Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« DIEU DIT ET CELA FUT… ! »

Lectio divina pour le Quatrième Dimanche Ordinaire – Année B

Dt 18, 15-20 ; 1 Co. 7, 32-35 ; Mc. 1, 21-28

Si la première lecture du 4ème Dimanche Ordinaire n’est pas très engageante, elle prend tout son sens lorsqu’on la met en rapport avec l’Evangile et, à son tour, elle éclaire le récit de Marc sur les débuts de la vie publique du Christ.

« Je ne veux pas mourir… »

Replaçons d’abord l’épisode de l’Ancien Testament dans son contexte.

C’est l’exode du peuple hébreu, sous la conduite de Moïse, avec la première théophanie de l’Horeb au cours de laquelle Yahvé se révèle dans le feu et le tonnerre, faisant entendre au peuple le contenu de Son Alliance (les dix commandements).

Le peuple juif, malin, dira à Moïse, après cette révélation fulgurante : pourquoi faudrait-il que nous mourions tous (puisque nul ne peut entendre la parole de Yahvé sans mourir), pourquoi donc faut-il que nous mourions tous si toi, tu peux être notre médiateur avec Yahvé ? Et le brave Moïse de se dévouer avec l’accord de Dieu… Dorénavant lui seul montera au sommet de la Montagne pour entendre la Parole et la transmettre ensuite au peuple.

Quelques temps après, toujours durant l’Exode, Yahvé donne à Moïse l’ensemble des lois et prescriptions que le peuple devra respecter lorsqu’il sera dans la Terre Promise, « cette terre que je te donnerai… la terre que tu prendras aux nations… la terre où coulera le lait et le miel… » Et, à l’occasion de cette deuxième révélation plus complète de l’Alliance, Dieu prend Son peuple au mot : tu m’as demandé un prophète, un médiateur, Je t’en donnerai un, dans cette Terre Promise vers laquelle tu marches et tu devras l’écouter !

C’est cet échange que nous entendons dans la première lecture du 4ème Dimanche.

« Es-tu le prophète ? »

« Vous devez l’écouter… » Moïse, désabusé, annoncera au peuple que ce prophète, au moins, il l’écoutera…

Ce prophète sera la réalisation de son personnage, à lui Moïse. Ne dit-il pas aux Hébreux : « Il sera comme moi. » ? Moïse est donc le type, l’image de ce prophète-médiateur, de ce canal de la Parole de Yahvé, de ce ‘sacrement vivant.’

Qui est ce prophète qui a tant marqué la réflexion religieuse du peuple hébreu, puisque, nous le voyons, les scribes viendront vers Jean Baptiste et lui demanderont « Qui es-tu ? Es-tu Elie ? Es-tu le Messie ? Es-tu le prophète ? » le médiateur, celui que Dieu a promis pour transmettre Sa Parole afin de nous éviter de mourir ?

Le Baptiste leur répondra qu’il n’est pas le prophète : « Je suis celui qui baptise dans l’eau, viendra celui qui baptisera dans l’Esprit. » Le Baptiste les renvoie, nous renvoie à Jésus.

D’ailleurs, lors de la théophanie du Jourdain, le Père dira : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. », reprenant donc la déclaration de Moïse disant au peuple juif : « Celui-là, vous l’écouterez ! »

« Celui-là, vous l’écouterez ! »

N’est-ce pas Jésus le Prophète, le Médiateur par excellence ? N’est-ce pas Lui qui va effectivement mourir pour le peuple, Lui qui va être consumé, consommé par Sa parole proclamée ? Consumé non par le feu physique de Yahvé, mais par le zèle de Sa charité pour Dieu, Le poussant à donner Sa vie sur la croix ! N’est-ce pas Lui le Prophète véritable puisqu’Il est le Verbe de Dieu, Celui donc qui connaît en profondeur cette Parole qu’Il est chargé de transmettre ?

Oui, de même que Dieu s’est fait un corps pour venir nous sauver, parce que nous n’aurions pu contempler Sa gloire sans mourir, de même Dieu s’est donné une voix humaine pour nous dire ce qu’Il est, pour nous dire Son amour, pour nous transmettre Son message de paternité. Et cette voix humaine, c’est le Christ, « Lui qui était dans le sein du Père et qui nous l’a fait connaître. »

Cela explique la réaction des Juifs rapportée dans l’évangile : « Il parlait comme ayant autorité et non pas comme les scribes. », comme quelqu’un qui possède en plénitude la Parole et non comme le simple commentateur qui la glose.

Cela explique tout autant la réaction des Juifs qui sont saisis d’admiration. Saisis et non pas seulement « frappés » comme le dit le texte liturgique mal traduit. Ce mot, employé aussi par Luc, a toujours une connotation religieuse qui exprime l’impact de l’action divine dans une âme. « Stupebant » : Luc l’emploiera, par exemple, au chapitre 9ème, lors du récit de la guérison par Jésus d’un enfant possédé.

Dans notre passage donc, les Juifs ne se trompent pas, ils sont littéralement saisis d’admiration devant la grandeur de Dieu. C’est bien Lui le Prophète promis par Dieu, annoncé par Moïse, pour nous transmettre la Parole de Dieu.

« Si sa parole s’accomplit, ce sera le Prophète. »

L’autorité que Jésus a dans Son enseignement, Il l’a aussi dans les actes, comme dans le miracle qui va suivre : « Sors de cet homme… Et les Juifs de dire : -Qui est cet homme qui commande aussi aux esprits mauvais ? »

Car ici, comme à chaque fois que Jésus enseigne, il y a, lié à cet enseignement, un miracle, un de ces prodiges que Jean appelle des signes. Parce que les Juifs, lorsque Yahvé leur promet ce Prophète, répliquent « Qu’est-ce qui nous prouvera qu’il est prophète en Ton nom ? » Dieu leur répond : « Si sa parole s’accomplit, ce sera le Prophète. »

Pourquoi ? Non pas seulement au sens superficiel de la preuve merveilleuse, mais au sens plus profond que la Parole de Dieu n’est jamais vaine. Elle est toujours efficace. La Parole de Dieu se distingue ainsi de tout discours humain -même religieux- parce qu’elle s’accomplit : « Ma parole ne reviendra pas de terre sans avoir été efficace » disait déjà  Yahvé par la bouche d’Isaïe. Et par celle de l’auteur de l’Epître aux Hébreux Dieu nous dit encore : « La Parole est acérée comme un glaive à deux tranchants qui pénètre jusqu’au plus intime de l’homme. »

Voilà ce qui montre que la Parole est divine, non pas seulement parce qu’il y a quelque chose d’extraordinaire, mais parce qu’elle agit : « Dieu dit et cela fut… »

« Dieu dit et cela fut… »

Evacuer alors les miracles de la Parole de Dieu pour la faire accepter aux incrédules, c’est évacuer la divinité de la Parole elle-même qui ne se révèle plus comme créatrice, transfigurante.

Prenons garde cependant de ne pas tomber dans l’excès inverse en ne nous attachant qu’à l’extraordinaire et en transformant ainsi l’acte de foi que Jésus nous demande en un rêve de sentimentalité religieuse.

Si le miracle est nécessaire à la Parole pour signifier qu’elle est Parole de Dieu, la Parole elle aussi accompagne toujours le miracle. Pourquoi ? Pour nous dire justement que ce qui fait la valeur du miracle, ce n’est pas son aspect extra-ordinaire, mais bien son contenu : l’annonce, par la Parole, de la Rédemption que le miracle vient appuyer, et à laquelle il nous faut justement donner notre foi !

Ainsi en va-t-il la plupart du temps des miracles opérés par Jésus sur les malades, les boiteux, les aveugles, les paralysés, les possédés… Ce à quoi nous devons adhérer, ce n’est pas tant le fait sensationnel de ces guérisons que le sens profond dont elles sont le signe : la guérison du cœur qui se trouve à l’instant délivré de l’esclavage du Mal. L’objet de notre foi doit être en effet la guérison intérieure de l’âme.

Pour conclure, demandons la grâce de voir qu’il y a en nous des miracles qui se produisent sans cesse. Ce sont les miracles opérés par les sacrements. Eux aussi sont l’œuvre de Dieu. Comme la Parole qui les accompagne toujours, eux aussi produisent efficacement ce qu’ils signifient. Ainsi dans notre communion eucharistique dominicale, recevrons-nous réellement le Verbe incarné, créateur et libérateur.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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