Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« VOUS ÊTES MES AMIS SI VOUS FAITES CE QUE JE VOUS COMMANDE… »

Lectio divina pour le 33ème Dimanche Ordinaire

Dn. 12, 1-3 Héb. 10, 11-18 Mc. 13, 24-32

A l’approche de la clôture de notre année liturgique qui s’achèvera dimanche prochain par la célébration du Christ-Roi, l’Eglise nous fait méditer sur la fin du monde. Pour ce faire elle nous donne quelques vérités essentielles sur ce moment mystérieux qui nous fait peur.

« Le Fils de l’homme est proche, Il est à votre porte. »

Par exemple Jésus nous dit : « Le Fils de l’homme est proche, Il est à votre porte. » Nous pouvons en tirer deux points.

Voici le premier : de même que le Fils de l’homme, le Verbe, la deuxième personne de la Trinité, a été l’instrument de la Création opérée par le Père (en quelque sorte Il est l’alpha, le commencement), de même le Fils de l’homme est Celui vers qui tend toute la Création (en quelque sorte l’oméga). Parce qu’Il est au principe Il est aussi à l’achèvement, pour que toute chose trouve en Lui, qui est l’origine, sa plénitude, son accomplissement.

Deuxième point : Alors qu’Il a été l’instrument de notre création, le Verbe en a été aussi le modèle, l’icône, le type. Il en sera de même pour la re-création qui a commencé dans la nuit pascale et qui s’achèvera à la fin des temps. Le Verbe est à jamais le Prototype, le Premier d’une multitude de frères, qu’il faut suivre, auquel il faut se conformer.

« Il continue à intercéder pour nous… »

Aussi est-ce le Christ et plus exactement, comme Il le dit Lui-même, Sa Parole (Parole qui Le définit car Il est Parole de Dieu et parce que cette Parole s’est incarnée en des paroles humaines), aussi sera-ce le Christ, ou plus exactement Sa Parole qui nous jugera. C’est à la mesure de Sa Parole que nous serons mesurés, en fonction de notre conformité plus ou moins grande, de notre familiarité plus ou moins grande, avec ce Prototype et donc admis, ou non, à entrer dans la salle des noces, cette salle du festin dont il nous est parlé dans l’Evangile lorsque Jésus enseigne Ses apôtres sur la fin des temps.

Il est important d’insister sur ce point quelquefois oublié : le Christ, à ce moment-là, exercera Son sacerdoce. Le sacerdoce, nous rappelle l’épître aux Hébreux, est cette fonction qui consiste à mettre en relation l’homme et Dieu.

Bien souvent nous réduisons le rôle sacerdotal du Christ à cet instant de la Croix alors qu’il s’étend dans l’éternité, qu’Il continue à intercéder pour nous. Or, c’est à ce moment précis, l’heure du jugement, qu’Il exercera Son sacerdoce en plénitude puisqu’Il nous mettra à jamais en face de son Père. Il mettra définitivement en relation éternelle avec le Père tous ceux qui, dit l’épître aux Hébreux, auront accepté de recevoir de Lui la sainteté. Oui, c’est à ce moment-là que s’établira parfaitement la relation entre l’âme et Dieu, à travers la fonction sacerdotale de Jésus-Christ.

« Réjouis-toi serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître ! »

Ce moment de la fin du monde est en quelque sorte anticipé pour chacun de nous à un autre instant, une autre heure : l’heure de notre mort. D’où la précision de Jésus : « Le Fils de l’homme sera proche, Il sera à votre porte. » A la porte de chacun à cette heure bien précise où, le temps s’arrêtant pour celui qui meurt (celui qui passe comme dit l’expression populaire exprimant bien ce passage à la Vie éternelle), il devient alors incapable de poser un acte moral, c’est à dire il est incapable de mériter ou de démériter. C’est dire qu’à l’heure de notre mort (comme nous le prions dans le « Je vous salue Marie »), à l’heure de cette pâque, nous sommes fixés pour l’éternité : dans un acte de refus, ou de plus ou moins grande familiarité avec Dieu, ou de communion parfaite avec Dieu.

Nous remarquons que le Fils de l’homme ne nous donne pas la date de ce moment ; Il ne la connaît pas Lui-même et Dieu ne la Lui révèle pas.

Pourquoi ? Pour nous surprendre méchamment comme l’on cherche à prendre en faute un garnement que l’on n’aime pas ? Pas du tout ! C’est bien au contraire, ainsi que l’Evangile nous le rabâche, pour que nous soyons vigilants, pour que nous gardions nos lampes allumées, pour que nous soyons prêts, pour que nous travaillions sans cesse au service du Seigneur… Pour que, lorsque le Seigneur frappera à notre porte au moment de notre mort, Il nous trouve en état de service et qu’Il puisse nous dire : « Réjouis-toi serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître ! »

S’établir dans la fidélité…

Alors pour rester justement vigilants, je dirais sur nos gardes, pour rester en état de service, pour faire en sorte que lorsque le Seigneur arrivera, il nous trouve au travail et, selon l’expression de Jésus, « Il se mette alors à nous servir », c’est à dire qu’Il nous donne d’entrer dans la maison de son Père, la liturgie de ce jour nous donne trois éléments essentiels.

Le premier que nous trouvons dans la Collecte, c’est la fidélité. Nous avons demandé dans la Collecte, d’être établis dans la fidélité.

La fidélité, c’est la foi qui dure dans le temps. Il ne s’agit pas seulement d’être baptisé : il s’agit de vivre en baptisés ! Il s’agit de mettre en œuvre notre engagement baptismal. La fidélité c’est la persévérance dans l’Evangile, jour après jour, minute après minute, seconde après seconde ; cette persévérance dont Jésus nous dit Lui-même qu’elle sauvera notre âme. C’est le premier point.

« Marche en ma présence et sois parfait ! »

Le deuxième élément, c’est la prière. De nécessité absolue, déjà pour demander cette fidélité comme nous l’avons fait en priant dans la Collecte, parce que c’est une grâce que l’on doit demander, d’être fidèle à Dieu.

La prière c’est un état : être en union avec Dieu. La prière c’est un mode d’être qui consiste à garder constamment dans notre cœur le souvenir de Dieu, « la mémoire de Dieu » comme dit la Parole. Il ne s’agit pas de rabâcher, de faire acte de présence physique. Il s’agit de faire acte de présence intérieure, spirituelle, fondamentale : garder en soi le souvenir de Dieu comme l’époux garde en lui le souvenir de sa femme, de ses enfants, ou l’ami garde en lui le souvenir de son ami.

La prière est aussi un mode d’agir. L’Ecriture le définit comme une marche constante en présence de Dieu : « Coram Deo intus ambulantes… » « Marche en ma présence et sois parfait… » Marche toujours devant Moi, c’est à dire : fais toute chose en sachant que Je suis en toi, que Je te vois, que Je t’écoute et que Je t’aime.

C’est le vivre pour Toi que nous prierons dans la Prière sur les Offrandes. Vivre pour Dieu n’est pas difficile. Il ne s’agit pas de faire des choses exceptionnelles. Il s’agit de faire toutes choses, de la plus simple à la plus difficultueuse, de la plus basse à la plus élevée, de la plus cordiale à la plus professionnelle ou automatique, faire toutes choses en sachant que Dieu est en moi, qu’Il me voit, qu’Il m’écoute et qu’Il m’aime.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Et le troisième élément que la liturgie de ce jour nous donne pour nous faire demeurer en état service et de vigilance, c’est, bien entendu, la charité.

Nous en parlerons dans la Postcommunion de cette charité reçue dans l’Eucharistie. Curieusement, nous remarquons qu’elle vient en dernier. Mais c’est logique parce qu’elle dépend du veiller et prier !

N’est pas charitable qui veut. On peut être gentil, aimable, philanthrope ; on peut être de service, dévoué, mais on n’est pas charitable comme cela, naturellement… Parce que la charité c’est la vie même de Dieu, donc il faut être uni à Dieu pour pouvoir transpirer cette vie sur le prochain ; pour agir suivant Son mode de vie à Lui qui est l’amour ! C’est dans la mesure où, dans la prière, je reste uni à Lui, qu’effectivement je peux ensuite appliquer ce commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Pour reprendre la phrase de saint Paul : « Que nous mourions ou que nous vivions, nous sommes au Seigneur. »

C’est vrai, c’est ce qu’il faut faire. Lorsque dans la prière, grâce à la prière, je persévère dans mon engagement baptismal, lorsque dans la prière je demeure en Lui qui est amour, alors effectivement je peux vivre de cet amour et je suis, me dit Jésus, reconnu comme un disciple : « A ceci nous reconnaîtrons que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. »

Alors pour ces âmes de disciples, lorsque la pâque arrive, la mort n’est pas une fin mais c’est une entrée dans la Vie, ainsi que le chantait Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est une entrée dans la maison du Père. Nous devenons Ses amis. A jamais et pour toujours ! Car souvenons-vous de ce que dit Jésus : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande… »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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