Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Lectio divina pour le troisième dimanche du temps ordinaire

AU BON PLAISIR DE DIEU !…

Après le baptême de Jésus, après le premier miracle de Cana et avec ce troisième dimanche ordinaire, commence véritablement la vie publique de Jésus. L’Eglise tient à nous la présenter d’abord par une magnifique synthèse qui va nous révéler dès le début de notre année qui est Jésus et ce pourquoi Il est venu.

 


Soulignons, pour commencer, la brièveté des quelques lignes du commencement de l’évangile de Luc, et, d’une manière générale, la brièveté de l’enseignement de Jésus, la brièveté de la Parole de Dieu qui pourtant nous enseigne l’essentiel.

Dieu seul suffit

Faisons donc un petit examen de conscience, pour regarder avec quelle image, quelle information nous abordons notre dimanche. N’est-ce pas le moment, devant cette brièveté synthétique et si puissante, de regarder comment nous nous positionnons face à ce que d’aucuns appellent actuellement « la connaissance inutile » dont nous sommes gavés à longueur de journée. Pour quoi ? Dans quel intérêt ? Avec quelle lumière ? Quelle joie, quelle paix ce flux ininterrompu d’informations nous apporte-t-il ? Lorsque nous comparons ce fatras de nouvelles qui nous arrivent, qui nous viole quasiment, à côté de la Parole de Dieu que l’Eglise médite à la suite d’Israël depuis tant d’années, tant de siècles… Regardons, comparons ! Comparons ce que nous avons actuellement en tête, les dernières nouvelles prises à la radio dès ce matin, le journal télévisé d’hier soir jusqu’à minuit, les revues, les hebdomadaires, les mensuels, comparons ce que tout cela apporte à nos personnes, à nos âmes, à nos foyers, à nos cités, avec ce que va nous révéler Saint Luc…

« L’Esprit de Dieu m’a consacré »

« L’Esprit de Dieu m’a consacré. » L’Esprit de Dieu, comme le dira le livre des Actes des Apôtres, c’est d’abord l’Être, l’Esprit Créateur. C’est aussi le mouvement, c’est-à-dire la tendance vers l’acte de la volonté que l’on appelle l’Amour. L’Esprit de Dieu, c’est enfin l’Esprit de la Vie, le Souffle de Dieu, c’est-à-dire la Béatitude finale, la plénitude de l’Etre, qu’il soit Créateur ou qu’il soit créé. Jésus est consacré, investi, assumé par cet Esprit de Dieu qui donne l’être, qui donne le mouvement, qui donne la plénitude de la vie.

« L’Esprit de Dieu m’a consacré pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres. » Ce sont nous les pauvres : les pauvres de la foi, les pauvres de la connaissance que nous essayons de trop souvent camoufler derrière ces informations qui nous envahissent, cachant ainsi notre vacuité.

« Je suis venu apporter la Bonne Nouvelle »

Qui suis-je ? Où vais-je ? Qui est l’homme ? Ce ne sont pas des petites questions ; les plus grands philosophes, les plus grands savants, les plus grands esprits depuis les origines du monde se sont posé cette question. L’homme cet inconnu, qui est-il ? Eh bien, voilà que Jésus consacré par l’Esprit vient nous apporter la réponse, à nous qui sommes pauvres de la vraie connaissance, de la connaissance profonde du sens des choses, du sens de notre personne, du sens du monde. Cette réponse, c’est la révélation de Dieu comme Père et comme but de notre vie, à nous qui sommes ballottés dans tous les sens, sans trop savoir qui nous sommes et où nous sommes censés aller… Regardons la jeunesse, regardons les suicides, regardons la drogue et ne soyons pas aveugles ! Si nous y avons échappé à cause d’une certaine structure morale qui tenait la société, actuellement, c’est la débandade de ces jeunes esprits qui ne savent plus où ils sont ni même qui ils sont. « Je suis venu apporter la Bonne Nouvelle » : la révélation de Dieu qui Se montre Père. Je suis venu apporter la Lumière, la Foi, la connaissance du mystère de Dieu, c’est à dire la capacité de communier à ce qu’Il veut pour le bien de l’homme.

« Je suis venu délivrer les prisonniers »

Après avoir donné l’être, après avoir révélé à l’homme qui Il est, après l’avoir fait resurgir dans cette existence grâce à la réflexion de son intelligence, éclairée par la foi, voilà que Jésus, toujours grâce à cette consécration de l’Esprit qui est énergie d’Amour, annonce aux prisonniers la délivrance. A ceux qui acceptent de marcher sur la route qu’Il vient de tracer, à ceux qui acceptent de vivre selon l’appel de Dieu, à ceux qui acceptent d’avancer malgré les fragilités, Il promet qu’après les chutes et les dérapages, la tendresse de Dieu est toujours là dans le pardon, dans la délivrance de notre péché, dans la délivrance de nos incohérences, de nos trahisons, de nos lâchetés d’hommes brisés par la désobéissance d’Adam. Jésus, consacré par l’Esprit du mouvement, de l’Amour, nous promet cet Amour sans rémission parce que Dieu est fidèle. Cet Amour, nous le trouvons au sacrement de la réconciliation chaque fois que nous faisons la démarche de l’enfant dans l’humilité et souvent dans l’humiliation.

Et puis, Jésus promet la lumière aux aveugles, c’est-à-dire la Vie, la plénitude, le face à face à ceux qui auront accepté la route, à ceux qui auront accepté cette existence nouvelle, à ceux qui auront accepté cette foi envers la tendresse de Dieu qui veut se manifester dans leur âme de pécheur. Jésus annonce l’espérance du Royaume, de la Béatitude, de la Paix, du lieu où il n’y a plus ni pleurs, ni grincements de dents. Voilà l’Être de Jésus dans l’Esprit de l’Amour, dans l’Esprit de la Vie. Et voilà l’Agir de Jésus : Il propose, Il donne cet Être, cette existence de l’homme, vraie, dans la foi. Il donne la promesse de la tendresse de Dieu dans la charité, Il donne la promesse du Ciel dans la vertu de l’espérance. Quelle merveilleuse vocation que celle de Jésus !

« Aujourd’hui, cette parole de l’Ecriture s’accomplit. »

Imaginons-nous, là, quelques instants, à la place de ces Juifs de Nazareth qui méditent depuis des siècles sur la parole d’Isaïe. Et voilà qu’un homme leur annonce, tout-à-coup, lors d’un sabbat, sans crier gare : « Aujourd’hui cette parole s’accomplit » ! Alors, nous nous posons la question : comment cela se fait-il qu’aujourd’hui, à Nazareth, cette parole s’accomplisse puisque depuis Abraham, des prophètes ont parlé, des prophètes ont annoncé Dieu, des prophètes ont parlé de la tendresse de Dieu, des prophètes ont parlé du Royaume de Dieu ? Oui… Mais comme préparation.

Et avec Jésus, nous passons de l’ombre à la lumière, nous passons de l’image à la réalité, nous arrivons à la perfection parce que, comme écrivait Jean de la Croix : Il nous dit tout, Lui, qui est le Tout de Dieu. Et après Lui, plus rien n’est ni ne sera dit. C’est l’accomplissement. L’accomplissement du message, l’accomplissement de son contenu. Dieu lui-même après avoir envoyé Ses serviteurs, comme dans la parabole, envoie Son Fils, envoie de Tout de Sa vie, le Tout de Son être, le Tout de Son Amour pour proclamer une dernière fois, comme le dit l’Epître aux Hébreux, la Vie qu’Il nous propose, l’Amour qu’Il nous donne, l’espérance qu’Il veut mettre dans notre âme.

« L’Eglise, c’est Jésus répandu et communiqué »

C’est vraiment avec Jésus une perfection de l’annonce, mais ce n’est pas un achèvement. Car, ainsi que le rappelle Paul dans la 2° lecture, nous sommes baptisés en Jésus Christ, nous sommes configurés par Son Esprit, en Son Esprit, nous sommes d’autres christs : nous avons l’être de Jésus par adoption, par participation à cet Esprit de l’Être, à cet Esprit de l’Amour, à cet Esprit de la Vie. Et donc, nous sommes appelés à la même vocation qui fut celle de Jésus, à la même vocation missionnaire !

Nous devons achever cette mission évangélisatrice, nous devons achever cette annonce de la Bonne Nouvelle de la Foi, cette annonce de la délivrance dans la charité et dans le pardon de Dieu, cette annonce du royaume de l’Espérance. Lorsque Saint Paul nous dira qu’il complète dans son corps ce qui manque à la Passion de Jésus, il signifie cet achèvement que l’Eglise apporte, dans son temps, à l’être et à l’agir de Jésus. Avant même de compléter dans nos corps par les souffrances de notre vie ce qui manque à la Passion du Fils, nous devons d’abord achever ce qui manque à Sa mission évangélisatrice. Non pas qu’il manque quelque chose au niveau du contenu, mais au niveau de l’extension dans le monde. L’Eglise, c’est Jésus répandu et communiqué disait le grand Bossuet. L’Eglise, c’est la Passion de Jésus répandue et communiquée. Mais avant, avant tout, l’Eglise, c’est cette mission de l’annonce de la Parole, de la Foi, de l’Espérance, de la Charité, dans l’Esprit de l’Être, dans l’Esprit de l’Amour, dans l’Esprit de la Vie à tous nos frères.

Donne-nous de nous émerveiller de la nouvelle vie que Tu nous donnes !

Nous devons nous émerveiller de cette vocation qui est la nôtre, comme nous le demanderons dans la prière de post-communion : « Donne-nous de nous émerveiller de la grâce de cette nouvelle Vie que Tu nous donnes. » Non seulement cette Vie qui nous configure à Jésus, par l’Esprit, qui nous fait être d’autres Jésus, mais la nature même de notre vie, le pour quoi nous sommes sur terre. Ce n’est pas un « pour quoi » égoïste : ce n’est pas pour jouir, c’est pour nous construire et donc, puisque nous sommes un « animal social », pour nous construire en communauté à l’image de la communauté trinitaire vers laquelle nous sommes appelés. Voilà la raison de l’émerveillement de la grâce qui est en chacun et en chacune d’entre nous depuis notre baptême, après chaque confession, après chaque Eucharistie.

Et c’est cela que nous demandons déjà dans la Collecte : de faire des œuvres bonnes. C’est bien de ces œuvres-là qu’il s’agit. Lorsque l’homme a demandé à Jésus : « Maître, que faut-il faire de bon ? » Il répond : « Pourquoi me demandes-tu cela ? Dieu seul est bon. » Lorsque nous parlons d’œuvres bonnes, nous parlons donc de Dieu, de l’Œuvre de Dieu, de l’Être de Dieu, de l’Amour de Dieu, de la Vie de Dieu. Faire des œuvres bonnes, c’est révéler à la suite de Jésus, dans le même esprit, l’Être, l’Amour, la Vie de Dieu qui est en chacun et en chacune d’entre nous. « L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez en celui qu’Il a envoyé » et qui vient vous révéler en quelques mots la Vie, l’Amour et l’Être de Dieu, que nous sommes appelés à recevoir et à partager. C’est quand même plus riche, plus profond et plus intéressant que le JT !

Etre en Dieu et pas seulement agir pour Dieu

Il nous est vraiment possible, à nous baptisés, de prolonger, d’achever dans cette expansion temporelle et spatiale la mission de Jésus à condition que nous agissions selon l’Amour de Dieu, suivant encore la prière de la collecte – « in beneplacito tuo », dit le texte latin. Il nous faut être en Dieu, il nous faut être dans notre baptême, il nous faut être en état de grâce, il nous faut être rempli de cet Amour, de cette Vie, de cet Être, par Son Esprit de l’Être, Son Esprit de Vie, Son Esprit d’Amour : « in beneplacito tuo »… Dans le bon plaisir de Dieu, dans la Vie même de Dieu, à l’image de Jésus, « au nom de Ton Fils », »in nomine filii tui, », disons-nous dans la prière. A l’image du Fils qui est tout dans son Père : « Le Père est en moi, et je suis dans le Père »…

Alors nous avons la possibilité de redonner à nos frères le véritable sens de la vie.

Est-ce que cela ne vaut pas le coup de nous engager ainsi en Dieu, au lieu de rester égoïstement devant notre télévision, devant nos écrans de cinéma, devant notre journal et de nous laisser gaver comme des oies par ces informations, si relatives, si secondaires par rapport à notre vocation, par rapport à ce que nous sommes et à ce que nous sommes appelés à être ?

Mgr Jean-Marie Le Gall, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

Retrouvez la lectio divina quotidienne (#twittomelie, #TrekCiel ) sur tweet : @mgrjmlegall