Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Viens Seigneur Jésus ! »

Lectio divina pour le premier dimanche de l’Avent

Nous voilà au premier dimanche de l’Avent, premier dimanche de l’Année Liturgique nouvelle. Qu’est-ce que l’Avent ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Peut-être que pour certains, l’Avent signifie avant Noël. Avant… Après… Eh bien non, ce n’est pas cela ! L’Avent, cela veut dire l’Avènement, et par transposition du sens, l’Avent, c’est l’attente de l’avènement. Alors une question se pose : Que peut attendre l’homme ? Et est-il même en droit d’attendre quelque chose ?

Oui, l’homme est en attente, et légitimement encore ! La meilleure preuve se trouve dans la Révélation de l’Ancien Testament. On s’aperçoit que toutes les Paroles de Dieu y sont comme un Avent ; plus exactement elles préparent les hommes à un Avènement.

« Vers Toi, j’élève mon âme, Seigneur… »

La révélation de l’Ancien Testament est la double promesse de la présence d’un Libérateur pour établir un monde nouveau, le tout formant ce que l’on appelle l’eschatologie.

L’eschatologie, c’est la venue du Messie, envoyé de Yahvé pour instaurer le règne de Dieu : un monde de lumière, un monde de paix, un monde d’unité comme le décrit le Prophète Isaïe, et comme veut le dire le nom de Jérusalem, la Ville de la Paix, la Ville où « Tout se tient ensemble », la ville où réside Yahvé : « Ta lumière ne sera plus le soleil, ni la lune, mais sera ton Dieu. »

L’esprit de l’Ancienne Alliance est un esprit d’Avent. A tel point que l’on ne peut comprendre l’Ancien Testament en dehors de cette tension de toute l’humanité, représentée par le peuple juif, de cette attente du Libérateur et du monde de Paix.

« Vers Toi, j’élève mon âme, Seigneur… » ainsi que le chante l’Introït grégorien du premier dimanche de l’Avent. Voilà qu’après avoir reçu de Dieu ces paroles inspirées du Psaume 24, les hommes expriment avec elles cette espérance de la venue du Sauveur.

« Et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous. »

Mais pour nous qui faisons partie de l’économie nouvelle, y a-t-il encore une attente ?( ) Oui et il est essentiel d’en comprendre le sens.

Cette attente est à la fois identique et différente de l’attente de l’Ancien Testament.( ) Nous aussi nous attendons le monde nouveau. Nous aussi, hommes d’aujourd’hui, de la Nouvelle Alliance, nous sommes tendus vers cette espérance d’un monde de Paix, de Lumière, d’un monde façonné par l’évangile… Mais, à la différence des hommes de l’Ancienne Alliance, nous savons que ce monde nouveau est déjà commencé, que l’eschatologie est déjà présente au cœur de notre terre comme au cœur même de chacun : « Et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous. »

Notre attente diffère donc de celle des hommes de l’Ancien Testament. Car ce n’est pas l’attente du commencement, mais c’est l’attente de la plénitude, de l’accomplissement dans la perfection du monde de Dieu. Ce qui fait que nous, hommes de l’Eglise d’aujourd’hui, utilisons les mêmes paroles que celles des justes de l’Ancien Testament, ce même psaume 24ème : « Vers Toi Seigneur j’élève mon âme », mais avec une force nouvelle : l’espérance de la plénitude eschatologique du Royaume de Dieu qui a été fécondé sur terre il y a 2000 ans par l’Incarnation de ce Verbe ayant pris notre chair…

Mais alors, direz-vous, pourquoi célébrer Noël si notre vie d’homme d’aujourd’hui, après la naissance du Christ, est une attente de la plénitude eschatologique ? Dit autrement, si nous sommes en attente de la Parousie, du parachèvement du Royaume de Dieu, pourquoi célébrer cette fête du passé qu’est Noël ? Et pourquoi nous y préparer si solennellement par l’Avent ?

« Qui me voit, voit le Père. »

Nous célébrons Noël d’abord parce que nous sommes heureux de célébrer chaque année l’anniversaire de cet instant inouï où Dieu se fait homme pour que l’homme soit Dieu ! Nous sommes heureux de nous commémorer cette seconde où, dans la grotte de Bethléem, le Fils de Dieu a pris notre nature humaine, pour que l’homme soit divinisé.

Nous célébrons Noël aussi pour contempler à travers ce mystère du Fils de Dieu les vertus intérieures et contenues dans cet acte : le dépouillement, l’humilité, l’Amour, plus encore : la Tendresse infinie exprimée par cette naissance. Surtout si nous comprenons que les vertus du Fils de Dieu sont aussi les vertus de Dieu Lui-même, de ce Dieu qui nous appelle !

Ce Dieu que nous prétendons ne pas connaître ! Pourquoi ? Parce que justement nous ne levons pas assez les yeux sur ces mystères : « Qui me voit, voit le Père. » Qui Le voit entre l’âne et le bœuf dans cette situation si pauvre, pour ne pas dire humiliante, qui Le voit ainsi, voit l’humilité, la donation, la Tendresse de ce Dieu qui appelle chacun de nous !

Nous célébrons Noël parce qu’en célébrant ce mystère du Fils de l’Homme que nous sommes appelés à imiter, nous recevons les grâces qui ont été liées historiquement à ce mystère de l’Incarnation, ce mystère des épousailles entre l’humanité et la divinité.

Noël ou la grâce liturgique d’une nouvelle naissance

Lorsque dans la Liturgie, nous célébrons les mystères du Christ comme par exemple ce mystère de Noël, nous recevons merveilleusement la même grâce que celle qui est apparue sur la terre il y a 2000 ans.

Et la grâce liée à l’Incarnation, c’est une nouvelle naissance de l’âme humaine à la Vie divine, une nouvelle naissance de la Divinité à l’intérieur du cœur de l’homme !

N’est-ce pas magnifique de pouvoir, 2000 ans après, nous qui n’avons pas connu ce moment extraordinaire, nous qui n’avons pas été à cette grotte comme les Mages, comme les bergers, comme Joseph, comme Marie, comme tous ceux qui ont accueilli cette Lumière, n’est-ce pas merveilleux de pouvoir nous dire que ce Noël 2016, nous pouvons participer à cette naissance de Dieu en l’homme, à ces épousailles entre la divinité et l’humanité ? Que nous pouvons à nouveau renaître à Dieu ? Que nous pouvons revivifier notre union à notre Père qui nous engendre à la Vie par Son Amour infini ?

« Viens Seigneur Jésus ! »

Nous voyons donc que célébrer Noël, ce n’est pas seulement un retour vers le passé comme un simple anniversaire ! Ce regard que nous projetons sur l’acte extraordinaire de la naissance de Dieu nous conduit à une grâce : l’approfondissement de notre présence dans le Royaume de Dieu, une osmose plus complète entre mon âme et le monde de Dieu, un enracinement plus profond dans ce Royaume dont nous parlait la Liturgie du Christ-Roi, Royaume qui n’est rien d’autre que l’être-avec-Dieu, c’est-à-dire finalement l’eschatologie !

En célébrant Noël, comme nous allons le faire dans un mois, nous nous approchons, nous nous rapprochons, personnellement et en Eglise, de notre eschatologie personnelle. Nous faisons un pas de plus sur la route de la Parousie, parce que nous sommes insérés plus profondément dans le Royaume de Dieu. Parce que nous sommes un peu plus avec Dieu, nous sommes plus proches de l’Avènement du monde nouveau, nous nous unissons à l’eschatologie !

Si en célébrant Noël nous renouvelons en nous les grâces de l’Incarnation il faut donc nous y préparer comme les justes de l’Ancien Testament se sont préparés à l’Incarnation du Messie. Jean Baptiste, Marie, Elisabeth, toutes ces âmes ont été tendues vers la venue du Libérateur et n’ont pas été surprises : « Veillez, parce que vous ne savez ni le jour, ni l’heure ! » Nous aussi, nous devons nous préparer pour ne pas être surpris par la grâce et ne pas rejoindre ces hommes et ces femmes qui ont rejeté le Messie parce qu’ils ne s’étaient pas préparés à Le recevoir. « Veillez donc… »

Veiller, c’est désirer le Christ…

Désirons et appelons de toutes nos forces la Lumière, la Paix et l’Unité de Dieu dans notre âme.

Ou plutôt, laissons le Christ, déjà en nous par notre baptême, nos eucharisties et nos confessions, laissons-Le désirer Lui-même et accomplir en nous l’achèvement de Sa présence intérieure…

« Revêtons le Christ ! » Comme nous le demande Saint Paul pour que ce soit la foi, la Sienne en notre intelligence, et la charité, la Sienne dans notre cœur, qui disent : « Viens Seigneur Jésus ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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