Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« L’AMOUR PREND PATIENCE ! »

Lectio divina pour le 29ème Dimanche Ordinaire – Année C
Ex.17, 8-13 2Tim.3, 14-4, 2 Lc.18, 1-8

Dans la Collecte nous avons prié Notre Seigneur afin qu’Il nous donne la grâce de vouloir ce qu’Il veut. Petite phrase bien concise qui résume le but de toute vie chrétienne ! Ainsi l’a mise en avant Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dans ses écrits autobiographiques, en décrivant la voie de l’enfance qui consiste à toujours faire plaisir à Dieu et aux autres.

 

Vouloir ce que Dieu veut ! Mais qu’est-ce que Dieu veut de nous ? Beaucoup de choses ! Les lectures insistent, en ce 29ème Dimanche, sur un point particulier qui est celui de la prière.

« Va combattre ! »

La première lecture, sans détour et de manière explicite, nous incite à prier, et à demander que nous remportions la victoire. Non pas sur les Amalécites, mais sur nos ennemis intérieurs que sont nos tentations, nos passions, nos faiblesses…

Il faut prier avec force, quelle que soit notre fatigue, quel que soit notre âge, quitte à trouver un « rocher » pour soutenir le bras de notre prière.

Ce n’est pas que Dieu ait besoin de notre intervention, mais Il veut nous associer à l’œuvre de Sa Rédemption pour respecter ainsi notre agir d’êtres libres.

Nous ne sommes jamais manipulés dans les mains de Dieu ni pour le bien, ni pour le mal. Et pour respecter cette liberté de choix qui est le plus beau cadeau que Dieu ait fait à l’homme en le créant, Il nous demande de L’invoquer pour qu’Il puisse exaucer ce que nous pensons être nos besoins.

« Demandez et vous recevrez… »

Il nous demande de L’invoquer aussi pour qu’ensuite nous acceptions réellement, du fond du cœur, avec l’humilité et la reconnaissance de celui qui se voit aidé à cause de sa faiblesse, cette grâce qu’Il veut avec empressement nous donner.

Ce n’est que lorsque nous avons conscience de nos besoins que nous pouvons effectivement apprécier à sa juste valeur le don de Dieu. Si nous pensions être justes, nous n’aurions aucunement besoin de Dieu, et lorsqu’Il frapperait à la « porte de mon âme pour souper avec moi, lui près de moi, et moi près de lui », nous pousserions le verrou, disant : -Non merci, je n’ai besoin de rien…

Dieu nous demande donc de prier, et Il nous demande de prier avec insistance et persévérance surtout au milieu des troubles, des tribulations eschatologiques qui ont rapport avec les fins dernières.

« Le Fils de Dieu trouvera-t-Il encore la foi lorsqu’Il reviendra ? »

D’où ce discours de l’évangile que nous entendrons et qui se situe chez Luc dans ce que l’on appelle le discours de l’Avènement du Royaume, où Jésus décrit aux apôtres ce qui adviendra au petit troupeau que le Père s’est choisi, ce qui adviendra au niveau événementiel, ce qui adviendra dans le cœur : les persécutions, les souffrances, les épreuves, jusqu’au manque de foi… « Le Fils de Dieu trouvera-t-il encore la foi lorsqu’il reviendra ? »

En sachant pour nous, exégètes chrétiens, que cette eschatologie ne regarde pas une époque ni encore moins une date déterminée, mais regarde plus généralement l’avènement du Royaume de Dieu, dès l’instant où Jésus commence Sa vie publique. Il le dit d’ailleurs à Ses apôtres : « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » Donc, dès le Baptême de Jésus au Jourdain, le Royaume de Dieu se manifeste publiquement et, avec lui, les tracas et les tribulations au milieu desquels l’Eglise va naître, se perfectionner, se sanctifier dans tous ses membres.

« C’est dans la persévérance que vous sauverez vos âmes. »

Jésus insiste auprès de Ses disciples en disant : « C’est dans la persévérance que vous sauverez vos âmes. » Il faut tenir bon dans la lutte, et il faut donc prier avec insistance !

Parce que si nous sommes sûrs d’être exaucés, comme Dieu nous le promet dans le passage qui précède celui que la Liturgie nous offre et où notre Seigneur enseigne : « Demandez et vous recevrez, frappez et l’on vous ouvrira… », nous ne savons pas pour autant quand nous le serons. Et l’Evangile de ce 29ème Dimanche, laisse même présager que Dieu peut attendre un certain temps avant de répondre à notre demande !

Dieu nous demande donc d’abord de prier. Il nous demande ensuite de prier avec persévérance, avec insistance, avec patience pour attendre le moment de l’exaucement où Il nous sera fait justice, pour reprendre l’expression de l’évangile.

« Soyez assidus à la prière ! »

D’où cette question que nous ne manquons pas de nous poser régulièrement : Est-ce que Dieu se moque ? Est-ce qu’Il se joue de notre détresse? Est-ce qu’Il agit avec nous comme nous faisons avec un animal auquel nous présentons un sucre, sans avoir l’intention de le lui donner vraiment ?

Lorsque nous regardons cet évangile, nous voyons que Jésus va jusqu’à comparer Son Père à un juge inique qui n’écoute pas la pauvre veuve ! Est-ce que nous nous rendons compte jusqu’où va le langage du Christ ? Même s’il lui sera fait justice plus tard, non pas « sans tarder » comme l’indique cette traduction un petit peu écorchée du texte, mais « à coup sûr » et « de manière impromptue », sans crier gare, nous ne savons pas quand !

« Pour qu’aucun homme ne périsse et que tous puissent se repentir. »

Nous trouvons la réponse dès l’Exode, réponse qui sera reprise au fil de la Bible et de la Révélation. Dans l’Exode, Dieu se révèle ainsi à Moïse : « Je Suis le Dieu miséricordieux qui fait miséricorde, qui est lent à la colère, qui supporte la faute, la révolte et le péché. » Pourquoi ? Le psaume le dit : « Parce que je sais de quoi l’homme est pétri »  c’est-à-dire d’argile et de faiblesse.

Voilà la grande réponse que Dieu donne Lui-même à Son silence… et ce que nous prenons trop souvent comme le scandale de l’inaction apparente de Dieu face aux maux de notre monde, et Dieu sait s’il y en a !

D’ailleurs, l’expression veut bien dire ce qu’elle veut dire : Dieu sait ! Dieu connaît tous ces maux et Il ne bouge pas devant les famines, devant les crimes, devant les injustices, devant tout ce qui révolte notre conscience, notre recherche de droiture…

Ce qui est pris pour un scandale est en fait la révélation de l’infinie miséricorde de Dieu qui attend jusqu’à la dernière limite… Souvenons-nous du Christ et de Judas qui fut ordonné au même titre que les apôtres, qui fut communié alors que Jésus savait dans le fond de Son cœur que Judas allait le trahir ! Jusqu’au bout Jésus lui donna Son amour et Sa confiance…

Pourquoi ? Saint Pierre nous le dit dans une de ses épîtres : « pour qu’aucun homme ne périsse et que tous puissent se repentir. »

« L’amour prend patience, l’amour supporte tout, excuse tout, espère tout. »

Voilà l’infinie patience de Dieu, la raison de ce silence, de cette inaction apparente. Voilà pourquoi Dieu semble tarder avant d’agir.

Et cette patience, Il nous demande de nous y accorder, d’en vivre. Non seulement pour nous-mêmes qui en profitons (puisque nous sommes pécheurs, nous sommes les premiers bénéficiaires de cette patience de Dieu !), mais Il nous demande de nous y accorder pour les autres. Ce qui est infiniment plus difficile ! Il nous demande en effet d’avoir, vis-à-vis du prochain, cette même patience dans notre jugement et notre attitude.

Il nous demande même plus : Il voudrait que nous soyons les signes sensibles, vivants, tangibles de Sa patience et que nous puissions ainsi manifester vis-à-vis de nos frères, l’Amour que Dieu leur porte puisque, comme nous dit Saint Paul, « L’amour prend patience, l’amour supporte tout, excuse tout, espère tout. »

« Revêtez votre cœur de tendresse, bonté, douceur, patience… »

Demandons donc, dans l’Eucharistie de ce 29ème Dimanche, la grâce d’abord de comprendre pourquoi Dieu est patient.

Demandons aussi de savoir rendre grâce pour cette patience que Dieu exerce vis-à-vis de notre propre vie trop souvent tiède et lâche et si peu évangélique… Chaque jour que Dieu nous laisse pour vivre, c’est toujours du temps que Dieu nous donne pour nous convertir ! Dieu a le temps, au sens propre comme figuré !

Et cette patience que Dieu exerce vis-à-vis de nous, Il nous demande de la transmettre en la vivant vis-à-vis des autres. Lorsque dans un groupe, dans une communauté, un chrétien vit véritablement de cette patience divine, tout s’éclaire, tout se transforme, tout est réchauffé.

Nous pouvons dire que dans notre monde actuel qui est si fatigué, voire même brisé par les multiples maux que nous évoquions, c’est un moyen facile pour nous d’apporter la paix, la joie et de remettre notre prochain sur le bon chemin de l’espérance. Puisque l’amour prend patience soyons patients et ainsi nous manifesterons l’Amour de Dieu pour tous les hommes ! Comme nous l’exhorte Paul : « Revêtez votre cœur de tendresse, bonté, humilité, douceur, patience… »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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