Lectio divina

Une lectio divina est une commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour le 5ème dimanche du Temps Ordinaire

LE PRETRE, L’HOMME INTERDIT

A la lumière des textes du cinquième dimanche ordinaire, voici quelques réflexions sur la pauvreté du Christ-Prêtre et, par conséquent, sur la pauvreté du prêtre. La pauvreté, c’est comme l’humilité, c’est comme la prière : plus on en parle, moins on la vit et moins on la pratique. Il y a pourtant quelques données de base qu’il nous faut saisir pour comprendre ce mystère paradoxal du Christ-Prêtre, et des prêtres qui continuent Sa fonction. Le Christ est à la fois l’homme de tous et l’homme de personne.

Jésus vit en s’oubliant pour manifester le Père

D’abord le Christ. Il y a en Lui deux pauvretés.

La première pauvreté est celle de l’esprit qui se manifeste de deux manières.

La première manière de vivre la pauvreté de l’esprit est de ne pas s’annoncer soi-même. Le Christ est venu pour faire connaître Son Père : « La vie, c’est qu’ils Te connaissent. » Et si l’on réfléchit à notre manière, à nous les hommes, de vivre, de parler, on perçoit ce que cela demande comme abnégation de n’avoir pour fonction que l’annonce d’un autre que soi ! Cette annonce du Père, qui est le propre de la nature de Jésus, le Verbe, le Révélateur, exige de la part du Christ deux renoncements essentiels.

Le premier de ces renoncements, c’est celui de se quitter Lui-même. Le Christ doit disparaître de Lui-même, Il ne doit pas s’effacer : « Il sort dès le matin, dès l’aube » nous rappelle l’Evangile. Il sort de Lui-même, Il se dépouille, comme le chante Paul aux Philippiens, pour se remplir du Père, pour être le sacrement du Père, Son écrin dans lequel les hommes puissent contempler uniquement ce pour quoi Il est venu : manifester le mystère de la paternité de Dieu.

Le deuxième renoncement est de se laisser emplir de Celui que l’on doit manifester. Il sort pour s’oublier et Il prie, Il contemple pour se laisser submerger de cette Présence qu’Il est venu montrer aux hommes : « Il sortit pour prier. » C’est parce que Jésus respecte ces deux dépouillements, ces deux exigences de pauvreté que sont l’oubli de soi et la contemplation de l’Autre qu’Il pourra dire : « Ce que je vous dis, je vous le dis parce que je l’ai vu chez mon Père. »

Voilà donc la première manière pour Jésus de vivre la pauvreté d’esprit : quoique fils et parce que fils, Il doit vivre pour n’être, en aucune manière un obstacle à l’image du Père qu’Il est venu manifester aux hommes. Et parce qu’Il a passé Sa vie à s’oublier pour regarder le Père, s’y assimiler, Le faire jaillir de Sa personne et en être le témoin, Jésus pourra dire : « Qui m’a vu a vu le Père. »

La deuxième manière d’être dans la pauvreté d’esprit, c’est d’accepter, pour Jésus de ne pas avoir choisi Sa mission : « Tu m’as façonné un corps, alors j’ai dit : Voici, je viens pour faire Ta volonté. » C’est aussi un dépouillement de ne pas choisir ce que l’on fait. Car ce n’est pas de Lui-même que le Fils de Dieu s’incarne : c’est pour obéir au dessein de Son Père qui est, certes, un mystère d’Amour infini.

Jésus est tout à tous

La deuxième pauvreté du Christ que manifeste l’Evangile, c’est ce que l’on pourrait appeler la pauvreté du cœur. Jésus doit annoncer le Père et cette annonce consiste essentiellement à manifester l’Amour que Dieu porte à l’homme. Aussi, le Christ doit-Il être, comme le dira saint Paul : tout à tous. C’est un dépouillement que Jésus doit ressentir dans Sa personne que d’être totalement à chacun, ce qui est le propre de Dieu.

N’avons-nous jamais, en effet, l’impression, dans notre prière, que nous sommes seul avec Lui, qu’Il est seul avec moi, qu’Il me traite effectivement comme si j’étais Son fils unique ? Et Jésus, dans Sa liberté humaine se doit de vivre dans cette ouverture totale aux autres. Si Jésus avait, par surprise, par mégarde même, retenu, ne serait-ce qu’un seul instant, une parcelle de Son Amour ? Si Jésus avait limité le don de Dieu, le don que les hommes attendent de la toute bonté de Dieu ? Son message aurait été irrecevable… Mais non, Jésus s’est laissé manger : « Toute la ville Te cherche. » Jésus ne réserve rien.

Ce don sans limite, ce dépouillement du cœur nécessite un dépouillement encore plus profond qui est celui de n’être attaché à personne. Le Cœur de Jésus est fixé sur un seul trésor, et Il nous le rappellera dans l’évangile de Jean : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Le seul Amour de Jésus, ce sont les hommes ! Il n’a rien pour Lui : même Sa Mère, Il la laissera, à la Croix, à l’humanité de l’Eglise. Il n’a aucune attache ni matérielle, ni spirituelle, car c’est le seul moyen pour Lui d’être véritablement sans limite : tout à tous. C’est pour cela que Jésus est seul. Par rapport aux hommes bien sûr, car, Il le dira, Il n’est jamais seul puisqu’en constante union avec Son Père : « Le Père et moi nous sommes un. »

L’exigence de pauvreté de la vie sacerdotale

Alors, si l’on considère que le prêtre continue la mission de JESUS, on saisit mieux peut-être la nécessité de la pauvreté dans laquelle doit évoluer sa vie sacerdotale.

Le prêtre n’est là que pour continuer la mission du Christ : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Le prêtre se trouve donc en face des mêmes exigences de dépouillement que Jésus : s’il prêche l’Evangile, c’est parce qu’il en a reçu la mission, comme le rappelle saint Paul. Ce n’est pas par goût, c’est par un appel auquel il répond.

La seule récompense que l’apôtre reçoit en répondant positivement à cet appel, c’est de participer lui-même aux valeurs de l’Évangile, c’est à dire de recevoir les grâces de conversion. Car en Le prêchant pour Le transmettre, l’apôtre est obligé de L’étudier et surtout de Le vivre, d’y prendre part, comme dit Paul.

Ensuite, si le prêtre continue la mission de Jésus, il doit donc être comme Jésus : abolissement total de soi. Le prêtre n’est pas là pour réussir, pour ‘s’accomplir’. Le prêtre est là pour ne pas exister et pour laisser Dieu transparaître à travers sa personne, à l’instar de Jésus.

On se rend compte de la difficulté de cette mission : arriver par la grâce du Christ, l’Unique Prêtre, à reproduire en soi cette double pauvreté du sacerdoce de Jésus : pauvreté d’esprit pour se vider de soi et se remplir de Dieu; pauvreté du cœur pour être totalement manifestation de cet Amour de Dieu. C’est véritablement un appel à la non-existence personnelle. Ce que Saint Jean-Paul II appelait : une pro-existence, une existence pour les autres ! Les prêtres ne doivent être qu’un canal dans lequel, par le Christ, passera le message du Père. Nous devons être de telle manière que le fidèle puisse voir le Christ en nous, et, à travers le Christ : le Père.

Le prêtre doit se remplir de Dieu pour Le transmettre

Le prêtre doit donc d’abord vivre cette pauvreté d’esprit dans laquelle il s’oublie pour se remplir de Dieu afin de pouvoir l’annoncer. C’est le temps de son oraison, entretien intime et silencieux ou encore récitation de la prière publique de l’Eglise pour entrer, peu à peu dans le mystère de Dieu. Les fidèles doivent aider le prêtre à entrer toujours plus dans cette pauvreté d’esprit. D’abord, bien sûr, en respectant son temps de prière. Mais surtout en respectant le message dont le prêtre cherche à s’imprégner et dont il est porteur, à savoir l’Évangile. Ne demandons pas au prêtre n’importe quoi ! Ne mettons pas le prêtre partout ! Ne le forçons pas à parler de tout, à avoir une opinion sur tout ! S’il ne faut pas mettre Dieu dans tous les évènements, il faut poser toute notre vie en Dieu. Le prêtre n’a pas de réponse politique ; mais il peut vous aider à chercher l’éclairage divin sur votre vie… Essayons plutôt d’éclairer notre vie à travers l’enseignement que le prêtre et l’Église donnent de l’Évangile : à ce moment-là, nous ne poserons plus ces fausses questions qui détournent le prêtre de l’Évangile, qui lui font quitter le champ de la Parole pour glaner sur des terrains qui lui sont étrangers et avec des compétences douteuses. Respectons cette pauvreté d’esprit : ne l’obligeons pas à aller chercher ailleurs le message qu’il doit transmettre : la vie de Dieu comme lumière de notre vie. Si vous l’écoutez, vous pourrez, à la lumière de cet Évangile explicité, résoudre toutes vos questions. Car « Celui qui marche à ma suite aura la lumière de la Vie » dit Jésus.

Le prêtre, l’homme interdit

La deuxième pauvreté, c’est la pauvreté du cœur. Là aussi, comme Jésus, le prêtre doit être l’homme de personne pour être l’homme de tous ! Le prêtre, c’est l’homme interdit. Respectons cette solitude que le prêtre doit vivre, non parce qu’il est vieux garçon, mais parce qu’il faut qu’il soit seul pour que les hommes ne le soient pas : « Vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde » a prévenu Jésus. Il faut qu’il soit seul pour qu’il puisse être tout à tous. Il doit vivre seul pour que vous, vous puissiez vivre en communion avec le Père.

La pauvreté du cœur, c’est-à-dire le don total que le prêtre doit vivre dans la grâce du Christ, elle s’enracine dans cette solitude qui lui coûte. Et c’est normal : il reste un homme. Mais n’essayons surtout pas, par compassion, de l’enlever à cette solitude. Respectons cet effort qu’il fait de n’être à personne pour être à chacun et chacune d’entre vous.

Etre ensemble pour mieux être aux fidèles

Lorsque le prêtre vit en communauté, comme à Saint Martin par exemple, c’est pour veiller à ce que cette solitude si nécessaire ne tourne pas en un égoïsme foncier. Notre communauté nous permet de régler notre solitude par rapport à sa fin qui seule la justifie : l’amour de Dieu et des frères. La communauté est là pour nous préserver de tout repli sur nous-mêmes que nous saurions vite camoufler sous le prétexte de la solitude sacerdotale. En somme, nous sommes ensemble pour mieux être aux fidèles.

Voilà quelques réflexions pour aider les fidèles du Christ à comprendre la pauvreté du prêtre, et surtout, pour les stimuler à aider les prêtres à vivre cette nécessaire pauvreté du cœur et de l’esprit. Car, même avec la grâce sacerdotale, ces deux pauvretés sont difficiles à faire entrer en notre nature si rebelle au dépouillement et si avide d’elle-même, de confort, de douceur. Que ce soit la pauvreté d’esprit qui consiste à s’oublier complètement pour ne laisser transparaître que le Père ou que ce soit la pauvreté du cœur qui consiste à n’être attaché à rien ni à personne afin de pouvoir être parfaitement donné à tous et à chacun.

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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