Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« ACCUEILLIR LE CHRIST EN MA VIE POUR ENTRER DANS LA SIENNE ! »

Lectio divina pour le 2ème Dimanche de l’Avent Année A
Is.11, 1-10 Rm.15, 4-9 Mt.3, 1-12

Discernement

« En ces jours-là parut Jean… » Nous progressons dans notre spiritualité de l’Avent. Alors que dimanche dernier nous contemplions l’Avènement glorieux, le retour de Jésus, nous commençons, avec ce 2ème dimanche à descendre vers le mystère de l’Incarnation, à suivre Jésus ou mieux encore, à Le précéder dans cette descente du Ciel vers la terre, comme L’a précédé Jean dont l’Église veut nous parler aujourd’hui.

« Éveille en nous cette intelligence du cœur… »

Nous avons entendu la Collecte dans laquelle nous avons demandé à Dieu de nous donner l’intelligence du cœur, pour nous préparer à accueillir Son Fils, Celui qui, dira Jean dans le 4ème évangile, « enlève le péché du monde », vient nettoyer nos poussières, la saleté de notre vieil homme… Quel est le sens de cette collecte ?

Tout simplement, ceci : lorsque nous faisons appel à une entreprise de nettoyage ou à un jardinier pour rénover nos extérieurs ou notre intérieur, nous commençons par faire le tour de notre propriété et détecter les points, les endroits qu’il va falloir nettoyer, repeindre ou laver.

Nous demandons donc à Dieu ce regard intérieur capable de discerner en nous ce qui doit être nettoyé ; le regard étant la partie intellective de l’acte intérieur, regardant la partie cordiale. Car il ne s’agit pas de faire une analyse uniquement intellectuelle, ni non plus de se contenter d’une sentimentalité.

C’est assez difficile, et c’est pour cela que nous demandons à Dieu une grâce toute particulière pour nous donner ce regard intérieur qui va nous préparer à accueillir non seulement affectivement Jésus à Noël -nous sommes tous capables de le faire depuis notre plus jeune âge avec la crèche, le sapin et la bûche en chocolat- mais de L’accueillir effectivement.

« Je suis la vie… »

Nous ne devons jamais oublier que c’est en proportion de cette préparation de notre cœur, de ce regard intérieur actif et vrai, porté sur nous-mêmes, que nous serons purifiés, que nous accueillerons effectivement le Christ qui vient enlever le péché du monde, et que nous entrerons dans Sa Vie comme le précise encore la Collecte.

C’est important de ne pas oublier la finalité ultime qui donne un sens à tous ces efforts : la Vie ! N’hésitons pas à le dire : il faut arriver à nous défaire, année après année, de notre tempérament janséniste qui nous donne un regard pessimiste sur la Révélation.

Si je me regarde, ce n’est pas par psychologisme, c’est pour être transformé. Si je me quitte c’est pour tomber en Lui et non pour faire de l’activisme à tout prix… Si je me renonce ce n’est pas par masochisme, mais c’est pour Le suivre ! Si je prends ma croix, ce n’est pas par dolorisme, mais pour ressusciter auprès du Christ !

En Lui réside l’esprit de sagesse, de conseil, de discernement…

La merveille des merveilles, c’est que Dieu nous accompagne dans ce mouvement de contemplation intérieure, ce mouvement de purification ! Jésus est déjà né il y a 2000 ans certes, mais Il est dans Son Église, Il est proche… Et, comme le rappelle Isaïe, en Lui réside l’esprit de sagesse, de conseil, de discernement, c’est donc Jésus Lui-même en tant qu’Il est le pédagogue, le maître, qui va m’aider à discerner en moi ce qui doit être purifié par Lui !

Il nous faut passer du simple stade de la psychologie et de la psychothérapie au stade de la vie théologale : si nous faisons un examen de conscience pour trouver l’état de grâce, nous devons être déjà, dans une certaine mesure, en état de grâce. Ou du moins le désirer de toutes nos forces intérieures ! Nous ne sortons pas de Jésus pour trouver Jésus, nous nous y mettons au contraire.

« Jésus est irrémédiablement du côté des pauvres et des pécheurs. »

Jésus nous aide par Son discernement, mais Jésus fait plus.

Jésus nous promet qu’Il va nous juger avec droiture, quelle que soit la noirceur de notre jardin intérieur, quel que soit le paquet de ronces à déraciner.

Isaïe nous l’annonce : ce fils de Jessé ne juge pas suivant les hommes et suivant les apparences, Il sondera les reins et les cœurs, Il jugera avec droiture. Et Léon Blois disait que depuis l’Incarnation, Jésus est irrémédiablement du côté des pauvres et des pécheurs.

Lorsque Jésus donc m’aide à faire ce discernement, c’est en ami, en frère, en père et non pas en juge qu’Il le fait.

« Car rien n’est impossible à Dieu. »

Jésus est tellement sûr d’être avec moi depuis l’Incarnation, depuis qu’Il a pris la chair que je possède moi aussi, qu’Il me promet dès maintenant, (et ceci quelle que soit ma faiblesse et quelles que soient mes trahisons futures), que je peux posséder les biens propres à l’eschatologie et au Royaume dans sa plénitude : le bonheur et la paix, décrits par Isaïe dans la lecture. Oui, je peux rêver d’établir en moi-même avec la grâce de Dieu, et ce quel que soit mon état actuel, ce qui caractérise la vie divine : l’ordre, la justice, l’amour, la paix !

Jésus me promet que mes passions les plus féroces (le lion), les plus violentes (l’ours), les plus vicieuses (le cobra), ne seront pas détruites -Dieu ne détruit rien de ce qu’Il a créé- mais elles seront transformées. Le lion deviendra placide comme le bœuf, l’ours deviendra doux comme la vache, le cobra comme un nourrisson aura l’esprit d’enfance ! Il ne s’agit pas de tuer quoi que soit en moi, à part le vieil homme.

Ma matière humaine, elle est trop belle, issue qu’elle est des divines mains ! Elle n’est pas à briser mais bien au contraire à embellir et à transformer ! Voilà ce que Jésus peut me promettre « car rien n’est impossible à Dieu. »

« Accueillez-vous les uns les autres ! »

Alors, forts de cette promesse, nous allons partir vers Noël, pleins d’optimisme et pleins d’espérance ! Cette espérance dont nous parle Paul, en nous rappelant que cette vertu qui nous interpelle regarde aussi l’autre.

Paul nous invite à ce que nous pourrions appeler l’espérance des âmes. Ce que Jésus me promet à moi, Il le promet à mes voisins, à mes frères, à mes proches. Pourquoi prétendre être le seul à pouvoir être sauvé ? À ceux qui me paraissent le plus irrémédiablement éloignés de l’Église et des sacrements, à eux aussi, est faite cette promesse. Aussi saint Paul nous demande-t-il d’avoir un autre regard sur l’autre.

En tous les cas, nous devons faire attention que cette purification demandée par Jésus, cet appel au Christ pour enlever en nous le péché, soit vraie et donc effective.

Et là ne me suffit pas la certitude intérieure. Comme le pensent certaines braves personnes qui disent : je me confesse à Dieu qui voit bien ce que je fais, et qui me pardonne… C’est quand même risquer gros que de jouer sa Vie éternelle sur un sentiment lorsqu’on sait la volatilité de notre psychisme qui dépend du soleil et de la lune, de l’âge, du sommeil…

Avoir le sens des choses de ce monde et l’amour des biens éternels.

Il faut, dit Jean Baptiste, exprimer par un fruit la réalité de ma conversion, de ma purification, de mon entrée dans la Vie. Puisque je suis un vivant il faut que ma vie quotidienne soit l’expression de ce fruit. Le Précurseur dira aux soldats : « Ne molestez pas… », aux publicains : « Ne prenez pas plus que ce que vous devez… », bref, à chacun : faites votre travail, bien, avec la densité que Jésus, auprès de Son père Joseph, a dû mettre dans Son ouvrage de charpentier.

En bref si ma purification est vraie, je pourrai déclarer en vérité ce que nous prions dans la post-communion de ce dimanche : j’aurai le sens des choses de ce monde et l’amour des biens éternels.

Aimer le monde et avoir le sens des biens éternels

Et l’on peut même dire : j’aurai l’amour des choses de ce monde et le sens des biens éternels. Si nous arrivons à dire cela, à le penser, à le vivre, nous sommes convertis.

Au début de la messe, nous demandons qu’aucune chose de ce monde n’entrave notre marche vers Dieu. Parce que justement nous faisons une séparation entre l’être chrétien et l’être du monde. À chaque instant nous devons prendre une décision dans notre vie familiale ou professionnelle et nous avons alors l’impression d’être écartelés entre le pratique, l’utile, le normal et l’évangélique, le juste, le bon…

À chaque décision à prendre, nous sommes comme écartelés. Nous ne comprenons pas qu’il nous faut certes aimer le monde, puisqu’il a été créé par Dieu, mais il faut l’aimer dans le sens et dans la direction que lui donne le monde à venir, qui est le véritable monde. Je dois aimer le monde, je dois aimer mon corps, je dois aimer mes qualités, je dois aimer la création je dois aimer la terre, je dois aimer mes frères, je dois aimer tout ce qui est sorti des mains de Dieu en fonction de cette direction que Jésus est venu me révéler : celle du Royaume des Cieux.

C’est dans le monde que je suis appelé à me sanctifier !

J’aime le monde en fonction de la direction du Ciel ou bien : je dirige les choses de ce monde en fonction de mon amour de l’avenir et de l’Au-Delà. Deux formules qui s’interchangent et qui nous montrent bien qu’il n’y a pas d’impossibilité entre le monde et l’évangile, en ce sens que c’est dans le monde que je dois me sanctifier, et que le monde d’ailleurs se charge souvent, malicieusement, de me sanctifier quelquefois contre mon gré !

Voilà le fruit le plus simple, je dirais le plus banal qui va peut-être sembler manquer de hauteur, mais qui est peut-être le plus difficile à pratiquer. C’est facile de partir en retraite, c’est facile de venir dire le chapelet, c’est facile de venir une heure à la messe tous les dimanches, (c’est déjà bien de le faire !), c’est beaucoup plus difficile d’être évangélique 24 heures sur 24.

 

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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