Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

 » JE VOUS FERAI PÊCHEURS D’HOMMES…  »

Lectio divina pour le 4ème Dimanche de Pâques au 22 avril 2018

Traditionnellement, le dimanche du Bon Pasteur est réservé dans l’Eglise à la prière et à l’action caritative et de soutien financier en faveur des vocations sacerdotales. Bien entendu, nous faisons tout de suite le rapprochement entre la vocation du prêtre qui est pasteur et l’évangile de ce dimanche où Jésus se définit comme le Bon Pasteur. Essayons de mieux cerner ce que représente le pastorat sacerdotal, en fonction de ce Pastorat Unique et tout à fait remarquable qui est celui de Jésus.

« Je Suis le Pasteur… »

Tout d’abord, le titre de pasteur ou de berger est un titre qui relève de l’Ancien Testament. C’est un titre que Yahvé se donne dans un certain nombre d’écrits, comme chez le  prophète Ezéchiel : « Je suis le Pasteur, je guide mon troupeau », c’est-à-dire Israël. C’est une qualité du Dieu unique. C’est donc un titre qui est unique et impartageable : il n’y a qu’un seul Pasteur, c’est Yahvé comme il n’y aura qu’un seul Roi, ce sera aussi Yahvé.

Si Dieu utilise ce concept du berger, c’est parce qu’Il s’adresse à des hommes, et en premier lieu à des sémites, pour lesquels la brebis est l’unique richesse. Tout Juif en tant que tel, à l’époque, est fondamentalement berger, et il sait ce que représente le trésor d’une petite brebis.

Yahvé exprime donc par cette image l’infinitude de Son amour, la perfection de Sa tendresse et du regard qu’Il porte sur Son peuple en faisant appel au terme utilisé par le monde des bergers. Le berger examine la brebis, il la recueille… Il rassemble son troupeau, il le fait sortir hors de la bergerie, il le mène, le conduit dans le pâturage… Yahvé, par le prophète Ezéchiel, dira effectivement : Je te recueille, J’écoute tes plaintes (les plaintes du peuple juif lors de son esclavage en Egypte)… Je manifeste mon intérêt envers toi… Je te rassemble (lorsqu’Il va constituer le peuple sous la houlette de Moïse)… Je te fais sortir (lorsqu’Il va permettre l’Exode)… Je te mène dans les pâturages (lorsqu’Il guidera le peuple vers la Terre Promise)…

Voilà donc que cette révélation, employant un langage qui leur est propre et extrêmement parlant, dit une tendresse infinie, un intérêt fabuleux de la part de Dieu pour Son peuple élu.

« Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »

Titre unique et impartageable. Pourtant, Jésus se définit ici comme le Bon Pasteur : « Je Suis (reprenant ainsi la définition de Yahvé : ‘Je Suis Celui qui suis… »,) le Bon Pasteur » ! Jésus nous révèle qu’Il partage avec Dieu, non seulement Son être divin (« Je Suis ») mais Sa qualité de guide du peuple élu… De la même manière Il dira : « Je Suis la Vérité » et : « Je Suis la Lumière… » ou encore : « Je Suis la Vie… », pour affirmer qu’Il partage avec le Père Sa nature la plus profonde…

Mais Jésus va plus loin dans Son discours. Il veut nous faire comprendre qu’Il fait plus que partager le pastorat de Dieu Son Père. Il le réalise. Et Il le réalise dans Son humanité et par Son humanité.

Il le réalise sur deux points essentiellement.

Il le réalise d’abord parce que le berger n’est pas seulement celui qui se tient devant son troupeau, comme la Nuée et le Feu dans l’Exode qui précèdent le peuple marchant dans le désert vers la Terre Promise pour tracer la route et le protéger.

Le pasteur n’est pas seulement celui qui précède, qui guide, comme Yahvé. Le berger est celui qui est avec son troupeau. C’est ce qu’Il affirme en disant : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. » « Je connais », c’est-à-dire je ‘nais-avec’, je ‘suis-avec’. « Je connais » non pas seulement de cette connaissance partielle qu’est la connaissance intellectuelle, la connaissance de l’esprit et du concept, mais « je connais » avec le cœur. Tel est le sens du mot connaître dans la Bible : « je connais » de cette connaissance plénière et totale qui est la connaissance de l’amour. Et je peux connaître par amour parce que je suis de même nature que mon troupeau !

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi Je vous ai aimés… »

Nous ne pouvons en effet aimer que notre semblable. Contrairement à ce que nous disons, dans le langage courant, nous n’aimons pas les animaux, nous ne pouvons pas dire : « j’aime mon chien. » Nous pouvons dire que nous avons de l’affection, de l’attachement, de l’intérêt, mais nous n’aimons véritablement que notre semblable.

Donc si Jésus connaît par cette connaissance de l’Amour, si Jésus aime et si Jésus est Un dans l’amour avec nous, c’est parce qu’Il est de même nature, de notre nature humaine. Il est vraiment dans notre troupeau. Il est vraiment avec nous, Il est vraiment avec Ses brebis.

Cette proximité de Jésus avec Son troupeau est telle qu’Il la compare à la proximité qu’Il a avec Son Père « Comme je connais mon Père » !  Jésus est aussi proche des hommes qu’Il est proche de Son Père !

Comment est-ce possible ? Parce qu’Il nous aime comme Il aime Son Père : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi Je vous ai aimés. » Et donc Il peut ainsi nous connaître comme Il connaît Son Père. Il est avec nous, Il nous est proche, Il nous connaît, Il nous appelle chacun par notre nom, Il nous aime chacun personnellement, Il partage notre nature de la même manière qu’Il est proche de Son Père et qu’Il partage la nature de Son Père.

« Le Pasteur donne sa vie pour ses brebis. »

Jésus va réaliser le pastorat de Son Père d’une deuxième manière. Il va le réaliser parce que dit-Il, « Le Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Le berger effectivement n’est pas le mercenaire : « Le mercenaire, les brebis ne lui appartiennent pas ; le berger, lui, donne sa vie pour ses brebis. » Et comment voulez-vous que Dieu donne Sa vie pour Ses brebis s’Il n’a pas notre nature ?

De même que Jésus réalise le pastorat de Yahvé par Sa présence au milieu du troupeau, parce qu’Il partage la nature de l’homme, de même Jésus réalise le pastorat de Son Père parce que, toujours dans Son humanité et par Son humanité, Il va pouvoir donner effectivement Sa vie pour Son troupeau ! C’est là le commandement qu’Il a reçu de Dieu : « Le commandement que j’ai reçu, c’est de donner ma vie pour mes brebis, et mon Père m’aime parce que je donne ma vie et que je la reprends. »

Et en conséquence de cette assimilation du pasteur à son troupeau, il y a le retour magnifique : grâce à la connaturalité de Jésus avec nous dans Son humanité, il y a, comme nous l’entendons dans l’épître de Jean, une connaturalité des hommes avec Jésus au niveau de Sa divinité : « Nous sommes enfants de Dieu, nous le sommes vraiment » !

« Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation mais tu m’as façonné un corps… »

Dans la Nouvelle Alliance, le pasteur n’est pas quelqu’un d’étranger au troupeau, comme cela était le cas dans le sacerdoce de l’Ancienne Alliance.

Le pastorat de Dieu est réalisé en Jésus. Jésus ne se contente pas de partager le pastorat de Son Père. Il le réalise, Il l’accomplit, Il le porte à son achèvement.

Il le porte à son achèvement dans Son humanité parce que Son humanité le rend connaturel à l’homme, donc Lui permet de nous aimer, de nous connaître, d’être un avec nous. Cette même humanité lui permet ensuite de donner concrètement, charnellement, sur la Croix, Sa vie pour le troupeau. Au lieu d’avoir un sacerdoce qui est séparé du peuple, avec Jésus et dans la Nouvelle Alliance qui va suivre, le sacerdoce est intégré au peuple, vivant dans le troupeau.

« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

Le sacerdoce de Jésus auquel les prêtres participent représente les mêmes caractéristiques : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

Le Christ envoie les apôtres, Il envoie les évêques. Les évêques envoient les prêtres, tous ceux qui sont autour de vous pour vous servir, tous ceux qui sont parmi vous, tous ceux qui sont « en » vous.

Le prêtre, c’est cela : un homme au service des hommes, chargé de leurs relations avec Dieu dira l’épître aux Hébreux. C’est un pasteur, donc un guide, mais un guide qui est parmi le peuple, qui lui est connaturel, qui partage la vie du peuple pour donner sa vie à ce peuple.

« La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent. »

La relation du peuple au prêtre est fondamentale. L’Eglise est partagée en deux, qu’on le veuille ou non : il y a d’un côté les ministres, évêques et prêtres qui sont les pasteurs, qui sont les bergers, et d’un autre côté, les « christi fideles », les fidèles du Christ, les baptisés.

Il y a donc dans l’Eglise une relation fondamentale entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce du baptisé, le sacerdoce cultuel. Il faut essayer de bien vivre cette relation qui n’est pas une relation de conflit, qui est une relation au contraire de service. Le prêtre est parmi le peuple pour l’amener au Père comme le Christ-Prêtre était dans Son peuple pour mener le peuple au Père : « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent. »

 La relation du baptisé au prêtre doit être la même que sa relation à Jésus. C’est difficile surtout quand on connaît les prêtres ! Et pourtant c’est par le prêtre, c’est par l’évêque que passe le pastorat de Dieu, que passe la tendresse de Dieu, que passe la miséricorde de Dieu à travers la Réconciliation, à travers l’Eucharistie, à travers la prédication, à travers le dévouement, le don de la vie…

« Sacerdos alter Christus »,

Comme Jésus qui a donné Sa vie le prêtre donne sa vie pour le troupeau. Il donne non seulement les sacrements, mais il se donne tout entier lui-même. Et en donnant sa vie, il donne la vie de Dieu comme Jésus qui, en donnant Sa vie a donné aux hommes la Vie de Son Père, a transmis cette miséricorde et cette tendresse de Dieu. Le prêtre en donnant sa vie vous donne la Vie de Dieu de manière à ce que, en retour, vous puissiez remonter à Dieu et ne faire qu’un avec Lui.

D’où l’utilité de prier pour les prêtres, d’aimer vos prêtres. Ce n’est pas là l’expression d’un souci personnel, mais d’une vérité théologique.

Le prêtre, dit-on dans la théologie, est « alter Christus », le prêtre est un autre Christ. Non pas du tout en dignité, car il n’est pas question de dignité. Il est question de fonction, de mission. Il est donc question d’état. Le jour de son ordination, le prêtre est consacré, conformé objectivement au Christ pasteur. Il est donc tenu à rejoindre subjectivement son modèle qu’est le Christ-Prêtre, pour ne faire qu’un avec Lui en donnant sa vie afin que les brebis connaissent le Père et entrent dans la Vie Eternelle.

Prions pour les vocations ! Prions pour le renouvellement du sacerdoce et prions aussi pour la fidélité des prêtres à leur vocation sacerdotale !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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