Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

LA TRINITE : UN DON SUBSTANTIEL A IMITER PLUS QU’UN « VIVRE ENSEMBLE »

Lectio divina pour le dimanche de la Trinité

L’Eglise nous invite à célébrer le mystère de la Sainte-Trinité. Mais pourquoi consacrer un dimanche à célébrer la Trinité puisque toute liturgie, tout acte de culte est consacré à la louange de la Trinité. Il n’y a qu’à regarder les oraisons, qui s’adressent au Père, par le Fils, dans l’Esprit, toutes ces demandes que nous faisons monter vers Dieu comme l’encens, toutes ces prières du peuple chrétien qui s’adressent au Père par l’intermédiaire du Médiateur dans l’Esprit, l’Esprit Saint !

L’Eglise, sacrement de salut…

La fête de la Sainte Trinité est là tout simplement pour nous rappeler que si la Liturgie chrétienne, tout au long de l’année, de Noël à Pâques, du Carême à la Pentecôte, est orientée à la louange, à la gloire de la Trinité, c’est aussi notre vie toute entière, et pas seulement les quelques heures que nous passons dans nos églises, qui doit être une Liturgie à la gloire trinitaire. Une liturgie, c’est-à-dire un service, un dévouement, une dévotion à ce Dieu que Jésus nous a révélé comme étant Un en Trois Personnes, comme le dira l’Evangile : « Le Père et Moi, nous sommes Un », et « Je vous enverrai l’Esprit, qui vous enseignera toutes choses. »

Du matin jusqu’au soir, de mon baptême jusqu’à ma mort, tous les actes que je dois poser en tant qu’homme, je les pose en tant que chrétien, c’est-à-dire je les pose à la louange de la Trinité. Autrement dit, ma vie qui est consacrée à la Trinité, doit reproduire dans notre monde humain et bien charnel, la vie de la Trinité que Jésus nous a révélée.

La Trinité, un « vivre ensemble » céleste ?

Qu’est-ce que c’est que la Vie Trinitaire ? Comment, dans ma vie chrétienne, personnelle, ecclésiale, puis-je manifester aux hommes la Vie de Dieu, Un et Triple, Un en Trois Personnes ? Il y a une mode actuelle qui retient du mystère trinitaire l’unité dans la diversité. Ce qui interpelle notre monde, c’est que le Père tout en étant Père, le Fils tout en étant Fils, et l’Esprit en restant l’Esprit, forment une unité, c’est-à-dire finalement et comme on répète inlassablement, ils « s’acceptent », le Père, le Fils, l’Esprit dans leurs différences.

Les médias regorgent de ces poncifs : « s’accepter dans les différences », « respecter les sensibilités » « s’enrichir de notre diversité. » A force de respecter les sensibilités et de s’accepter dans les différences, on arrive à des contresens que ce soit au niveau social, au niveau politique, au niveau religieux, au niveau de notre humanité. On se tue, on se condamne à mort, on blasphème, mais on ne peut rien dire puisqu’il faut surtout « s’accepter dans les différences. » Chacun a sa sensibilité, et si ma sensibilité consiste à blasphémer le Dieu de l’autre, on ne peut rien me dire !

Notre monde conçoit cette Trinité, ce mystère trinitaire à l’image d’un certain « vivre ensemble » qui fait de chaque individu une « monade » intouchable. Le Père n’a rien à voir avec le Fils, le Fils surtout n’inquiète pas le Saint Esprit et chacun des trois vit dans son coin, dans la Trinité, sur son petit nuage, en essayant de ne pas marcher sur les pieds des deux autres.

 Etre parce que l’on se donne…

En fait, le mystère trinitaire nous enseigne autre chose. Ce que Jésus nous dévoile de la Trinité dépasse infiniment un rassemblement sociologique. Le droit d’exister dans la révélation que le Christ fait dans l’Evangile de la Vie de Son Père, de la Vie de l’Esprit, de Sa propre Vie de Fils, de Verbe, le droit d’exister est retourné complètement. La Personne en Dieu, la Personne du Dieu-Père comme la Personne du Dieu-Fils, n’existe que dans la mesure où Elle se donne. Le Père n’existe que comme Père, c’est à dire parce qu’Il engendre le Fils. Dieu-Fils n’existe que parce qu’Il se reçoit du Père et se donne à Lui. Il ne peut y avoir de Personne vivant en solitude, égoïstement repliée sur elle-même.

Ce n’est plus un droit à l’existence. Plus exactement l’existence en Dieu, si l’on pouvait parler de « l’accomplissement » de la Personne de Dieu est dépendante du don. Tout à l’inverse donc de notre conception humaine pour laquelle nous prétendons avoir un droit d’exister, un droit à nous accomplir, droit que nous devons faire respecter à tout prix, même au prix du fusil…

Dans la Trinité, c’est l’inverse. Le droit à exister, l’existence de la Personne de Dieu, de chacune des trois Personnes de Dieu est dépendante du don que cette Personne fait aux deux autres. Voilà la révélation du mystère de la Trinité.

Or, la Trinité est notre milieu vital puisque nous avons été créés à l’image de Dieu. Donc, notre personne humaine, avant d’avoir un droit à à l’existence, le fameux « droit de l’homme », notre personne humaine se construit, s’épanouit, atteint sa plénitude à l’image des personnes divines, c’est-à-dire dans la mesure où elle s’oublie, où elle se donne.

Comme cela changerait nos relations sociales, politiques, familiales, si nous essayions, nous chrétiens, de vivre à l’image de ces trois Personnes divines qui ne sont que parce qu’elles s’oublient ! Alors que nous essayons nous, d’être toujours avec un plus, avec de l’avoir…

« Le Christ révèle l’homme à l’homme »

C’est pour cela que le Fils est venu : pour nous donner accès au monde de la grâce, c’est-à-dire au monde de la gratuité comme nous le rappelle Saint Paul. Qu’est-ce qui est gratuit maintenant ? Rien… Rien n’est gratuit dans notre monde. Il n’y a qu’une seule chose (que la société) que la société ne peut nous enlever à nous les hommes, c’est la gratuité du cœur. Et encore, c’est très difficile de faire la charité. Lorsque nous essayons quelquefois de faire la charité vis à vis de certaines personnes, l’Etat nous en empêche parce que c’est humilier les pauvres, c’est les frustrer ! Nous n’avons pas le droit de donner !

Le Christ est venu pour nous réapprendre à considérer la construction de la personne humaine, non pas comme un droit, mais comme un don. C’est pour cela que l’Esprit Saint c’est-à-dire l’Esprit de Dieu, l’Esprit de l’Amour, l’Esprit du Don, a été diffusé dans notre cœur, toujours selon Saint Paul. L’Eglise possède depuis la Pentecôte, que nous avons fêtée dimanche dernier, les arrhes, les prémices, les principes de cet accomplissement de l’homme, de toute l’humanité parce qu’elle a reçu l’Esprit Saint qui est l’Esprit de l’Amour qui relie le Père au Fils et le Fils au Père, qui « établit » la Personne du Père et la Personne du Fils à partir de l’oubli de soi, de l’anéantissement.

« Aimez-vous les uns les autres… »

L’Eglise proclame la véritable dignité de l’homme révélée par l’Evangile et qui consiste à se construire, avec la grâce, par le don aux autres. Conscients de la responsabilité que le Christ a confiée à chacun, nous devons travailler à réaliser notre personne selon le plan divin en mettant le service des frères au premier plan de nos soucis quotidiens. C’est cette pratique de la charité par le don et l’oubli de soi qui construira notre propre personne et lui permettra de s’achever à l’image des Personnes divines : « Tout ce que vous demanderez au Père, Il vous l’accordera, ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres… »

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel) sur twitter : @mgrjmlegall