Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Bartolomeo Passarotti (1529-1592)

Lectio divina pour le deuxième dimanche de l’Avent 2015

MA VIE EST LE CHEMIN DE JESUS QUI EST LE CHEMIN…

On peut se demander comment comprendre l’évangile que nous entendrons pour le 2ème Dimanche de l’Avent et qui se termine par cette annonce prophétique : « Tout homme verra le Salut de Dieu ». Comme nous sommes loin de cette vision du Salut ! Pour notre société, cela semble évident ; mais aussi pour nous-mêmes. Soyons honnêtes : qui d’entre nous peut prétendre avoir, ne serait-ce qu’entraperçu, le Salut de Dieu ?


« Adam, où es-tu ? »

Nous venons chaque dimanche à la Messe avec beaucoup de persévérance, de fidélité, de joie même et sans aucun doute, nous ne cessons d’avancer sur notre route spirituelle à la rencontre du Seigneur, comme nous l’indiquait la Collecte de Dimanche dernier, entrevue que nous préparons à chaque Noël. Et c’est clair que ce Seigneur que nous devrions rencontrer à Noël, nous ne Le rencontrons pas, ou si peu, de manière vraiment fugitive. Comme tout au long de l’année liturgique qui suivra cette trop éphémère rencontre de la nuit de Noël, nous ne L’apercevrons pas beaucoup plus…

Si donc nous faisons le bilan de notre communion au Christ depuis toutes nos années de fidélité catholique, nous voyons comme cela progresse peu ! Aussi lorsque l’évangéliste nous dit que tout homme verra le Salut de Dieu, nous finissons par douter.

« Je me suis caché… »

Nous devrions nous poser la question : Pourquoi ne rencontrons-nous pas Jésus ? Pourquoi ne Le rencontrons-nous pas d’une manière suffisamment longue, stable, pour pouvoir fixer l’image de Son cœur dans le nôtre, pour qu’il y ait un changement dans notre vie, pour que Noël se prolonge, pour que l’Incarnation de grâce soit une Incarnation qui dure les mois de notre année liturgique et non pas seulement la joie fugace et trop infantile de la messe de minuit. Pourquoi ?

Dieu est-Il si loin ? Faut-il courir dans notre vie, jusque sur notre lit de mort, pour Le trouver ? Dieu nous fait-Il marcher avec une carotte, en reculant, comme l’horizon, qui s’éloigne autant que l’on s’en approche l’instant de cette rencontre ? Nous serions les plus malheureux des hommes si cela était vrai !

Ou alors peut-être nous trompons-nous de route ? Et plus nous avançons sur ce que nous pensons être la route de la rencontre, plus, en fait, nous nous éloignons de Jésus qui n’est pas sur la même route.

Notre route n’est-elle pas en fait une route de fausse mystique, route abstraite, éthérée, alors que la route de Jésus Christ serait une route très concrète, profondément humaine ?

Nous avons l’art de séparer dans nos journées notre temps de prière de ce qui nous regarde, en propre ; notre petit Je vous salue Marie du matin, et ensuite nos activités familiales et professionnelles qui n’ont rien à voir avec le Christ. Nous allons à la Messe du dimanche, mais quelle est la diffusion de cette pseudo-rencontre avec le Christ dans notre semaine ? Nous vivons la semaine après comme avant.

« Venez à moi vous tous qui peinez… »

Mais si Jésus venait sur une route qui n’est pas celle que nous prenons, qui est véritablement la route des 24 heures de notre vie quotidienne, alors Il serait bien plus facile de Le rencontrer et nous n’aurions pas l’excuse fallacieuse du manque de temps ! Combien de fois disons-nous que nous n’avons pas le temps de prier ! Comme s’il fallait du temps pour aimer Dieu, comme si cela prenait du temps pour aimer quelqu’un !… Essayons de voir si vraiment Jésus-Christ ne vient pas sur une route finalement beaucoup plus facile, beaucoup plus proche de la nôtre que nous ne l’imaginons. Regardons l’Evangile.

« L’an 15 du règne de Tibère… »

L’an 15 du règne de Tibère, Pilate étant gouverneur, Hérode étant roi… N’y a-t-il pas dans ce tableau la première preuve que Dieu vient dans l’histoire de l’homme ? Non seulement Dieu s’incarne, ce qui est déjà magnifique, mais Il prend chair de manière irréfutable, dans un contexte, au milieu d’évènements que l’on ne peut pas renier, que l’on ne peut oublier : Pilate, Tibère, Hérode, ils ont existé !

Dieu a pris un peuple, Dieu s’est choisi une langue, une race ; la race juive, l’araméen, et la modeste bourgade de Nazareth, dans une époque qui est inscrite dans l’Histoire. C’est dans l’Histoire que Dieu s’incarne.

C’est non seulement dans l’Histoire que Dieu vient à ma rencontre, mais à travers l’Histoire. Lorsque le Fils de Dieu vient sur notre terre, Il ne vient pas comme un deus ex machina, comme une révélation subite, une réponse à un problème, un gourou quelconque qui nous fait découvrir une voie. Il a été annoncé, Il a été préparé, Il a été désiré dans le cœur des hommes. Regardons Baruc. Regardons bien sûr le Baptiste, l’homme de l’Avent ! Y-a-t-il quelqu’un qui soit plus homme que le Baptiste, plus viril ? Jésus le dit Lui-même : parmi les enfants des hommes, chair de la chair de la femme, il n’y en a pas un qui soit plus grand que le Baptiste, qui a rempli le monde, – face à Hérode -, de Sa présence, de Sa voix, de Son message. Il L’a annoncé à la suite des prophètes et comme le dernier des prophètes, comme ces hommes dans une histoire d’hommes (le peuple d’Israël), dans une humanité qui a progressé pendant des centaines d’années. Comme les prophètes, il a préparé les hommes et l’Histoire, à recevoir un homme dans l’Histoire. Pour sauver cette Histoire, pour sauver les hommes, et non pas des anges… Or tous ces hommes se sont fait massacrer. Le message est donc passé d’une certaine manière !

« Convertissez-vous… »

Et quel est ce message ? « Convertissez-vous. » Qu’est-ce que cette conversion dont nous parle Baruc, dont nous parle Isaïe, dont nous parle Jean-Baptiste ?

« Se tourner vers », se tourner vers Dieu. Cela ne veut pas dire : tourner le dos à la vie ! Ce n’est pas une démission qu’on nous demande. C’est absurde de penser qu’il faille abandonner sa vie pour suivre le Christ puisque le Christ est venu dans cette vie pour nous donner la Sienne ! C’est pourquoi Il dira : « Celui qui me suit… aura la lumière de la Vie ! » Il n’y a rien de plus vivant que la Vie de foi !

C’est là où nous voyons qu’il y a deux routes parallèles : C’est dans ma vie que je rencontre Dieu, dans ces 24 heures quotidiennes, et non dans la minute mystique, qui m’élèverait soi-disant vers un Dieu abscon, car camouflé dans le spirituel et n’ayant aucun rapport avec mon agir humain, mes relations sociales, mon cœur, mon intelligence, mes facultés et mes choix, l’art, la culture, l’économie…

Ma vie ne peut pas être un obstacle à la rencontre de Dieu puisque Dieu vient dans la vie. C’est donc dans cette vie que je rencontre Dieu. C’est dans la politique, c’est dans l’économie, c’est dans la culture, c’est dans la Cité, c’est dans la famille, dans ce qui fait véritablement ma journée du matin jusqu’au soir avec les joies, les difficultés, les problèmes, les souffrances.

Dieu est toujours déjà là

Voilà le message de l’Incarnation. Et voilà pourquoi nous ne rencontrons pas suffisamment Jésus : car nous Le cherchons là où Il n’est pas.

Jésus, je ne Le rencontre pas seulement au confessionnal. Je Le rencontre dans la rue, je Le rencontre dans mon cœur, je Le rencontre dans ma cuisine, dans l’éducation de mes enfants, dans mon travail, dans mon implication à faire vivre la Cité, etc … C’est beaucoup plus compliqué, difficile à assumer parce que cela nous occupe 24 heures sur 24. Mais c’est aussi plus simple, car Il est toujours déjà là, à mes côtés, face à face…

Il ne s’agit plus de donner 1 heure de présence à Dieu par la Messe du dimanche. Il s’agit que tout mon dimanche soit chrétien et que toute la semaine qui s’enracine dans le dimanche le soit aussi. Il faut que nous arrivions à voir dans ces heures qui passent et qui sont souvent ennuyeuses, problématiques, le moyen de rencontrer le Christ.

Cela ne se fait pas sans Dieu. Cela ne relève pas de la psychologie ou de l’intelligence seule, livrée à elle-même. Cela relève de la grâce. Comme le rappelle le prophète : Dieu conduit Israël. Nous devons être debout, à Sa suite, nous laissant mener, nous laissant prendre par la main.

« Tout est grâce »

C’est cela la grâce. C’est Dieu qui peut m’aider par la lumière de la foi, par la force de la charité, à transformer le ravin, la montagne, en voie où je rencontre Jésus et, par Lui, le Père. Il faut au contraire que je me précipite, à la lumière de la foi et de la charité, sur l’obstacle, qu’est le ravin ou la montagne. Car je sais que si j’accepte d’être conduit par la grâce de Dieu, si j’accepte, en voyant ravin et montagne, de dire et vivre le « Tout est grâce », de sainte Thérèse, alors je rencontre Jésus et par Lui je remonte vers le Père.

C’est difficile. Nous n’avons pas l’habitude de raisonner ainsi. Il faut le demander. Il faut mendier cette grâce aujourd’hui. C’est notre collecte de la Messe : « Donne-nous l’intelligence du cœur pour ne pas être ensevelis par les tâches présentes… » Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les faire, mais que je peux, à travers ces tâches présentes, rencontrer le Fils qui vient vers moi. C’est cette connaissance vraie dont nous parle Paul. Cette connaissance vraie est connaissance du cœur, c’est-à-dire posée dans la confiance d’enfant qui me fait percevoir les ravins et les montagnes de ma vie comme les points privilégiés de ma rencontre avec Jésus.

Pour que justement cette vie qui est mienne, ma famille, ma Cité, mon pays soient véritablement rédemptés par le Salut que Jésus est venu nous apporter dans l’Histoire.

Mgr Jean-Marie Le Gall, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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