de recevoir ces paroles bibliques, de les faire descendre dans le silence de son cœur, au cœur du silence de sa cellule.

C’est ainsi qu’il témoignera qu’il est le plus grand des enfants des hommes, préparant le Christ à le suivre aussi jusque dans ce martyr, dans ce témoignage de l’Amour divin reçu et expérimenté.

« Venez et voyez. »

Comme nous l’avons déjà souligné, Jean est aussi celui qui voit. Une vision de foi qui transperce la Personne de son cousin. Cette vision n’est pas qu’humaine et elle trouve sa source dans l’union à Dieu que manifeste le regard tout intérieur de Jean.

Au désert, Jean entre en lui pour y découvrir la lumière de Celui qui l’habite entièrement car il s’est laissé prendre par Son amour. Avant l’autre Jean, l’évangéliste, il fait l’expérience du venir et de la vision : « Venez et voyez. » 

D’où la parole rapportée par Isaïe : « Je vais faire de toi la lumière des nations. » C’est cette lumière qui vient du fond de Dieu et est déposée en Jean qui sortira de lui pour désigner l’Agneau qui enlève les péchés du monde.

C’est cette même divine Source de lumière qui permettra à Jean de voir la Colombe descendre sur Jésus et reposer sur Lui, comme signe de l’onction amoureuse du Père, l’Esprit : « Celui-ci est le Fils de ma complaisance, en qui j’ai mis tout mon amour. »

C’est enfin cette lumière qui fera comprendre à Jean que l’obscurité de Machéronte ne doit pas se confondre avec l’abandon de Dieu.

« C’est dans ta lumière que nous verrons la lumière. »

En faisant sa réponse aux envoyés de Jean, Jésus qui est la Lumière, se manifeste à la lumière de Jean, pour reprendre l’expression du psaume : « C’est dans ta lumière que nous verrons la lumière. »

C’est cette rencontre lumineuse qui fait comprendre à Jean le chemin de la Vie qui est aussi le chemin de la croix : le sien avant de devenir celui du Christ : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Jean l’a dit au profit de Jésus ; Jésus le dit au profit du Père : « Père glorifie ton fils afin que ton fils te glorifie. »

« La filialité, c’est la richesse du pauvre ! »

Nous savons que cette gloire n’est pas humaine ; c’est la gloire de Dieu, celle que le Christ avait auprès du Père, c’est donc la gloire de la filiation. Comme le rappelait le Père Valensin : « Quand je me présenterai devant Dieu et qu’Il me demandera ce que j’ai fait, je lui répondrai : ‘j’ai cru en mon Père’. La filialité, c’est la richesse du pauvre. »

Bien qu’il soit de l’Ancienne Alliance, ce qui fait la grandeur du Baptiste, celui que le Christ dénomme en effet, « le plus grand des enfants… des hommes », c’est d’avoir montré à tous, au Christ d’abord et à nous ensuite, ce qu’être enfant de Dieu veut dire…

Demandons à Jean Baptiste de comprendre combien il faut savoir entrer dans le Silence de Dieu pour dire Dieu ; et combien il faut savoir regarder Sa Présence intime dans l’âme pour pouvoir Le voir au cœur du monde et Le montrer à l’homme. Que cela soit l’éthique spirituelle des jeunes prêtres tout fraîchement ordonnés !…

Que la lumière du Précurseur nous accompagne durant l’été et nous prépare à contempler le triomphe céleste de l’humble Vierge, notre Mère Marie !
Dans cette perspective enthousiasmante, je vous souhaite de bonnes vacances en vous suggérant de ne pas oublier que : « in deo vera quies » : on ne se repose bien qu’en Dieu !
Et nous nous retrouverons à la rentrée !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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