Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« LE SAINT EST UN PÉCHEUR QUI RECONNAÎT SA FAIBLESSE… »

Lectio divina pour la Solennité du Christ-Roi

Dn.7, 13-14 Apoc.1, 5-8 Jn.18, 33-37

Prenons un peu de temps en cet ultime dimanche de l’année liturgique consacré à la Royauté de Jésus pour mieux comprendre et participer plus profondément à cette solennité dont le sens quelquefois peut nous échapper. Si l’Église fête le Christ Roi, c’est qu’effectivement Jésus est Roi. Et si elle nous demande de célébrer par la Liturgie ce mystère théologique, c’est pour notre bien, pour que nous en tirions le vrai fruit : participer effectivement à cette Royauté. Encore faut-il savoir ce que la Royauté de Jésus veut dire…

 

« A Lui qui nous aime, à Lui Gloire et Puissance. »

Que Jésus dit-Il de Lui-même ? Deux phrases dans l’Evangile vont nous aider à cerner ce mystère du Christ-Roi.

Tout d’abord : « Ma Royauté ne vient pas de ce monde. »

Ensuite : « Je suis Roi, tu l’as dit, et Je suis né, Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité. »

Mais déjà, dans la deuxième lecture, tirée de l’Apocalypse, Saint Jean nous met sur la piste en écrivant: « A Lui qui nous aime, à Celui qui nous a délivrés de nos péchés, à Lui Gloire et Puissance. » C’est dire que le mystère de la Toute Puissance de Jésus (ou le mystère de Sa Royauté) est lié intrinsèquement au mystère de Son Amour, et plus particulièrement, au mystère de Sa Miséricorde.

« Seigneur qui manifestes ta Toute-Puissance lorsque Tu pardonnes… »

Souvenons-vous de la Collecte du 26ème dimanche, lorsque nous avons prié Dieu en disant : « Seigneur, Toi qui manifestes ta Toute-Puissance lorsque Tu pardonnes et prends pitié… » Dieu pardonne parce qu’Il est Roi, c’est-à-dire qu’Il a le droit de Vie éternelle sur chacun de Ses enfants.

Non seulement pardon et Royauté sont liés, comme nous le dit Jean, mais tout l’Evangile nous montre qu’il ne peut y avoir d’autre Royauté que la Royauté du pardon. C’est dire qu’il ne peut y avoir d’autre acte manifestant la Royauté de Dieu que celui de la Miséricorde !

Les pharisiens ne s’y trompent pas ! Ce ne sont pas les miracles de Jésus qui les heurtent : les prophètes aussi faisaient des miracles. Ce qui choque les pharisiens – et qui entraînera la condamnation à mort de Jésus – c’est qu’Il se permet de pardonner les péchés ! Comment, diront- ils, cet homme-là peut-il pardonner les péchés, puisque Dieu seul peut pardonner les péchés ?!

« Ma Royauté ne vient pas de ce monde. »

L’acte divin royal par excellence, c’est la miséricorde, c’est le pardon !

Ainsi, c’est en gagnant ce pardon, que le Christ manifeste le mieux qu’Il participe à la Royauté de Son Père, qu’Il participe à Sa Toute-Puissance, d’où Son expression devant Pilate : « Ma Royauté ne vient pas de ce monde . »

Lorsque Jésus dit que la Royauté ne vient pas de ce monde, cela veut dire que c’est une Royauté divine, c’est une Royauté de miséricorde, c’est une Royauté de pardon.

Oui, Jésus est Roi. Et comme Son Père, parce qu’Il est Roi, Il est plus grand que notre cœur. Aussi, lorsqu’il nous arrive de pécher, nous savons que nous avons là-haut, un avocat, le Juste, dira Saint Jean. Nous avons le Pardon en personne qui, dès après notre faute, se tient à la porte de notre âme et frappe pour entrer…

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Cette Royauté de Jésus est tellement liée au pardon, et donc à la Rédemption que si elle n’est pas de ce monde, elle se manifeste dans ce monde et pour ce monde, ainsi que la préface de la messe nous l’indique : « Tu as consacré ton Fils, Prêtre et Roi afin qu’Il s’offre en sacrifice pour la Rédemption. » Et le moment de l’offrande, le moment du sacrifice, c’est la Croix.

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » C’est à la Croix que s’instaure véritablement le règne de Dieu parce que c’est du Cœur transpercé de Jésus à la Croix que va se diffuser le sang, la divine Sève qui, par l’Eucharistie et le confessionnal, va offrir à toutes les générations humaines d’accéder au pardon de Dieu.

C’est à la Croix que se manifeste la Toute-Puissance du pardon de Dieu par Son Fils. Oui, c’est à la Croix que s’instaure le règne de Dieu. Ce règne est le règne du pardon donné par Dieu et du pardon accueilli par l’homme !

« Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité. »

Venons-en à la deuxième phrase de Jésus : « Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité. » Cela nous indique que si nous devons accueillir le pardon, nous devons être dans la lumière qui nous fait voir la nécessité d’être pardonné.

Et nous avons là l’essentiel du message évangélique : Jésus est venu, non pas pour instaurer un système de vérité philosophique ou un système de morale et de conduite, mais pour rendre témoignage à la Vérité. Jésus est venu nous donner et nous révéler la vérité sur nous-mêmes, vérité qui n’est pas qu’une vérité intellectuelle ou morale, mais qui est une vérité regardant notre personne dans son entièreté.

Le véritable champ de bataille entre le bien et le mal, disait Bernanos, c’est mon âme. C’est face à moi, chaque matin ou chaque soir, que je me rends compte de ce que j’ai fait de bon ou de mauvais grâce à la lumière de l’Evangile, grâce à ce témoignage que Jésus est venu donner de la perfection de l’homme, de la perfection du Fils de l’Homme, de la perfection de l’enfant de Dieu.

« Celui qui est de la Vérité écoute ma voix. »

« Celui qui est de la Vérité écoute ma voix », celui qui est dans la Vérité, qui se laisse malaxer par la Vérité écoute ma voix. Que nous dit cette Voix ?

Jésus fait référence à ces multiples passages évangéliques sur le pardon, particulièrement, par exemple, celui de la femme adultère. Celui qui est de la Vérité, celui qui se connaît en Dieu, celui qui se reconnaît en Moi et en Ma lumière, celui qui vient à Moi, celui-là écoute Ma voix quand Jésus lui dit : « Où sont-ils, femme, ceux qui t’ont condamnée ? Personne ne t’a condamnée ? Moi non plus, Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus ! » Voilà ce que dit la Voix.

Le saint est un pécheur qui reconnaît sa faiblesse…

Le Royaume de Dieu dans lequel nous sommes appelés à entrer est le Royaume du pardon. Il nécessite donc cette lumière sur nous-mêmes que nous devons faire constamment pour entamer la démarche vers la Toute-Puissance de Dieu, non pas pour nous soumettre comme un esclave sans liberté, mais au contraire pour recouvrer notre liberté par le pardon reçu du Roi.

Le Royaume de Dieu n’est pas un Royaume dont la frontière passerait entre la sainteté et le péché : d’un côté les saints, d’un côté les pécheurs. Le Royaume est fait de saints qui ne sont que des pécheurs qui se reconnaissent dans leur pauvreté…

Souvenons-nous de ce passage de l’Evangile raconté avec perspicacité par Robert Hossein dans son spectacle « Jésus était son nom ».

Pierre est désespéré d’avoir trahi son Maître. Jésus vient d’être emmené et Pierre pleure amèrement. Voici que Judas arrive, Judas qui a trahi comme Pierre. Fou de colère, fou de haine, fou de lui-même, il jette les 30 deniers gagnés honteusement et s’en va en hurlant. Et à ce moment-là, interprétation magnifique d’Hossein, Pierre se lève et crie à Judas : « Reviens, Judas, reviens !… » Pierre de toute sa force de brave pécheur, sachant qu’il a trahi lui-aussi, et sachant qu’il a été pardonné propose la même expérience à Judas. Judas va courir comme un fou en criant : « Non, non… Je ne peux pas, je ne veux pas… » « Reviens, s’époumone Pierre ! Tu peux revenir, le Maître est là qui t’attend ! »

« Ce que j’aime, c’est le cœur brisé et contrit et non pas le sacrifice. »

Le Royaume de Dieu passe entre Judas et Pierre. A travers Pierre, c’est toute l’Eglise qui aujourd’hui nous interpelle pour que nous soyons à notre tour, nous pécheurs, non pas des Judas, des désespérés, mais que nous soyons tous des Pierre, des âmes qui ont trahi et qui continueront de trahir jusqu’à leur mort, certes, mais des âmes qui auront toujours le soin de se replacer dans cette Vérité lumineuse de Jésus pour venir et déposer à Ses pieds toutes leurs misères.

Comme le fit Madeleine avec son parfum. Le parfum de Madeleine coûtait très cher. Mais qu’est-ce qui coûte cher maintenant pour moi ? Est-ce ma vertu ou est-ce l’humiliation de reconnaître ma faute ? N’est-ce pas plutôt la démarche de me rendre au confessionnal, la démarche de contrition devant Dieu dans le secret de mon cœur et devant le prêtre pour avouer ma faiblesse ?

C’est cela participer en vérité à la fête du Christ-Roi. Ce n’est pas brandir des bannières royalistes. C’est brandir au contraire toutes nos misères humaines, parce que Jésus nous l’a dit à travers la bouche du psalmiste « Ce que j’aime, c’est le cœur brisé et contrit, et non pas le sacrifice. »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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