Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« NON PAS MAÎTRE DE VOTRE FOI, MAIS SERVITEUR DE VOTRE JOIE… »

Lectio divina pour le 31ème Dimanche ordinaire, le 5 novembre 2017

Dans la Collecte du 31ème Dimanche, nous demanderons à Dieu la grâce de nous aider à progresser dans notre vie chrétienne. La vie chrétienne est donc une marche. On l’a assimilée depuis l’Antiquité à un pèlerinage avec tout ce que cela comporte de désir de conversion et d’esprit pénitence, mais aussi de fatigue…

« Ton Epoux sera ton Créateur… »

Soulignons un autre aspect de cette marche chrétienne : c’est une marche nuptiale. Nous nous souvenons du protocole en vigueur lors des mariages royaux, en particulier celui de Louis XIV. Le roi s’avançait sur la route à la rencontre de sa promise. De son côté la princesse avançait jusqu’à la frontière. En ce lieu, quelqu’un jouait le rôle d’intermédiaire entre les deux promis, un Prince du sang ou un haut personnage choisi par le roi pour se faire représenter auprès de la princesse, et vice versa. La vie chrétienne est donc une marche nuptiale et c’est Jésus qui sert d’intermédiaire : Jésus en tant qu’homme nous représente auprès de Dieu et Jésus en tant que Dieu représente le Père auprès des hommes !

« La Loi de Dieu est parfaite, elle est lumière pour les yeux… »

Sur cette route de la vie chrétienne il y a la Loi. Peu importe qu’elle soit ancienne ou nouvelle c’est la même Loi. Elle nous est donnée pour justement effectuer cette marche nuptiale. La Loi ne nous est pas donnée comme un fardeau, mais comme une énergie permettant d’avancer vers l’Epoux en façonnant notre cœur selon le Sien afin de pouvoir effectivement communier avec Lui.

La Loi est le désenveloppement de ces deux commandements que la Liturgie nous a proposé d’étudier dimanche dernier : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Qui dit aimer dit sortir de soi, s’oublier pour aller vers l’autre, se donner et donc se libérer soi-même de sa propre prison, de ses égoïsmes, de ses enfermements.

« La Loi de Dieu, dit le psalmiste, est parfaite, elle est lumière pour les yeux, elle est réconfort pour l’âme et elle est joie pour le cœur. »

Donc, si nous disons, avec raison, que c’est dur d’être chrétien, il faut rajouter tout de suite que cette difficulté vient de nous et non de la Loi. La Loi est une loi de libération, répétons-le. Mais c’est vrai qu’enfermés dans notre prison, nous n’acceptons pas toujours de laisser briser ces murs qui sont nos murs de la prison qui est notre prison.

« Je ne suis pas venu abolir la Loi mais l’accomplir… »

Jésus dans l’évangile dominical, et dans d’autres passages, nous demande de pratiquer la Loi. C’est pour dire que la Loi est importante, qu’on ne peut pas la mettre de côté !

Il est vrai que la Loi seule, en elle-même, ne sert à rien si ce n’est qu’à nous dévoiler notre faiblesse comme l’avait bien compris Paul : « La Loi fait seulement connaître le péché. » Lorsque nous comparons notre vie à la Loi du Décalogue ou à la Loi des Béatitudes nous nous apercevons que, finalement, nous sanctifions très mal le jour du Seigneur, nous n’avons pas véritablement un seul Dieu, mais une multitude de petits dieux avec des petits « d », à savoir : l’argent, la puissance, la coquetterie et tout ce qui nous fait valoir dans le monde…

Et de même nous nous apercevons facilement, si nous sommes un tant soit peu honnêtes, que nous avons du mal à aimer notre prochain. Nous pensons au prochain quelconque et non aux amis que l’on aime bien évidemment… Mais les païens n’en font-ils pas autant, remarquera le Christ…

Par contre, depuis l’arrivée de Jésus la Loi prend effet, la Loi se réalise. Il le dit : « Je suis venu accomplir la Loi, la porter à son achèvement » c’est-à-dire la faire passer du monde abstrait de la Parole de Dieu au monde concret de la nature humaine. Moi qui suis homme je la vis parfaitement nous révèle Jésus.

Et donc nous, qui sommes par le baptême configurés au Christ (d’où notre nom de chrétien !), nous sommes appelés à suivre Jésus dans cette voie de l’accomplissement de la Loi, de sa réalisation, de son achèvement.

« Afin que, voyant vos œuvres, les hommes glorifient le Père… »

A cause de cette double dimension de la Loi, qui est inefficace en elle-même, mais qui se réalise avec Jésus dans Sa nature humaine, le Christ reproche aux pharisiens et à nous-mêmes de passer notre temps à rappeler les préceptes de la Loi aux autres, comme des maîtres : « Ne vous faites pas donner pas le titre de Père ou de Maître, de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître c’est Dieu. »

Combien sommes-nous, les chrétiens, prêtres ou laïcs à rappeler aux autres la Loi, avec bonne volonté, mais trop souvent avec maladresse ?! À ceux qui dépendent de notre autorité bien entendu, comme les enfants, les paroissiens, mais même aux autres, même à ceux que nous rencontrons et que nous ne connaissons pas, mais que nous jugeons en rappelant la Loi : Tu n’as pas le droit, si tu fais ceci tu sera excommunié, tu n’es pas dans le droit de l’Église !

Jésus nous dit que nous n’avons pas le droit de ne faire que rappeler aux autres la Loi. Car la Loi en elle-même est inefficace et donc, en nous contentant de seulement rappeler à notre prochain la Loi, nous l’écrasons sous le poids de la Loi. Comme les pharisiens qui connaissaient la Loi par cœur et qui passaient leur vie à rappeler au bas-peuple les prescriptions de la Torah, les lois cultuelles, les lois de sanctification.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. »

Ce que nous devons faire c’est rappeler la Loi et son moteur, la Loi et sa vie. Là est notre fonction de témoin, là est notre rôle d’apôtre, là est notre mission de baptisé.

En un mot, il faut que nous rappelions à notre prochain le Christ, qui est la Loi et qui est la vie de la Loi. La différence est évidente. Il ne s’agit pas de dire à quelqu’un qu’il ne pratique pas la Loi. Il s’agit de montrer à cette personne la Loi vécue comme le Christ l’a vécue et comme Il nous appelle à la vivre ! Il s’agit, en fait, non pas d’être rabbi, maître ou père. Il s’agit, bien au contraire, d’être serviteur : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. »

Rappelons d’ailleurs quelle devise Joseph Ratzinger choisit à son ordination : « Non pas maître de votre foi, mais serviteur de votre joie ! » Celui qui deviendra le Pape Benoît XVI avait bien compris que le rôle du baptisé, et a fortiori du prêtre, n’est pas d’imposer une foi par des règles, mais de faire goûter aux âmes la Joie qui fut celle de Jésus, ne vivant que par l’Esprit d’Amour qu’Il portait filialement à Son Père ! C’est d’ailleurs pour cela que le Christ dit à Ses apôtres : « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ! » Parfaite, achevée, accomplie, comme la Loi elle aussi réalisée pleinement…

Le rôle d’éducateur, le rôle de prêtre, le rôle de parent n’est pas de se contenter de rappeler les lettres de la Loi. Il est de rappeler la Loi et son esprit, c’est-à-dire sa force intérieure, vivifiante qui est l’Esprit du Christ, qui est Jésus vivant la Loi, le Serviteur de Dieu qui s’est mis aux pieds de ses apôtres pour leur laver les pieds.

Et comment le rappeler si ce n’est en le montrant, c’est à dire en le pratiquant moi-même ? Ce n’est qu’à cette condition que l’on fera comprendre à notre prochain qu’il est bon de se laisser guider par l’Esprit qui est notre vie, et que c’est en se laissant conduire par cet Esprit que nous n’obéirons plus aux tendances égoïstes du vieil homme comme l’écrivait Paul aux Galates.

Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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