Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« QUI VOUS ÉCOUTE, M’ÉCOUTE ! »

Lectio divina pour le 29ème Dimanche Ordinaire

Is. 53, 10-11 He. 4, 14-16 Mc. 10, 35-45

Aujourd’hui, l’Eglise universelle nous demande de célébrer le Dimanche de la Mission et de l’évangélisation. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pour comprendre la réalité qui se cache derrière ce mot de mission, il suffit de regarder autour de nous dans l’expérience quotidienne de la communauté paroissiale à laquelle nous appartenons et qui est l’Eglise. C’est à cette époque de l’année, par exemple, que les catéchistes de nos paroisses vont être envoyés en mission.

Voici le même mot et donc la même réalité ecclésiale. Rassurons-nous ! Ces bonnes volontés ne vont pas être envoyées en Asie, en Afrique ou dans tout autre pays. Non justement, elles vont rester là. Comme quoi, pour être missionnaire ou pour parler de la Mission, il n’est pas nécessaire de prendre le train pour Pékin ! La preuve en est que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui a vécu toute sa courte vie cloîtrée dans son Carmel, est Patronne des missions !

Envoyé en mission…

Cette expression nous rappelle ce qui est compris déjà dans le terme de mission. La mission est en soi et avant toute autre chose, une mission, c’est-à-dire une charge. C’est une responsabilité qui incombe et qui dépend d’un ordre. Soit un ordre personnel comme celui du Curé au nom de l’évêque ; soit un ordre plus général que l’on appelle l’ordre des choses. L’ordre des choses veut, par exemple, que les parents aiment leurs enfants, que les enfants obéissent à leurs parents ou que les fidèles écoutent l’enseignement de leurs pasteurs…

Donc, la mission est une responsabilité, reçue par un ordre donné. Que va faire celui ou celle qui est envoyé en mission ?

Mission, trans-mission…

Mission, trans-mission : ce n’est pas plus difficile que cela. Celui qui est envoyé en mission, le missionnaire est chargé de transmettre.

De transmettre quoi ? De transmettre ce qu’il a reçu, tout simplement ! Lorsque je transmets ce que j’ai reçu, pour reprendre l’expression de l’apôtre Paul, je ne fais rien d’autre que de participer à l’élaboration de la tradition (du latin tradere, transmettre).

Actuellement, le mot tradition a une connotation péjorative : il ne faut surtout pas être traditionnel, encore moins traditionaliste ! C’est pourquoi nombre d’éducateurs, de parents de grands-parents n’osent plus rien transmettre de peur d’être taxés de traditionalistes ! Notre société demande aux anciens de ne plus rien transmettre et de n’être que des chiens muets !

Pourquoi ? Parce que !

La Tradition, c’est tout simplement ce qui se transmet. Mais la Tradition n’est pas quelque chose de mort ni de figé. Et c’est peut-être là où ceux qui n’aiment pas le traditionnel ont quelque peu raison. Souvent, nous transmettons un message qui ne vit plus, nous transmettons des réalités que nous ne connaissons plus, c’est-à-dire avec lesquelles nous ne vivons plus. Pourquoi dois-je faire ceci ? Parce que c’est comme ça ! Pourquoi dois-je aller à la messe le dimanche ? Parce que ! Pourquoi ? Parce que ! Pourquoi ? Parce que ! Effectivement, çà, c’est du traditionalisme.

Or si nous lisons le rituel de l’envoi en mission des catéchistes, nous y trouvons que celui qui est envoyé en mission dans la catéchèse est chargé d’initier ce qu’il a appris lui-même à vivre et à célébrer. C’est pourquoi il n’y a rien de plus vivant que la Tradition comme l’Eglise nous donne à entendre, à recevoir et à transmettre !

Transmettre ce que nous vivons et célébrons…

Or que vivons-nous et que célébrons-nous, nous chrétiens ? Nous célébrons un évènement unique. Si unique, si extraordinaire et si puissant qu’il est capable en lui-même de se reproduire, d’être rendu présent à tout instant. Cet acte unique, c’est la Pâque du Seigneur. C’est la Victoire, dans la Résurrection, de la Vie sur la mort, de l’Amour sur le péché, de l’obéissance de Jésus sur la désobéissance d’Adam. Voilà ce que nous célébrons.

Et qu’apprenons-nous à vivre ? Nous apprenons à faire nôtre cette Pâque de Jésus, c’est-à-dire à passer nous-mêmes, jour après jour, et même heure après heure, de la mort à la Vie, du vieil homme à l’homme nouveau, de l’homme pécheur à l’homme esclave de la justice, pour reprendre l’expression de saint Paul…

Etre passeur de la Vie…

Comment pouvons-nous alors réduire la Tradition à la transmission d’un savoir et d’une doctrine, si belle, si élevée, si philanthropique soit-elle ? Le prêtre ne fait que transmettre ce qu’il célèbre dans son sacerdoce ministériel. Le laïc transmet ce qu’il célèbre dans son sacerdoce cultuel, c’est-à-dire, la Pâque du Seigneur à laquelle il adhère, la Bonne Nouvelle de la Joie, le message du Salut qu’il essaie de vivre, de faire sien jour après jour.

Effectivement, si nous réduisons la tradition de la foi à la transmission du Symbole en tant qu’il est écrit noir sur blanc dans le livre de catéchisme, nous ne transmettons qu’une lettre, nous ne donnons pas l’esprit et encore moins l’Esprit ! Et c’est notre faute à nous, clergé ou communautés familiales de ne pas savoir transmettre l’esprit avec la lettre, de ne pas être de fidèles passeurs de Vie… C’est une des raisons qui peut expliquer la déchristianisation de notre pays, fille aînée de l’Eglise…

« Si vous êtes fidèles à ma parole, vous connaîtrez la vérité… »

Où le missionnaire va-t-il puiser cette Bonne Nouvelle du Salut ? Dans la Parole de Dieu et l’enseignement de l’Eglise qui en découle entièrement.

C’est en effet dans la Parole de Dieu et particulièrement dans l’Evangile qui La centralise et La réalise, plus encore dans l’Evangile lu cum ecclésia, (c’est-à-dire dans le cadre spirituel de l’Eglise enseignante), que nous trouvons le message de Jésus.

Or, qui d’entre nous s’applique à entrer dans la Parole de Dieu autrement que d’écouter d’une oreille distraite et non préparée, les lectures dominicales et l’homélie du célébrant ? Qui d’entre nous s’applique à s’instruire dans le magistère de l’Eglise, gardienne de l’Evangile puisque l’Evangile est inspiré par l’Esprit et que l’âme de l’Eglise est ce même Esprit ?

Qui s’ingénie à comprendre ces passages de Paul si compliqués ou ces passages de l’Evangile connus et rabâchés ? Qui s’ingénie à entrer dans les profondeurs mystérieuses de cette Parole de Dieu sans cesse renouvelée à nos oreilles, parce que vivante de l’Esprit qui n’en finit jamais de se donner ?

« Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création. »

C’est pourtant dans cette Parole de Dieu, lue en communion ecclésiale, que je puise pour transmettre la Bonne Nouvelle du Salut et ainsi être missionnaire.

C’est pourquoi nous avons vraiment besoin de prier les uns pour les autres, afin de nous stimuler mutuellement à devenir de véritables missionnaires qui déverseront autour d’eux l’Eau vive du Salut et la Joie de l’Esprit. Nous devons spécialement prier pour trois choses.

Premièrement pour que nous ayons, le désir intérieur de nous ressourcer sans cesse à cette Parole qui est la Source à laquelle nous puiserons le message à transmettre : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile ! »

« Au cœur de l’Eglise je serai l’amour… »

Nous allons prier afin que nous nous situions nous-mêmes au cœur de l’Eglise, comme disait la petite Thérèse, afin d’être le plus possible immergés dans l’Esprit de Vérité pour La mieux transmettre de manière vécue et vivante et non pas comme un simple savoir.

Ce n’est pas réservé à une quelconque élite de théologiens ou d’évêques de faire des beaux discours sur l’Evangile. C’est l’apanage de ceux qui sont dans l’Esprit Saint, qui vivent de cet Esprit, Auteur de l’Ecriture, et qui donc ont en eux-mêmes de manière habituelle, le Maître, le Pédagogue, l’Exégète.

Puis, nous invoquerons l’Esprit Saint pour que nous ayons ensuite l’intelligence de proclamer cette foi, cette adhésion à la Parole de Dieu, et de rendre compte ainsi de l’espérance qui est en nous.

« Se laisser ouvrir l’oreille… »

Enfin et surtout nous devons prier l’Esprit Saint pour avoir la force, la persévérance de transmettre par l’exemple ce que nous aurons proclamé.

Ce n’est pas facile d’enseigner aux autres. Nous sommes d’abord pris à notre propre piège de l’exemplarité. Nous sommes pris aussi à de multiples autres pièges : celui de la lassitude et du découragement, qui peut être provoqué avant tout par nos propres limites intellectuelles ou morales, et par la surdité d’un monde qui semble résolument fermé à l’Evangile.

La première lecture nous montre bien que le serviteur du Seigneur chargé de proclamer la Bonne Nouvelle de la foi, (la foi en Jésus-Christ comme le rappelle l’Epître aux Hébreux) ce serviteur-là est appelé à mourir à lui-même de mille et une façons car il est appelé à « se laisser ouvrir l’oreille » comme dira Isaïe pour que la Parole puisse entrer, pénétrer et faire chez lui Sa demeure.

Rendez compte de l’espérance qui est en vous !

Je crois que la plus belle grâce que nous avons à demander en ce jour consacré à la Mission de l’Eglise, c’est de prendre conscience que chacun de nous est appelé à être missionnaire, là où le Seigneur l’a planté, dans le cadre de ses devoirs d’état.

Nous avons évoqué l’ordre des choses qui préside à l’envoi en mission de chaque baptisé. Car justement, l’ordre des choses, c’est l’ordre de notre baptême !

Le baptisé qui n’est pas témoin n’est pas un baptisé cohérent, et finalement, n’est pas un chrétien qui vit et agit selon la vérité.

Que chacun prenne conscience de son rôle de missionnaire en tant que baptisé ! Ce sera la meilleure manière d’aider l’Eglise à renouveler et dynamiser son engagement missionnaire jusqu’aux extrémités de la terre !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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