Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« HEUREUX SEREZ-VOUS SI VOUS FAITES CELA ! »

Lectio divina pour le 27ème Dimanche Ordinaire – Année C
Hab 1, 2-2, 4 6,1-7 2Tim.1, 6…14 Lc.17, 5-10

Les textes, prières et lectures de ce dimanche se situent à l’opposé de ceux que nous avons entendus le dimanche précédent. Nous nous souvenons qu’il y a huit jours, l’Évangile nous avait proposé l’exemple du mauvais riche, représentant l’homme qui ne voit pas, qui est comme aveugle et qui donc ne fait pas (au sens où Jésus dans l’Evangile « fait », c’est-à-dire fait le bien). Il ne voit pas Lazare, et il ne fait pas la charité.

 

« Seigneur, vous avez dépassé mon attente ! »

À l’opposé, nous est donné aujourd’hui comme objet de contemplation Dieu qui voit toutes choses. On le dit souvent aux enfants du catéchisme : -Tu sais, Dieu voit ce que tu fais… Mais est-ce que nous, adultes, nous en sommes conscients ? Pensons-nous que Dieu scrute les reins et les cœurs, non pas à la manière d’un espion indiscret, mais ainsi que l’entend l’Écriture, qu’Il perçoit la forme entière de nos actes et de nos intentions : Il sait fort bien ce qu’il y a de bon en nous, et ce qu’il y a de mauvais. Donc, Dieu voit tout, jusqu’au plus petit, au plus insignifiant de nos actes.

Et, contrairement au mauvais riche, Dieu agit. Il fait ! Comme Il fait la création, comme Il fait l’Eucharistie, comme Il fait l’Église… Il rend, Il répond à l’acte de l’homme avec une démesure inimaginable, dépassant toute justice, dépassant comme nous l’avons prié dans notre Collecte au début de la Messe nos mérites et nos désirs, « toute attente » selon le beau mot de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Seigneur, vous avez dépassé mon attente ! »

« Le juste vivra par sa fidélité. »

Et l’Évangile nous donne l’exemple en nous montrant ce petit acte de foi que l’homme pose envers Dieu, et peut-être est-ce le nôtre ? Un acte de foi pas plus grand qu’un grain de moutarde donc tout petit…

Malgré la petitesse de cet acte d’adhésion que nous devons, encore une fois, considérer comme étant peut-être la taille de notre propre acte de foi un petit peu vacillante, trop dépendante du temps ou des humeurs, en réponse à cette petite taille, Dieu nous rend au centuple comme l’exprime cette image de l’arbre que nous pourrions faire se déraciner et aller se jeter dans la mer !

« Tu es le dépositaire de l’Evangile… »

Nous remarquons que Saint Paul, dans son épître, ne dit pas autre chose lorsqu’il annonce à Timothée -et donc à chacun d’entre nous- que « par l’adhésion que tu as donné à Dieu », tu reçois quelque chose d’extraordinaire : le dépôt de l’Évangile. Et nous, avec Timothée, nous sommes donc aussi dépositaires de l’Évangile.

Cela nous laisse froids ?! Que peut bien nous importer d’être dépositaires de l’Évangile ? Un livre de plus à porter ! Ou à lire puis à mettre dans sa bibliothèque !

Être dépositaire de l’Evangile est peut-être le plus grand cadeau que Dieu nous fait !

« Celui qui croira sera sauvé. »

L’Évangile, c’est la Bonne Nouvelle du Salut, ce par quoi l’homme est sauvé lorsqu’il y adhère. Réfléchissons que Dieu, en réponse à notre acte de foi si minime, si boiteux soit-il et qui se reprend sans cesse, qui n’est pas cohérent, qui ne porte pas de fruits, en réponse à ce minuscule acte de foi, Dieu a fait de chacun et chacune d’entre nous, le dépositaire, le gardien, de ce trésor inestimable ! Il nous a confié ce par quoi chaque homme, chacun de nos frères, chaque humain de tous les temps peut être sauvé : « Proclamez la Bonne Nouvelle, celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. »

En un mot, Dieu nous a fait co-auteurs de la Rédemption et nous fait participer pleinement à l’Œuvre du Salut. Quelle est l’œuvre de Dieu demandaient les Juifs à Jésus au chapitre 6 de Jean : « L’œuvre de Dieu est que vous croyiez ! »

De même que Marie est la première des co-rédemptrices parce qu’elle donne le Christ, de même le chrétien est à l’image de Marie, co-rédempteur parce qu’il donne l’Évangile. Il est gardien de l’Évangile. Ce n’est pas seulement le prêtre. L’Évangile n’est pas le trésor des sacristies, des musées ou des gens consacrés. C’est à chaque baptisé qu’il a été confié. Quel exemple de la munificence de Dieu !

« Celui qui se laisse conduire par l’Esprit, celui-là est fils de Dieu. »

Que cela entraîne-t-il pour notre vie ?

Bien entendu, ce dépôt, cette Bonne Nouvelle du Salut n’est pas à garder scellée au fond de notre cœur comme le talent de l’intendant craintif qui creuse et qui cache sa pièce.

L’Evangile est un instrument de Salut. Il doit donc être usé ! Oui vous avez bien lu : usé par notre rédemption, usé à notre rédemption ! D’ailleurs, nos bibles chez nous ne devraient-elles pas être usées à force d’être tournées, d’être feuilletées, d’être lues et relues, ruminées, remâchées et méditées ?

L’Évangile n’est pas un livre comme les autres, l’Évangile est un instrument : Il doit servir.

Il s’agit pour nous d’abord de le ‘prendre-avec-nous’, de le comprendre, cum-prendere, de le prendre avec notre intelligence qui est illuminée par l’Esprit Saint donné au Baptême et qui revient en nous à chaque sacrement de l’Eucharistie et de la Pénitence.

L’Esprit-Saint, au sens de la Personne d’Amour qui relie le Père et le Fils dans un baiser mutuel, est l’Esprit du Père et du Fils. Mais Il est aussi l’Esprit au sens de notre esprit. Saint Paul dira : l’Esprit-Saint, c’est l’esprit du Christ. « Celui qui n’a pas l’esprit du Christ ne lui appartient pas. » Mais « celui qui se laisse conduire par l’Esprit, celui-là est fils de Dieu. »

« Nul ne sait ce qu’il y a en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. »

Donc, tout ce qui a été dit par le Père dans l’Ancien Testament comme tout ce qui a été dit par le Fils dans le Nouveau Testament, tout cela a été dit par l’Esprit de Dieu, par l’Esprit-Saint, sous la motion de l’Esprit-Saint. Il faut donc posséder, nous pauvres hommes créés, cet Esprit de Dieu, pour pouvoir comprendre ce que Dieu nous dit comme le rappelle Saint Paul : « Nul ne sait ce qu’il y a en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. »

C’est le don de l’Esprit à l’Église : « Recevez l’Esprit-Saint… »

Il faut que je Le possède en moi : pour que ces mystères de Dieu soient compréhensibles, pour que je puisse les comprendre, c’est-à-dire que je puisse les prendre-avec-moi, les faire miens, et donc vivre avec, vivre d’eux, mieux encore : laisser ces mystères divins se dérouler et se concrétiser à travers moi…

L’Esprit m’est donné pour que je puisse dire oui au mystère de la Sainte Trinité, pour que je puisse dire oui au mystère de la paternité de Dieu, pour que je puisse dire oui au mystère de l’Eucharistie, au mystère de l’Église, au mystère de la Rédemption du monde par le sacrifice de la croix, folie, scandale pour les Grecs ou pour les Juifs, mais sagesse pour Dieu et Ses enfants.

« C’est le Christ qui vit en moi… »

Saint Paul nous rappelle que nous sommes dépositaires de l’Évangile, que nous devons donc le garder dans sa pureté, dans son intégralité grâce à l’Esprit qui habite en nous et nous permet de vivre cet Evangile, c’est-à-dire de l’actualiser en nous, de le réaliser.

Car, encore une fois, il ne s’agit pas seulement de comprendre « Aimez-vous les uns les autres… », il s’agit de le vivre, de faire de cet ordre du Christ, de ce commandement nouveau notre devise profonde quotidienne…

C’est pourquoi Jésus ajoute : « … comme je vous ai aimés. » Car Il sait qu’avec Son Esprit qui est en nous, nous pouvons agir comme Lui… Tout simplement en Le laissant vivre en nous par Son Esprit qu’Il nous donne pour cela !

« Celui qui me mange vivra par moi. »

Il s’agit donc de faire de l’Eucharistie de Jésus le centre de notre vie, puisque c’est en communion à Son Corps que nous recevons Son Esprit !

Alors seulement nous pourrons faire nôtres tous les commandements de Jésus qui ne sont que des indications pour nous permettre de vivre concrètement comme Lui, par Son Esprit : « Lorsque l’on te demande de faire dix pas, fais-en vingt. Lorsque l’on te demande ta tunique, donne ton manteau… » « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse… », « Ne juge pas, et tu ne seras pas jugé… », « Donne avec abondance, une mesure bien tassée, débordante. »

Nous avons vu que tous ces commandements de Jésus, une fois que nous les avons compris dans l’Esprit du Christ, dans la justesse de Son intelligence, nous devons les faire nôtres. C’est le seul moyen qui m’est donné pour être évangélisé moi-même et pour transmettre l’Evangile.

« Heureux serez-vous si, sachant cela, vous le mettez en pratique ! »

Car, nous le comprenons bien : pour transmettre l’Évangile aux hommes, pour attirer les hommes à l’Evangile, il faut qu’ils nous le voient vivre, et qu’ils nous voient heureux de le vivre ! Alors seulement notre message sera crédible et efficace !

Trop souvent, nous insistons sur le caractère peineux de la vie chrétienne. Mais cela frise l’erreur et le péché. Si Dieu nous donne un évangile pour accroître notre peine, il est complètement illogique ! Comment pourrions-nous persuader ceux qui nous entourent, et qui ne sont pas ou peu croyants, de l’utilité profonde de l’Evangile si nous commençons par leur dire : c’est difficile ! Parce qu’il faut aller à la Messe, parce qu’il faut se confesser, parce qu’il ne faut pas faire de péchés : -Fais pas ci, fais pas ça, etc…

« Donne-nous notre pain quotidien… »

L’Evangile doit être vécu, pris, considéré par nous chrétiens, comme une nourriture quotidienne qui nous donne la joie, la force, la certitude, la charité, la patience… Voilà comment nous devons arriver à comprendre l’Évangile et à le vivre !

« Venez à moi, vous tous qui peinez ! » devons-nous dire à nos frères, après Jésus et en Son Nom. « Venez à moi et je vous soulagerai… » Mais si nous disons le contraire, si nous disons que notre morale est vieillotte, dure, ou si nous vivons de telle manière que ceux qui nous voient vivre, nous prennent pour des hommes et des femmes du passé, enfermés dans un carcan et qui étouffent, alors là, oui, ne nous étonnons pas que notre prochain déserte la foi !

En ce dimanche, demandons à l’Esprit de Dieu de nous faire comprendre de quelle manière l’Evangile est pour nous, loi nouvelle car loi libératrice et porteuse de joie ! « Heureux les pauvres en esprit, heureux les persécutés, heureux ceux qui ont soif et faim de justice, heureux les cœurs purs car ils verront Dieu… » !

Voilà notre message.

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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