Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

« VENEZ À MOI, VOUS TOUS QUI PEINEZ SOUS LE FARDEAU ! »

Lectio divina pour le 11ème dimanche du Temps Ordinaire

La Liturgie de ce 11ème Dimanche Ordinaire offre à notre méditation des trésors de la Parole de Dieu. Mais je commencerai ma réflexion par la Collecte, cette prière de toute l’Eglise qui ouvre la liturgie. Le prêtre la récite avec les bras étendus car il récolte en quelque sorte la prière de chaque participant pour la présenter au Seigneur : « Père, au nom de tous… »

Aussi, lorsqu’il est dit que « Dieu est la force de ceux qui espèrent », lorsqu’il est dit encore que « l’homme est fragile et que sans Toi il ne peut rien », il faut que chaque participant à la Messe remplace le terme générique de « l’homme » par « moi », par « je ». « Je suis fragile… Je ne peux rien … »

La prière de l’Église n’est pas une prière abstraite. C’est une prière du cœur de chacun, qui est présentée, à travers la prière de Jésus, au Père : « Je suis fragile… Je ne peux rien… » Et c’est alors que nous participerons vraiment et effectivement à l’Eucharistie…

« Tout par la force de l’amour » (S. François de Sales)

Regardons maintenant la force divine qui se situe à l’opposé : « Dieu Tout-Puissant, force de ceux qui espèrent en Toi, nous pourrons en observant Tes commandements, vouloir agir pour répondre à Ton amour. » La force de Dieu peut donc nous aider à aimer. Trop souvent peut-être je prie le Seigneur pour me donner la force d’agir, la force du « faire », la force de gagner. Il ne s’agit pas de cette force là. La force que l’Église demande au Seigneur pour chacun de nous, la force que chacun de nous demande au Seigneur pour l’Eglise, c’est la force de l’Amour.

Ce n’est pas la force du savoir, du pouvoir, de l’avoir. Et c’est peut-être d’ailleurs pour cela, parce que la puissance de Dieu a été mal comprise, que l’homme sachant de plus en plus de choses et pouvant de plus en plus de choses, amassant de plus en plus de richesses, finalement se retrouve comme n’ayant plus besoin de Dieu. Qu’est-ce que Dieu peut nous apporter dans notre vie d’homme, au niveau de l’entreprise, du faire, du monde ? Rien ! La science suffit, le pouvoir du savoir.

Donc il faut venir à cet essentiel et bien comprendre les mots qu’utilise l’Église. C’est chacun de nous qui est fragile et qui demande la force à Dieu, pour « aimer ».

Car la fragilité dont il s’agit n’est pas une fragilité dans l’agir, mais une fragilité dans l’aimer, dans le fait d’aimer parfaitement Dieu et mon frère.

Maintenant que nous avons précisé le sens des mots, regardons ce que la Parole, avec deux exemples, nous propose à intégrer dans notre vie.

Deux exemples de personnages assez extraordinaires et riches. D’un côté David, le roi, l’élu, qui tout d’un coup dans sa fragilité, tombe, pèche, est entraîné au meurtre pour prendre la femme de l’autre. On se rend bien compte de la force du mal qui fait du roi David, du roi d’Israël, un meurtrier et un adultère. Et, à l’opposé, nous avons Paul qui dans sa haine des premiers chrétiens, les persécute, les fait arrêter, les fait mourir, mais qui au contraire, au contraire de David, va, dans un mouvement de rencontre vers le Seigneur, trouver la voie de l’Amour.

Nous avons donc dans l’exemple de David le modèle de notre fragilité et dans l’exemple de Paul, celui de la force de Dieu qui vient transformer cette haine de Paul en une capacité d’aimer et d’annoncer la Bonne Nouvelle.

Ces deux figures emblématiques de l’Ancien et du Nouveau Testament nous sont finalement proches puisqu’elles nous représentent auprès du Seigneur comme le pécheur fragile qui va être pardonné, le pécheur fragile qui va être remis sur la voie.

Ce n’est plus moi qui vis, c’est le pardon du Christ qui vit en moi…

Nous avons là un exemple de notre vie. En cette Année de la Miséricorde, remarquons de suite comme le Seigneur est bon dans Sa puissance de pardon, puisqu’il suffit de reconnaître son péché pour qu’immédiatement il soit pardonné. Je reconnais, j’ai péché. Et le prophète nous dit : « Le Seigneur t’a pardonné. »

Nous avons là une préfiguration du sacrement de la Réconciliation, de cette démarche que nous faisons chaque fois que nous venons confesser notre faute et qu’en retour nous recevons immédiatement la vie de Dieu grâce à la mort de Jésus.

C’est ce que dit Paul : « Ma vie dans la chair je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » C’est exactement cette foi que nous exprimons chaque fois que nous nous confessons. Nous reconnaissons à la fois notre fragilité et nous reconnaissons la force du pardon de Jésus, qui nous a aimé et qui s’est livré pour chacun de nous.

Bien entendu cette reconnaissance de notre faute, il nous la faut faire nous aussi devant Dieu. Non plus devant le prophète qui représente le Seigneur, mais devant Son ministre qui, au confessionnal, représente Dieu.

Ce n’est pas seulement une reconnaissance de notre faute par rapport à notre surmoi spirituel, à notre idéal de vie, c’est bien par rapport à Dieu que nous avons blessé par notre manque d’amour ! C’est Dieu qui doit entendre l’aveu de notre faiblesse pour que ce soit Lui qui puisse nous répondre par le pardon en nous donnant Sa Force d’aimer. Du coup Paul pourra dire : « Ma vie dans la chair je la vis dans la foi au Fils de Dieu, mais ce n’est plus moi, plus ma fragilité, qui vis, c’est le pardon du Christ qui vit en moi à travers même cette fragilité. »

Jésus habite le pécheur…

Regardons dans ces deux lectures, du prophète d’un côté et de Paul de l’autre, comment nous est présenté le Seigneur qui s’empare de l’âme du pécheur et qui se reconnaît fragile. Le Seigneur ne s’empare pas de nos vertus. Le Seigneur ne s’empare pas de notre force. Le Seigneur vient habiter notre fragilité comme nous avons la démonstration dans l’évangile.

Jésus habite la femme pécheresse, alors qu’Il est logé chez Simon ! Il n’y a pas de rapport, il n’y a pas de lien personnel entre Simon le pharisien, qui sait, qui est un scribe, qui est un docteur de la loi, qui est un pratiquant, comme chacun de nous peut se considérer comme tel. Il n’y a pas de relation personnelle, Simon ne reçoit pas le Christ en tant que Fils de Dieu, en tant que Passeur du Pardon du Père. Il ne lui lave pas les mains, il ne lui essuie pas les pieds. Il n’y a pas de relation personnelle, de cœur à cœur, entre Simon, qui est sûr de sa vertu, et le Christ.

Par contre, entre cette femme avec son péché d’un côté et Jésus avec Son pardon de l’autre, se construit dans la délicatesse une relation personnelle d’intimité et d’échange.

 

« Ta foi t’a sauvée, va en paix ! »

La grande leçon à retenir de cet évangile est là : plus nous sommes pécheurs, plus nous devons puiser dans la grâce de foi l’humble force de nous rapprocher de Jésus, alors que notre réflexe de vieil homme, notre réflexe d’orgueil, nous pousserait au contraire à nous en éloigner en voyant ce mal qui déshonore notre idéal et notre fragilité qui rabaisse notre ambition.

En effet, cet évangile nous dit : plus tu es fragile, plus tu dois manifester ta foi en Sa Miséricorde en t’approchant de Jésus jusqu’à Le toucher, Le caresser, L’embrasser même, manifestant par cette attention d’amour combien tu es sûr de Son pardon promis. C’est bien ce que fait la pécheresse par cette onction qui est comme un soin par anticipation des blessures que Jésus recevra dans Sa Passion et Sa mort pour vaincre la mort du Mal. Pourquoi cette femme vient-elle soigner Jésus ? Parce qu’elle sait, dans la foi, que Jésus lui offrira Son pardon et dès maintenant elle L’en remercie. Car c’est pour cela que Jésus est venu : pour donner Son pardon à chacun de nous, quel que soit le poids de ses fautes.

Retenons bien cette leçon de l’Évangile si bouleversant pour renouveler notre compréhension du sacrement de la Réconciliation. Arriver à l’aveu dans la conscience de son mal et s’approcher du Médecin divin, toucher Son cœur, Lui donner la joie de notre confiance en Sa Miséricorde soignante… Quand Il reçoit l’aveu de notre blessure de mal, Il nous donne ce pourquoi Il est venu, ce pourquoi Il a vécu, ce pourquoi Il est mort et ressuscité : le Pardon du Père qui panse notre plaie comme le fit le Bon Samaritain.

Prions pour que nous puissions revitaliser notre pratique du sacrement de la Réconciliation qui doit être vu comme un soin, comme une affection, comme un baiser d’Amour de Jésus et non pas comme un jugement et surtout pas comme une condamnation : « Va, tes péchés te sont pardonnés … Ta foi t’a sauvée, va en paix ! »

Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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