Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

« Le Christ vous appelle à sa vigne, ne refusez pas ! » Saint-Jean Paul II

Lectio divina pour le dimanche 15 janvier

Nous nous souvenons de cette envolée lamartinienne définissant « l’homme comme un Dieu déchu qui se souvient des cieux. » Très poétiquement XIX ème, c’est assez proche de la réalité. Le Salut pour l’homme, c’est la vie conjointe avec Dieu, c’est la réalisation, à l’image des noces humaines, des épousailles avec le Créateur, celles-là même dont la Liturgie nous a parlé dans les premiers dimanches de l’Avent. C’est ne faire avec Lui « plus qu’une seule chair », plus qu’un seul être, réalisant ainsi en plénitude la promesse que nous fait Pierre dans son épître: « être participant de la nature divine. »

Etre en Dieu comme le Fils en Son Père !

Dimanche dernier, en fêtant l’Epiphanie, c’est-à- dire la publication de l’Avènement de l’Incarnation, nous avons célébré la première phase de ce Salut, car par l’Incarnation publiée le jour de l’Epiphanie nous savons que Dieu n’est plus en face de l’homme, mais que Dieu est dans l’homme.

Par la fête du Baptême de Jésus (qui cette année était célébrée le lendemain, c’est-à- dire lundi dernier), nous anticipions sur la 2 ème phase du salut, c’est-à- dire l’union de l’âme et de son Créateur. En effet, le Baptême du Christ dans le Jourdain n’est qu’une préfiguration du Mystère pascal. Jésus descend dans l’eau, signe de purification, et s’en relève au moment où du Ciel, se fait entendre la voix du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. » Telle est la figure de la mort du Christ qui, sur la Croix, descend au fin fond de la donation en s’abandonnant, en donnant Sa vie, Son Sang, en s’oubliant Lui-même dans un anéantissement total, pour ressusciter, et, « dans la puissance de cette résurrection, être proclamé Fils de Dieu » selon l’expression de Paul.

Et, grâce au mystère de l’Incarnation, grâce au fait que Dieu n’est plus en face de l’homme, mais en l’homme, cette 2 ème étape du mystère du Salut va pouvoir être vécue par l’homme et va faire en sorte que l’homme ne sera plus en face de Dieu, mais en Dieu !

En effet, puisque Dieu est en l’homme, l’homme peut emprunter ce chemin de kénose, cette mort à soi-même du Christ, préfigurée dans le Jourdain et accomplie en plénitude à la Croix, et il peut aussi ressusciter comme Lui, pour se trouver comme Lui en Dieu. Comme le Fils en Son Père !

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… »

On se rend compte de la proximité créée par une telle relation ! Pour l’imaginer plus aisément, faisons appel à la parabole du fils prodigue, à ce retour du fils dans la maison paternelle, retour fêté comme des noces : « Donnez-lui le vêtement blanc et revêtez l’en, mettez lui l’anneau au doigt, tuons le veau gras parce que mon fils était mort et qu’il est revenu à la vie. »

Avec cette 2 ème étape préfigurée dans le Baptême et qui s’accomplit à Pâques se closent, pour ainsi dire, les deux phases de l’Incarnation – Rédemption, les deux phases du Salut par lesquelles l’Homme-Dieu entre dans l’homme et l’homme entre en Dieu comme le Fils. Ceci étant dit, le Carême sera le temps de l’émondage, de la mort au péché, c’est-à- dire le temps où nous essaierons d’enlever de nous-mêmes, tout ce qui est contraire à cet état de vie filiale, cet ego qui nous fait nous regarder au lieu d’être centrés sur le Père. Nous savons ce que signifie l’Amour. C’est justement être décentré de soi pour être centré sur l’autre, en l’occurrence, l’Autre. Alors notre vie n’est plus la nôtre, c’est la Sienne. Notre vie c’est de faire Son bonheur. Comme l’a écrit Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi… » Le Carême sera donc le temps où nous essaierons d’enlever tout ce qui gêne ce décentrage de nous-mêmes pour nous centrer sur Dieu, afin d’être en Lui comme le fiancé est en sa fiancée et réciproquement.

Mais le temps ordinaire qui précède le Carême est d’abord et essentiellement, un temps de contemplation et de regard sur le Fils. Puisque nous devons nous conformer, nous configurer peu à peu à cet état filial, vivre en Dieu comme un fils, le temps ordinaire nous est donné maintenant pour contempler LE Fils afin de nous y configurer. C’est donc un temps de regard ! Nous allons essayer de chercher, de déterminer ce qui définit l’état filial. Qui est leChrist? Comment cerner cette personnalité du Fils ?

« A ceux qui croient en Lui, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu »

Revenons au verset de l’Alléluia précédant l’Evangile et tiré du Prologue de Jean : « Le Verbe, – c’est-à- dire la Parole de Dieu – s’est fait chair et Il a habité parmi nous. » Jean résume là le mystère de l’Incarnation, le mystère de Noël et de sa publication épiphanique. Et il ajoute plus loin, toujours dans le Prologue : « A ceux qui croient en Lui, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu », fils de Dieu. Jean résume là le mystère du Baptême préfigurant le mystère pascal.

Pourquoi faire appel à ce Prologue de Jean ? Pour nous rappeler que le Christ est le Verbe de Dieu, Sa Parole. Et que c’est en ayant foi en ce Verbe, en écoutant et accueillant cette Parole faite chair que nous devenons enfants de Dieu. C’est là toute l’essence de nos messes dominicales. Pourquoi sommes-nous là ? Ce n’estpas qu’un rite : c’est le temps fort de notre ressourcement, de notre contemplation. « Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous, et à ceux qui croient en Lui, Il a donné pouvoir de

devenir fils de Dieu. » C’est donc à travers cette foi en la Parole de Dieu faite chair que je deviens fils.

« Celui qui ignore l’Ecriture ignore le Christ. » St. Jérôme

Qui est le Christ auquel je dois me configurer ? Le Verbe de Dieu, c’est-à- dire la Parole qui explicite, qui « dit » le Père. La Parole de Dieu, et c’est la première partie de ma liturgie dominicale.

La Parole de Dieu faite chair, et c’est la deuxième partie de la liturgie dominicale, l’Eucharistie.

Quelle est cette Parole de Dieu ? La Bible. Biblos, LE Livre et, à l’intérieur de ce Livre magnifique, l’Evangile, la Bonne Nouvelle, la Parole en plénitude puisque c’est le Verbe Lui- même qui La proclame, puisque ce sont les Paroles mêmes de Jésus, de Celui qui est la Parole ! L’Evangile, c’est Jésus, comme dit Saint Marc en commençant son Evangile : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ », c’est-à- dire la Bonne Nouvelle qui est Jésus-Christ. La Parole de Dieu, le Christ, Jésus, c’est le Verbe, c’est l’Evangile. Je n’ai qu’à regarder l’Evangile et je découvre le Christ.

A la messe, la Parole est proclamée. Et Elle est proclamée avec les mêmes grâces qu’Elle le fut par Jésus qui est Parole, au temps de Son Incarnation. Elle est proclamée au peuple de Dieu comme Elle le fut aux contemporains de Jésus. Cette Parole en plénitude qui est l’Evangile, Elle vous est donnée et Elle dévoile l’intimité de l’être du Christ.

« Gardez ma Parole »

N’allons pas chercher midi à 14 heures en nous perdant dans des lectures secondaires ! Ne perdons pas notre temps à lire des ouvrages d’actualité – qui passe avant même qu’elle ne soit écrite ! Allons à Ses Paroles qui ne passent pas… Ne nous dispersons pas mais revenons à l’essentiel : « Gardez ma Parole » disait Jésus.

Gardez cette Parole qui a été annoncée par l’Ancien Testament ainsi que nous le rappelle la première lecture : « Tu seras mon serviteur. » La Parole de Dieu, l’Evangile est tellement plein, tellement rempli de vie, tellement extraordinaire qu’il a fallu des années, des siècles pour préparer l’homme, avec cet Ancien Testament à recevoir le Verbe.

Gardons cette Parole de Dieu qui, quoique accomplissant toute chose en plénitude, se développe dans l’Eglise. C’est le sens de la 2 ème lecture de Saint Paul : « Vous êtes des saints. » L’Evangile est cerné par l’Ancien Testament et par l’explication théologique des épîtres catholiques de Pierre, Paul, Jacques, Jude…

Et au milieu, il y a cette perle qui est Jésus, proclamé et dévoilé devant nous. Nous ignorons Jésus car nous ignorons l’Evangile. Nous en avons une compréhension bien trop approximative car superficielle, trop intellectuelle, sans méditation ni contemplation intérieure nécessaires pour capter toute Sa richesse…

« Celui qui m’aime, c’est celui qui garde ma Parole. »

C’est pour cela que, pour avoir foi en la Parole, pour se confier, pour se marier à la Parole, pour se conformer à cette Parole, il faut non seulement L’entendre, comme vous venez de le faire tout à l’heure, mais il faut La recevoir, La ruminer, La contempler dans le centre de notre cœur filial…

Il faut donc d’abord préparer ses textes du dimanche ! Ce n’est pas en arrivant à la dernière minute que nous pouvons saisir le sens d’Isaïe, le sens de Paul, et le sens de l’Evangile ! Ce n’est pas une parole humaine, c’est une Parole divine contenant toute la richesse de la Rédemption ! Préparer ses textes, les lire, y penser, mais ensuite y revenir, réfléchir sur l’explicitation que l’on nous donne de la Parole, explicitation longue et surtout compliquée parce que nous ne sommes pas assez intelligents pour résumer de manière claire et simple, la Parole de Dieu…

Quelle est notre proximité à l’Evangile ? Nous sortirons de l’église à la fin de l’Eucharistie, acheter des gâteaux, faire le bon repas de famille, sortir avec les enfants ou avec les petits-enfants… Et après ? Notre Evangile ? Où va-t- Il rester ? Nous allons reprendre la route du lundi et de toute la semaine. Et L’Evangile ? Qu’en ferons-nous ? Allons, la conformité au Christ (engagement de notre baptême) passe par la conformité à Sa Parole ! Elle ne passe pas par d’autres moyens.

Sachons que l’Eglise dans sa structure liturgique reproduit la structure de l’office synagogal tant le rôle de la Parole de Yahvé était important chez les juifs, et tant il est important dans l’ecclésia, dans l’Eglise, dans le nouvel Israël. Avoir foi en la Parole, la méditer, la préparer, non pas pour discourir dessus en pseudo exégètes… Mais pour la garder car « Celui qui m’aime, c’est celui qui garde ma Parole. »

Garder la Parole reçue par l’Eucharistie

La Parole s’est faite chair, pourquoi ? Pour que justement nous puissions y communier au sens le plus réel de l’expression : qu’en L’assimilant ce soit Elle qui nous assimile ! Qu’elle ne s’évapore comme les paroles humaines ainsi que le dit Saint Jacques, mais qu’elle soit tangible, palpable, comme dit Saint Jean : « Ce que nous avons vu, entendu du Verbe de Vie, ce que nous avons touché de nos mains, nous vous l’annonçons; et notre communion, elle est avec le Christ », dans l’Eucharistie…

L’Eucharistie est donnée par Jésus pour garder Sa Parole, pour La servir, c’est-à- dire pour L’appliquer en nous, pour L’incarner en nous. Pour que nous soyons, en Christ une nouvelle présentation de la Parole faite chair…

Garder la Parole ne consiste pas avoir dix bibles dans sa chambre, en hébreu, en grec, en latin… Garder la Parole consiste à La vivre ! Et c’est grâce à l’Eucharistie qui nous est donnée en nourriture (parce que la Parole est chair). Pourquoi communions-nous ? Pour nous configurer et nous conformer à cette Parole accueillie, méditée, reçue, assimilée au plus profond de notre être.

Continuer en nous la Rédemption du Sacerdoce du Christ…

Vous avez l’exemple typique de l’Evangile d’aujourd’hui. Se configurer au Christ puisque nous sommes chrétiens, je comprends. Mais alors, si le Christ baptise dans l’Esprit Saint et enlève le péché du monde, en quoi cela me regarde ? Comment puis-je me configurer au Christ baptiseur et qui enlève le péché du monde ? Nous comprenons que cela demande réflexion !

Comment moi pauvre chrétien, laïc ou prêtre, puis-je prétendre baptiser dans l’Esprit Saint ? Et pourtant, nous devons être conformes à Jésus-Christ… Et le Christ a donné le pouvoir à l’Eglise de baptiser dans l’Esprit et d’enlever le péché du monde. Il l’a donné au sacerdoce ministériel qui poursuit le Sacerdoce du Christ : le prêtre baptise et relève des péchés. Cela est encore facile à comprendre. Mais l’Eglise, ce n’est pas que le prêtre. L’Eglise, c’est aussi les laïcs. Alors de quelle manière enlèvent-ils le péché ? De quelle manière baptisent-ils dans l’Esprit Saint ? Eh bien parce que les laïcs, en développant leur baptême, leur propre expérience de la miséricorde de Dieu, redoublent de puissance le Sacerdoce du Christ, ils prolongent dans le temps et l’espace le Mystère pascal… Ils continuent dans leurs corps ce qui manque à la Passion du Christ disait Paul…

En vivant le baptême de l’Esprit, en vivant les confessions des péchés qu’enlève l’Agneau de Dieu, les laïcs multiplient la puissance d’action du Sacerdoce du Christ. Ils ne poursuivent pas le sacerdoce ministériel, mais ils font tout autant en développant sa puissance !

N’est-ce pas vrai que lorsque nous vivons dans l’Esprit Saint, nous éclaboussons nos frères de la fraternité, de la joie, de la paix, de la chasteté, de la bénignité, de la miséricorde ?

N’est-ce pas vrai que lorsque nous reconnaissons nous-mêmes nos misères, nous aidons Dieu dans Son combat contre le Mal en multipliant la présence de la Croix rédemptrice ?

N’est-ce pas vrai que lorsque dans une famille, une société, une communauté, une ville, un pays, chacun essaye de vivre sa vie chrétienne, il y a un effet démultiplicateur extraordinaire vis-à- vis du prochain, chrétien ou non chrétien ?

N’est-ce pas vrai que lorsque nous vivons dans cet Amour de l’Esprit Saint, nous aidons nos frères à rejeter un peu plus la haine, à vivre un peu plus du pardon et de la charité ?

N’est-ce pas vrai que lorsque les parents, font le premier pas dans les familles, pour se demander pardon, ils rétablissent un climat qui est le climat de Jésus ? C’est comme cela que se développe effectivement la puissance du Sacerdoce du Christ.

Le Christ nous appelle à Sa vigne : ne refusons pas cette embauche !

C’est ce dont parle le Pape François lorsqu’il invite à enclencher chacun un mouvement intérieur de paix et de pardon qui peut entraîner une révolution mondiale de la non-violence.

Souvenez-vous de ce que disait déjà Saint Jean-Paul II dans son encyclique « Christi Fideles » : Le Christ nous appelle à Sa vigne. Le Christ veut vous embaucher comme les ouvriers de la vigne. Ne refusez pas cette embauche ! C’est notre devoir, c’est notre vocation ! Allez à la vigne du Seigneur et prenez les moyens pour sanctifier le monde, pour être comme le Christ et en Lui des co-rédempteurs, à l’image de Marie.

Méditons sur Sa Parole, découvrons-Le dans Sa Parole, rassasions-nous de Sa Parole, vivons Sa Parole pour Le faire vivre dans le monde qu’Il veut sauver !

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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