Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

COMMÉMORATION DE VERDUN : RIEN NE SERT DE COURIR, IL FAUT MOURIR À POINT !

Lectio divina pour le 14 juillet

En ce jour du 14 Juillet, il y a cent ans, la Bataille de Verdun arrivait à mi-chemin de son terrible parcours. Pour nous, chrétiens et citoyens français, une réflexion priante sera la bienvenue pour faire mémoire des soldats, officiers, et plus largement de la Nation tout entière qui s’offrirent en sacrifice…

La bataille de la France

Du 21 février 1916, jour du déclenchement de la bataille, jusqu’au 21 décembre, c’est-à-dire pendant 300 jours et 300 nuits, toute la Nation garda le regard tourné vers les côtes de Meuse où, face à un péril mortel et sur un secteur restreint de vingt kms carrés, se jouait son destin. Verdun est demeuré jusqu’à nos jours un symbole parce qu’il s’est agi d’une bataille où les Français affrontèrent seuls, sans leurs alliés, l’ennemi sur un terrain ravagé par soixante millions d’obus (soit 1 tonne /m2 !) qui firent 300.000 morts et 400.000 blessés, et de Verdun la Bataille de France !

Car Verdun, ce n’est pas seulement Vaux, Douaumont, le Mort-Homme ou la Côte 304… Verdun, c’est la France toute entière !

Si tous ne sont pas morts, tous ont été appelés à engendrer notre République

Verdun Bataille de France : On peut le dire car du fait qu’elle dura 9 mois avec une relève instaurée par le général Pétain tous les 8 à 10 jours, tous les soldats de 14-18, s’ils ne sont pas passés par la Somme, la Marne, ou la Champagne, sont passés par Verdun…

Verdun Bataille de France : On peut le dire car Verdun ne fut pas seulement l’une des phases les plus aiguës de ce conflit et une bataille titanesque qui, si elle avait été perdue, aurait scellé l’issue de la guerre au profit de l’ennemi, ce fut aussi la confirmation du pacte conclu entre la Nation et son armée, 124 ans plus tôt, le 20 septembre 1792, sur le plateau de Valmy, au cours d’une autre bataille qui donna naissance à la République proclamée le lendemain. Ce n’est pas anodin que Verdun dura 9 mois pour donner naissance à la République Française du XXè siècle.

C’est le sacrifice d’amour de chacun pour la France qui gagna Verdun

Verdun Bataille de France : On peut le dire car, comme à Valmy, l’armée de la Nation fut capable d’un sursaut héroïque devant une attaque allemande qui prétendait la saigner à blanc… Réponse de l’armée de France : « On les aura ! » Ce fut une réussite stratégique et psychologique rendue possible grâce à la bravoure individuelle du combattant de première ligne et de son sacrifice. Entre toutes les batailles, Verdun fut celle que chaque combattant, métropolitain, africain ou arabe, gagna par son amour pour la France !

Brassens avait raison : on ne meurt pas pour des idées…

Car quelle cause vaut-elle que l’on meure pour elle ? La vraie réponse ne se suffit pas des concepts de Nation, droit et liberté. La génération de Verdun a tiré sa force d’une réalité plus profonde puisée dans les racines chrétiennes de la France : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime… » Sa famille, sa terre, son pays… C’est cet amour de la terre charnelle, pour reprendre Péguy, qui donna à nos pères le droit de s’offrir et la liberté de mourir pour la Nation !

Nous comprenons en quoi la foi chrétienne fut un terreau spécialement favorable pour faire fleurir l’héroïsme ensemencé déjà dans la terre de Verdun par le patriotisme commun à tous : le chemin de souffrance qui amène à la Rédemption. Au delà de l’esprit de Valmy partagé par chaque combattant, le soldat chrétien a pu puiser dans son cœur d’enfant de Dieu la force nécessaire pour accepter le sacrifice qui sauvait notre France.

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle… »

Puisant dans le fond de notre civilisation chrétienne chacun a pu s’accrocher, qui au Christ, qui à sa sainte Mère, qui aux saints comme Thérèse de l’Enfant-Jésus si aimée de nos poilus, qui aux martyrs de la foi ou même aux seuls exemples de ses aïeux courageux dont le sang et les larmes ont fécondé notre terre charnelle…

Par reconnaissance pour ce qu’ils avaient reçu et par amour pour ceux avec qui ils partageaient cet héritage national, ils ont fait don de leur personne pour que la France vive… Comme le Christ fit le don de Sa vie pour que l’humanité redevienne le bel écrin de la Beauté divine !

Puiser dans le Cœur de Jésus le courage pour notre cœur de Français

Les commémorations n’ont de sens que si, outre le fait de rendre hommage à des personnages particulièrement méritants au regard des services éminents qu’ils ont rendus à notre pays, elles sont porteuses d’enseignements pour les temps présents. Ainsi, commémorer la bataille de Verdun au moment où notre pays, attaqué en son cœur il y a quelques mois, est entré dans une guerre longue et difficile, revêt une acuité particulière. Ce n’est pas le lieu ici d’en tirer les leçons politiques qui concernent ceux qui ont la responsabilité de la Nation.

Par contre nous, fidèles du Christ, devons, comme Français, puiser dans le Cœur Sacré de Jésus, inépuisable puits de l’Amour divin, le courage (force du cœur) d’aimer jusqu’au bout, quoiqu’il arrive, et de donner notre vie pour ceux que l’on aime : nos familles, nos citoyens, nos pauvres et nos blessés de la vie…

Tendre à l’ennemi la joue gauche de la paix…

…Mais aussi nos ennemis qu’il nous faut aimer en Dieu, c’est à dire pour lesquels il nous faut souhaiter que la Lumière divine de l’Amour pénètre leur cœur ! Tel est le sens de la joue gauche tendue après la joue droite frappée (Mt 5, 39). Loin d’être le signe d’une soumission masochiste, c’est le signe de la proposition de la paix. Cette proposition ne peut pas toujours être faite à l’ennemi, mais elle peut et doit être toujours faite à Dieu ! Tel est le sens des paroles de Jésus : « Priez pour ceux qui vous persécutent, bénissez ceux qui vous maudissent » (Lc 23, 34)

Cette posture n’est ni facile, ni évidente, ni spontanée… Elle ne peut être vécue que par et dans l’Esprit Saint et exige donc une longue préparation pour entrer en familiarité avec le Consolateur qui est Amour, avec l’Avocat qui est aussi Vérité…

« En Dieu seul la paix et le repos »

Les situations géopolitiques actuelles sont d’une effroyable complexité comme disait Jérémie : « Le cœur de l’homme est compliqué et malade ! Qui peut le comprendre ? » Pour le Pape François, la 3ème guerre mondiale est déjà commencée en morceaux. Que faire devant un tel nœud de conflits et de tensions ?! Laissons à ceux qui en ont la charge de préparer les stratégies diplomatiques et militaires.

Pour nous, prions pour la paix dans le monde, comme nous y invite l’Eglise à chaque Eucharistie ! Soyons attentifs à aider nos responsables politiques par notre foi espérante qui nous fait chercher sans cesse la Paix : « Recherche la paix et poursuis-la » (Psaume 33).

Et nous savons que la Paix véritable est en Dieu seul : « En Dieu seul la paix et le repos » dit encore le Psaume 61 ! C’est pourquoi, pour aider notre monde à vivre dans la paix chacun de nous doit s’efforcer de poser son cœur et de le faire battre dans la Paix de Dieu ! Tel est le sens de cette Collecte : « Inspire nous Seigneur de concevoir ce qui est juste et de l’accomplir ; sans Toi nous ne pouvons exister (pacifiquement), fais nous vivre en accord avec Toi ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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