Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« CELUI QUI NE PORTE PAS DE FRUIT N’APPARTIENT PAS À L’EGLISE. »

Lectio divina pour le 5ème Dimanche de Pâques au 29 avril 2018

Après le concept du Pasteur, emprunté par Jésus à l’Ancien Testament, voici celui de la Vigne. Dans l’Ancien Testament, la vigne, c’est le peuple élu, celui qui est choyé par Dieu. C’est la propriété de Dieu, ce qui Lui appartient. Plus encore : c’est Son trésor… Mais voilà que Jésus, dans le discours après la Cène lu dans la Liturgie, nous dit : « Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. »

« Moi, je suis la vraie vigne… »

« Moi, je suis… » Comme pour le Bon Pasteur, parce qu’Il est Dieu, Jésus peut reprendre l’expression de la révélation de Yahvé à Moïse : « Je Suis Celui qui suis. » Et ce Dieu qui nous parle se définit comme la vigne véritable. Forcément : tout dans la création est vestige. L’homme, lui, est plus que vestige : il est ressemblance de Dieu. Il était donc normal que le peuple élu fut appelé dans l’Ancienne Alliance la vigne de Yahvé.

Mais, puisque le Christ est Dieu, Il est la véritable vigne. Non pas au sens où nous pourrions l’entendre, pensant que Jésus nous dit qu’Il est comme la vigne, à son image. Mais non ! La réalité plénière n’est pas la vigne que nous connaissons. L’archétype, la plénitude de la réalité, c’est Dieu, dont l’homme est à l’image, et dont les réalités terrestres ne sont qu’une pâle reproduction. Ce n’est donc pas Jésus qui est comme notre vigne, c’est notre vigne qui représente, de très loin, la personne divine incarnée visiblement en Jésus.

Voilà donc que le Chéri de Dieu, ce n’est plus, apparemment, le peuple élu, c’est le Fils : « Celui-ci est mon Fils, mon Chéri, mon Unique, mon Bien-Aimé, celui que vous devez écouter. »

« Moi, je suis la vraie vigne », comme Il dira : « Je suis la porte… » qui ouvre sur la Vie éternelle… Ou comme Il dira : « Moi je suis le Pain, le Véritable… » celui qui nourrit en Vie éternelle… Cette vigne chérie de Dieu, cette propriété de Dieu, elle communique la vie, et c’est pour cela qu’elle est véritable ! Seul Dieu donne la Vie. « Moi, je suis la vraie vigne » parce que je communique la Vie Eternelle. Quelle transformation par rapport aux figures de l’Ancien Testament !

« Mon Père est le vigneron… »

Mais comment Jésus va-t-Il nous communiquer la Vie éternelle ? Par la sève de la vigne : c’est elle qui donne le fruit. Et cette sève, c’est Son sang : « Voici mon sang versé pour vous… » « Pour que le monde ait la Vie. » Ce n’est pas pour rien que Jésus fait ce discours après la Cène : « Prenez et buvez-en tous, ceci est la coupe de mon sang pour la rémission des péchés. »

Mais ce sang, c’est le sang de Dieu ! « Mon Père est le vigneron… » Là encore, nous ne saisissons peut-être pas tout le sens de cette parole. Nous en restons à l’Ancien Testament où Yahvé se définit effectivement comme le gardien de la vigne, celui qui l’entoure, celui qui la dépierre, celui qui la protège. Mais ici, le mot prend un sens tout autre : « Moi je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. » Le Père, c’est le géniteur du Fils et donc le vigneron est celui qui engendre la vigne. Ce n’est pas seulement celui qui la soigne de l’extérieur comme on soigne un arbre. « Mon Père est le vigneron » : c’est Lui qui m’engendre !

Ainsi la Vie que le Fils donne vient de Son intérieur le plus profond ; elle vient de l’intérieur de Dieu. C’est la Vie du Père qui passe dans le Fils – qui est la vigne – et c’est cette même Vie qui va passer de la vigne dans les sarments. Quelle différence avec l’approche tout en figure de la révélation de l’Ancienne Alliance !

« Je suis la vigne, vous êtes les sarments… »

Et les sarments qui sont-ils ? Le sarment, c’est ce qui reste enté au cep, c’est ce qui demeure dans le pied. D’où les paroles des Actes à prendre au sens littéral : « Paul, pourquoi me persécutes-tu ? Qui es-tu Seigneur ? Je suis celui que tu persécutes. »

Dans ce discours imagé de la vigne, Jésus nous révèle le lien indissoluble et transcendantal qui L’unit à l’homme. Nous savions, avec le discours sur le Bon pasteur, comment le berger était proche de son troupeau, ne faisant qu’un avec lui par la connaissance de l’amour.

Aujourd’hui, Jésus insiste : « Je suis la vigne. » Donc Je Suis cep et sarments tout à la fois. Vous êtes sarments : donc vous êtes sarments ne faisant qu’un avec le cep. Nous sommes unis de manière indissoluble, la Tête avec le corps, le corps avec la Tête, par ce qui fait la jointure avec tous les membres, dira Saint Paul, cette sève, ce flux vital qui passe d’une jointure à l’autre pour permettre à tout de se mouvoir et de vivre : l’Esprit Saint qui est la charité de Dieu. Voilà que nous sommes Un avec Lui comme Il est un avec le Père. C’est le plus grand souhait du Christ : « Qu’ils soient un comme nous. » 

« Afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle… »

Le sarment qui est donc uni au cep pompe sa sève Le membre pompe le sang de Jésus, pompe la vie du Fils, et ce faisant aspire la vie du Père, la vie divine. A condition d’abord d’avoir foi en Jésus. D’où l’injonction du Christ : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qui l’a envoyé. »

La deuxième condition pour vivre sous perfusion de la Vie divine est de nous aimer les uns les autres car, nous rappelle Jean, pour demeurer en Dieu « il faut avoir foi en son Fils, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé… » Voilà la raison du commandement que Jésus, nous donne dans Son discours sur la Vigne : « Si vous gardez mon commandement vous demeurerez en Moi, et Moi je demeurerai en vous… » Condition nécessaire et suffisante pour porter du fruit : « Celui qui demeure en moi, celui-là porte beaucoup de fruit. »

Quel commandement merveilleux pour notre vie que celui d’adhérer à Jésus, celui de ne faire qu’un avec Lui pour vivre de Sa vie ! Quel commandement essentiel que celui-là puisque c’est par cette union à Jésus que nous respirons du même Esprit ! Nous inspirons le même Esprit et nous expirons, comme Jésus sur la croix, le même Esprit : « Ceux qui vivent de l’Esprit sont fils de Dieu. »

« Celui qui demeure en moi, celui-là porte beaucoup de fruit. »

Ce commandement est important non seulement pour notre personne, pour notre salut, mais parce que si nous demeurons en Lui, nous portons du fruit. Or, nous sommes l’Eglise qui est appelée à transmettre, à porter du fruit. Jésus nous le dit Lui-même : « Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les. » Transmettez-leur la Vie ! Ce qui faisait dire à S. Jean-Paul II : « Celui qui ne porte pas de fruit n’appartient pas à l’Eglise. »

Pour comprendre l’importance de l’Eglise dans nos vies, regardons saint Paul. Il a vu le Christ, dans cette expérience mystique du chemin de Damas, et pourtant, il doit se faire baptiser parce qu’il n’a pas vécu avec Jésus, il n’a pas demeuré en Lui jusqu’à cet instant où il reçoit le baptême des mains d’Ananie.

Il doit passer par l’Eglise qui est chargée de transmettre la Vie divine. Comme Jésus nous transmet la Vie de Son Père, ainsi l’Eglise nous transmet-elle la Vie du Fils, à commencer par le Baptême. L’Eglise est le corps intermédiaire nécessaire pour créer notre relation à Dieu, pour la construire.

Y songeons-nous ? Songeons-nous que la foi qui anime notre vie chrétienne, nous est transmise par l’Eglise et dans l’Eglise ? Réalisons-nous que c’est l’Eglise qui nous a transmis la foi, ne serait-ce que par la présence autour de nous de nos parents et grands-parents, de nos amis, d’une communauté paroissiale ? Nous ne croyons pas en Dieu tout seuls. Car pour croire il faut que l’on nous ait enseigné et pour que l’on nous ait enseigné, il faut qu’il y ait eu quelqu’un d’envoyé : « Comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment l’entendre sans prédicateur ? » écrivait Paul aux Romains.

« N’aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité… »

Si l’Eglise transmet la foi, elle transmet aussi la charité par le biais de tous les exemples de sainteté qui jalonnent et éclairent son histoire à travers le monde. Nous avons certainement déjà eu l’occasion de voir autour de nous ces exemples d’une charité vécue, dans toute la force vive de l’Esprit… Et même avons-nous pu profiter de ces charités rencontrées en cherchant à les imiter… N’est-ce pas comme cela d’ailleurs que l’enfant peut grandir et découvrir l’amour, en regardant et voyant de quel amour ses parents essayent de développer leur amour conjugal ?

Quand nous aimons en actes et en vérité comme nous le demande Saint Jean, nous témoignons de notre adhésion à Jésus, nous témoignons que nous sommes entés, greffés sur Lui, que c’est le même Esprit, la même sève, le même sang qui passe du Père au Fils et du Fils en nous. Nous portons alors du fruit pour la gloire du Père, « car c’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit… »

Que veut dire porter du fruit ? Si j’aime en acte et en vérité, c’est que mon être est greffé sur l’être de Jésus qui dépend Lui-même de l’être du Père. De sarment que je suis vis-à-vis du Christ, je deviens cep vis-à-vis de mes frères par cette charité divine que je transmets et qui contribuera à leur donner lumière, chaleur, confiance, espérance, joie enfin d’un cœur qui se découvre aimé par Dieu et Ses enfants. Et la chaîne de sainteté dans l’Eglise se transmet ainsi de génération de fidèles en génération de fidèles…

Essayons donc de redécouvrir le mystère de l’Eglise, non pas seulement comme une institution qui a bien entendu ses défauts et ses fixismes, ses richesses, ses misères, ses péchés, mais comme une Mère, une Mère qui donne la Vie comme Marie : « Femme, voici ton fils, fils, voici ta mère. »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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